mardi 29 décembre 2015

Une question de discipline



Dans mon billet du 22 décembre, j'expliquais pourquoi j'étais contre la déchéance de la nationalité pour les binationaux impliqués dans des affaires de terrorisme. Je n'ai pas changé d'avis. La différence, c'est que depuis une semaine, le chef de l'Etat a tranché. Donc, quand on est socialiste, il faut le suivre, se soumettre à sa décision. Si j'étais à la place de François Hollande, je n'aurais pas fait cette proposition. Mais si j'étais parlementaire socialiste, après le choix du président de la République, je la voterais sans hésiter.

Incohérence ? Contradiction ? Reniement ? Non, discipline. Et ça compte beaucoup, en politique, la discipline. Les points de vue sont nombreux, dans un même parti, sans qu'aucun puisse prétendre à la vérité absolue. Je suis socialiste, mais je suis loin de partager toutes les initiatives du PS et du gouvernement, même si la plupart d'entre elles me conviennent parfaitement. Quand il y a désaccord, c'est la majorité ou le chef qui tranchent : pour la déchéance de nationalité, c'est au chef de l'Etat que revenait le dernier mot, comme l'a fort bien expliqué Christiane Taubira, comme moi hostile, comme moi disciplinée.

En la circonstance, tous les socialistes devraient manifester leur solidarité, sans renoncer à ce qu'ils sont, à leurs idées. Car quand le patron a parlé, il faut le suivre. Sinon, c'est la cacophonie. Et puis, qui suis-je, moi, Taubira ou n'importe quel membre du parti, pour prétendre avoir raison contre les autres qui ne partagent pas la même opinion ? La politique, c'est du collectif, pas des positionnements individuels, aussi judicieux soient-ils. A un moment, il faut que le débat cesse, que les divergences s'effacent et que quelqu'un engage le parti, la majorité et le gouvernement : ce quelqu'un ne peut être que François Hollande, même quand on est en désaccord avec lui. Appelons ça, si le mot de discipline vous indispose, le sens des responsabilités ou, encore mieux, le sens de l'Etat.

Mon alignement sur François Hollande est-il aveugle, militaire, borné ? Non. Si mon refus de la déchéance de nationalité a ses raisons, le point de vue contraire a aussi les siennes, que je n'ignore pas : se ranger au côté de l'opinion, réagir en situation de guerre, ne pas se dédire quand la mesure a été annoncée et unanimement applaudie dans une séance solennelle du Congrès à Versailles. J'entends certains socialistes prétendre que le gouvernement suivrait l'extrême droite. Quelle malhonnêteté ! Ce n'est pas parce que la déchéance de nationalité est dans le programme du FN, pour de tout autres motifs que ceux qui inspirent François Hollande, que l'adopter transforme en militant d'extrême droite ! Faut-il rappeler que la procédure existe déjà et qu'il s'agit simplement de l'étendre aux binationaux nés en France ?

Mais les grandes valeurs, les problèmes de conscience, les scrupules moraux ne devraient-ils pas conduire, moi le premier, à se dresser contre le gouvernement, le Premier ministre et le président ? Non, car faire de la politique, ce n'est pas étaler des états d'âme, aussi respectables soient-ils, mais c'est présenter des états de service. Aux camarades outrés, scandalisés, qui mettent les principes plus haut que les réalités du moment et la nécessité de la discipline, à tous ceux-là, je réponds qu'il y a une façon très simple d'exprimer leur indignation : qu'ils laissent leurs mandats, qu'ils quittent ce parti et cette majorité politique dont le présent choix leur semble si déshonorant. Là, nous serions dans la stricte cohérence, aussi stricte que la mienne, qui consiste à soutenir malgré tout un choix qui ne me convient pas (mais que je ne trouve pas non plus infamant). Vous verrez : aucun ne le fera. C'est souvent ainsi avec les donneurs de leçons, très forts pour les administrer aux autres, mais peu enclins à les appliquer à eux-mêmes. C'est que les belles âmes ont aussi de petits intérêts : leur indignation est verbale et ne va souvent pas au-delà. La rectitude morale la plus impérieuse rencontre très vite ses limites. On peut avoir les mains blanches et le fond de culotte sale.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Le gentil petit soldat bien discipliné du hollandisme! Vous ne permettrez d'en appeler a Zola contre le désordre établi.

Emmanuel Mousset a dit…

Sachez me lire, soyez honnête : j'ai écrit qu'il ne s'agissait pas de discipline militaire. Quant au costume de Zola, déguisez-vous en qui vous voudrez, mais je n'aime pas trop les postures ni les déclamations de théâtre.

Philippe a dit…

L'obéissance au chef est une excuse entendue sous tous les cieux ... dans tous les tribunaux ...

Emmanuel Mousset a dit…

Sauf que ma discipline (l'obéissance est réservée aux enfants et aux moines) ne se présente pas comme une excuse : elle est assumée et argumentée.

Anonyme a dit…

Votre prise de position ne serait que posture vu l'absence de détention de quelconque mandat me semble t-il.
Vous essayez de ramener des détenteurs de mandat indécis, des élus de peu de foi, dans le giron présidentiel.
C'est compatible avec la cinquième république au régime que l'on sait et qui nous mène, on ne le voit que trop, dans le décor.
Il est quand même étonnant d'avoir à se ranger derrière un chef versatile.
De quoi ne pas donner envie de "faire" de politique...

Emmanuel Mousset a dit…

1- Mandat ou pas, peu importe : en République, l'immense majorité des citoyens n'ont aucun mandat politique. Ce sont pourtant eux qui "font" la République.

2- Les récents et tragiques événements prouvent que Hollande est tout sauf "versatile".

3- Si vous avez envie de "faire" de la politique, le désir doit venir de vous, pas de l'exemple ou du contre-exemple que donnent les autres.

Anonyme a dit…

"On peut avoir les mains blanches et le fond de culotte sale." dites-vous et ce n'est pas première fois que vous mettez en jeu les slips et les caleçons dont on pourrait se demander ce que ça vient faire en politique.
Moralité : les écossais entrés en politique et ne portant rien sous leur kilt, c'est bien connu, échappent à vos commentaires un brin scatologiques.

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne fais que suivre mon maître, Jean-Christophe Cambadélis, qui a dit, lors de ces élections régionales : "je n'ai pas l'habitude de mettre mon caleçon avant mon pantalon". Il voulait parler du second tour, qu'il ne faut pas évoquer, selon lui, avant le premier tour. Nulle scatologie là-dedans : simplement des images fortes, qui froissent à tort votre pruderie.

Anonyme a dit…

"je n'ai pas l'habitude de mettre mon caleçon avant mon pantalon".
S'il a dit cela, et qu'il ajuste ses actes à ses paroles, il ne doit pas être terrible à voir et c'est que le ridicule ne tue pas mais ça, on le savait déjà.
Pour ma part, j'ai toujours fait l'inverse et je mets régulièrement mon caleçon avant d'enfiler mon pantalon.
Et n'en déplaise au chef du PS je continuerai ainsi.

Emmanuel Mousset a dit…

Il fallait comprendre : "après". L'erreur se rectifie d'elle-même. Et puis, n'oubliez pas qu'il s'agit d'une image, et pas le lever du roi.