vendredi 11 décembre 2015

Une gauche à reconstruire



Depuis dimanche soir, tous mes billets ont été consacrés à la lutte contre l'extrême droite, le rejet de l'abstention ou du vote blanc et le soutien au candidat républicain seul en lice, Xavier Bertrand. Il le fallait, parce que l'urgence est là, et la situation trop grave. Mais je n'occulte pas la défaite de la gauche et sa responsabilité dans les résultats. Que le Parti socialiste soit laminé dans ses bastions historiques, dans les villes les plus ouvrières appelle évidemment à une prise de conscience, à une réflexion approfondie et surtout à une prise de décision.

En retirant dans certains régions ses listes, alors que rien ne l'y obligeait, le Parti socialiste a procédé, non pas à un suicide, mais à un sacrifice de soi, une mort symbolique qui n'est pas uniquement une tactique électorale : c'est le vieux parti d'Epinay qu'Hollande, Valls et Cambadélis ont tué, avec raison, car son système est à bout de souffle, complètement stérile. Le président, le Premier ministre et le premier secrétaire du PS ont fait mourir une organisation mortifère, incapable de mobiliser son électorat, de se battre contre l'extrême droite et de défendre la politique du gouvernement. Ce n'est pas un meurtre : c'est plutôt une euthanasie en fin de vie .

Quelles sont les tares qui ont conduit au désastre électoral ? Elles sont repérées et analysées depuis longtemps, mais pas éradiquées. D'abord, il y a la faible représentativité des sections, déconnectées de la population, vivant dans l'entre soi, en cessation d'activités pour la plupart, composées d'adhérents qui ne sont plus des militants, mais des entités administratives sur des listes. Ensuite, il y a le fonctionnement, entre le Rotary club et la loge maçonnique, l'influence sociale de l'un et le travail de réflexion de l'autre en moins. Reste le recrutement par cooptation et le clientélisme, c'est-à-dire la mort de la politique et d'une gauche qui n'a de sens que si elle est populaire. Enfin, la parole de nos élus et responsables souffre de ce qui n'est plus une langue de bois, idéologique, mais plutôt une langue de coton, timorée, contournée, sans efficacité, qui tranche négativement avec le discours direct, simple et brutal de l'extrême droite.

Il faut avoir le sens historique : le mouvement socialiste a déjà pâti de ce repli sur soi, de ce desséchement des énergies, de cette médiocrité des recrutements. C'était entre 1968 et 1971 : la SFIO d'alors était à peu près le PS d'aujourd'hui, toutes choses égales par ailleurs. La grosse différence, c'est qu'elle était remise en cause, à cette époque, par l'extrême gauche, à la suite de l'explosion sociale de Mai 1968. Aujourd'hui, c'est la montée de l'extrême droite, sur ses terres, dans son électorat, qui ébranle ses bases. Le tsunami de dimanche dernier peut être salutaire, si nous savons en tirer les leçons et prendre les mesures nécessaires, comme François Mitterrand a su enterrer la vieille SFIO et son désespérant fonctionnement clanique, afin de créer un nouveau parti socialiste, jeune, ouvert, conquérant.

Dimanche soir, après que nous aurons réaffirmé notre attachement à la République, à ses valeurs et à ses candidats, il faudra entreprendre le grand travail de rénovation du socialisme en particulier et de la gauche en général. Car ce qui est mort de sa propre mort ne reviendra pas, et c'est tant mieux. Il faudra imaginer de nouveaux modes de fonctionnement, de recrutement et d'action, à l'heure de l'individualisme ambiant et de la dépolitisation de masse. La culture militante classique n'existe plus ou fait semblant : il faudra réinventer de nouveaux rapports avec nos concitoyens. Les sympathisants sont beaucoup plus représentatifs du peuple de gauche que ces militants qui n'en sont plus vraiment : c'est à eux qu'il faut s'adresser, ce sont nos électeurs qu'il faut écouter, c'est ce vivier qu'il faut organiser, comme nous avons su le faire lors des primaires citoyennes. C'est un immense travail en perspective, toute une gauche à reconstruire. Mais c'est une tâche exaltante pour qui a la passion de la politique, plus nombreux qu'on ne le croit.

8 commentaires:

Philippe a dit…

"Le président, le Premier ministre et le premier secrétaire du PS ont fait mourir une organisation mortifère, incapable de mobiliser son électorat, de se battre contre l'extrême droite et de défendre la politique du gouvernement. Ce n'est pas un meurtre : c'est plutôt une euthanasie en fin de vie ."
Entièrement d'accord avec cet aspect des choses.
Ce qui monte actuellement par sa domination intellectuelle et qui va se maintenir pour un cycle générationnel est la droite dite patriotique.
Mais en fait cette plante nouvelle se nourrit de l'humus idéologique constitué par la décomposition de la gauche.
La génération suivante ... autre aventure humaine
Du pourrissement naît le Vie

D. a dit…

Faire du neuf avec du vieux ou plus précisément ici, faire du neuf avec des vieux ?
Et vous y croyez vraiment ?
Pour pouvoir changer l'institution (de nom comme en en conservant l'intitulé) il faudra d'abord trouver des personnes nouvelles.

Anonyme a dit…

Je ne comprends pas très bien pourquoi on parle de mort, d'euthanasie, de pourrissement, etc. du PS seulement. Les résultats nationaux donnent 3 forces politiques à peu près d'égale importance. On assiste également à une droitisation de la société française comme ailleurs d'ailleurs; Or pour jouer un match de foot il faut être 2 équipes sur le terrain et pas trois. On peut donc penser qu'une recomposition du paysage politiques et de nécessaires alliances devront intervenir. Et cela commencera dès lundi prochain.

Anonyme a dit…

Il est profondément inexact de dire que le PS a procédé à "un sacrifice de soi" mais plus exactement de dire que la direction du PS a demandé à certains de ces élus qui n'avaient pas démérité de se sacrifier à leur place. Pour être exemplaire il faut procéder pour soi et sur soi aux sacrifices que l'on demande aux autres. A cet effet je comprends parfaitement le comportement de Jean-Pierre Masseret et de ses camarades qui ont maintenu leurs listes malgré les formidables pressions. Eux, ont fait preuve d'un réel courage! Parce qu'on ne casse pas l'expression d'un grand malaise social en cassant le thermomètre que sont les élections et la représentation qui en découle.

Anonyme a dit…

De la même façon la suite et fin de votre paragraphe est contestable parce qu'en réalité en agissant ainsi le PS scie la branche sur laquelle il est assis: un grand réseau d'élus. Déjà en mars dernier il avait perdu toutes les conquêtes électorales depuis 1998. Continuez ainsi et c'est vous-même qui suicidez votre parti. Comme le disait un adage latin:"Jupiter rend fous ceux qu'il veut perdre".

Anonyme a dit…

Je vous invite à lire le livre du politologue Gaël Brustier "A demain Gramsci".

C a dit…

Il est évident que ne sont perdus que les combats qu'on n'engage pas !
J'ai côtoyé Jean-Pierre Masseret dans les années '70. Ce n'est pas un olibrius. Moi non plus d'ailleurs. C'est un marathonien. Il sait qu'en course à pied après les hauts succèdent les bas mais qu'après les bas peuvent revenir les hauts ! Il a parfaitement raison de se maintenir : d'abord il n'a pas perdu d'avance et ensuite si par malchance, il perdait, il resterait avec quelques colistiers à poursuivre le combat au sein de la super-région Est !
Combien il est regrettable que Pierre de Saintignon ait dû se résoudre à abandonner le combat dans notre région Nord !
Combien il est tout autant regrettable que ce ne soit pas Martine Aubry qui ait pris la tête de cette liste !
Car lui aurait-il été possible de s'en aller comme ça avant 22h dimanche soir, sur injonction primo-ministérielle, avant même la réunion avec les colistiers ? Non !
Tellement impossible que c'en est à se demander si tout ça ne relève pas d'une politique politicienne à l'échelon national, à cet échelon où le citoyen Lambda ne s'y retrouve plus depuis belle lurette d'où le désarroi menant au FN.

Emmanuel Mousset a dit…

Ah, l'échelon national ! Il est vrai que l'échelon local, c'est tellement mieux, tellement plus brillant !