lundi 28 décembre 2015

20 ans sans Mitterrand



Dans quelques jours, nous commémorerons le 20e anniversaire de la disparition de François Mitterrand. "Je crois aux forces de l'esprit et je ne vous oublierai pas", disait-il dans son dernier message de vœux présidentiels. Les Français ne l'ont pas oublié. Deux émissions, pas très bonnes, ont déjà, à la télévision, évoqué l'homme. Rien de nouveau, mais quatre thèmes m'ont poussé à la réflexion :

1- Mitterrand et le secret. On lui prête un art de la dissimulation. Mais sa fille prétendument cachée était présentée au grand jour, dans les lieux publics. Sauf qu'à l'époque, la presse, les médias n'en parlaient pas, respectaient la vie privée des hommes politiques. Mitterrand est resté le même : c'est notre société qui a complètement changé, hélas.

2- Mitterrand et l'amitié. Chez lui, c'était plus qu'un sentiment : un mode de gouvernement des hommes, et parfois de manipulation. L'amitié avec Bousquet ? Une question de fidélité et de reconnaissance, jusqu'à ce qu'on découvre que c'était un salaud. J'ai à l'esprit cette formule d'un personnage de Renoir, dans son film La Règle du jeu : "moi qui ne crois en rien, je vais finir par croire en l'amitié". Tel est ce sentiment chez Mitterrand, qui ne croyait guère en la force des idées, mais en l'intérêt de l'amitié en politique. Les cyniques sont aussi des lucides.

3- Mitterrand et la maladie. C'est la dimension la plus impressionnante : au bout du rouleau, il préside tout de même le Conseil des ministres. Ses derniers visiteurs, il les reçoit allongé sur son lit. Une infirmerie de campagne le suit jusque sur les plateaux de télévision. C'est grand, mais c'est buté : quel orgueil pour tenir ainsi ! Sa maladie, Mitterrand en fait un argument politique, pour se protéger de ses adversaires (dans le débat avec Séguin, sur le traité de Maastricht). Ses nombreux médecins, il les divise pour mieux régner sur eux, comme dans une lutte interne au sein du Parti socialiste.

4- Mitterrand et la mort. Il aime à se promener dans les cimetières, à dialoguer avec les défunts, à s'interroger sur l'au-delà, à rencontrer des hommes de foi. Mais ça n'en fait pas un mystique, encore moins un religieux. Aucune résurgence de son éducation chrétienne, mais plutôt un retour à la vieille superstition républicaine, qu'on repère tout au long du XIXe siècle, où les hommes de progrès, Hugo par exemple, adhèrent aux fadaises du spiritisme. En matière de spiritualité, Mitterrand déambule en curieux et finit par inscrire dans son testament cette phrase indéterminée : "une messe est possible". Agnostique lui-même, il laisse aux autres le soin de décider pour lui !

Je suis entré en politique avec François Mitterrand, même si je me sens plus proche de Michel Rocard. Mais celui qu'on surnommait Dieu ou Tonton m'aura fait aimer cette activité, jusqu'à aujourd'hui. Mitterrand n'était pas complètement convaincant, mais toujours séduisant. En ce sens-là, j'aurai une dette envers lui, je resterai un mitterrandiste.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Être l'ami d'un salaud... Admirer une crapule... Fréquenter l'ordure...
En effet, c'est possible parce que les salauds intégraux, les crapules totales et les ordures définitives, ça n'existe sans doute pas : chacun ayant sa part plus ou moins grande ou étroite de beauté, de bonté, d'exemplarité, chacun ayant été un bébé innocent au moins lorsqu'encore au sein de sa mère.
La part d'ombre, la part d'ensoleillement...
Reconnaître et louer les qualités littéraires et intellectuelles et même parfois humaines d'un Ramon Fernandez voire d'un Louis Ferdinand Céline, c'est bien sûr possible, mais avant les prises de position indéfendables.
Rester leur ami par la suite, ça dépasse quand même l'entendement du béotien que je dois être demeuré...

Emmanuel Mousset a dit…

L'amitié comme l'amour sont des mystères.