mercredi 9 décembre 2015

XB = MLP ?



Avec mes ami(e)s de gauche, nous pouvons nous accorder sur un point : l'arrivée du Front national à la tête de notre région serait un drame pour nous tous. Qui ne le pense pas, qui reste indifférent à cette possible catastrophe n'est pas de gauche. Notre famille politique a toujours été très hostile à l'extrême droite. Là où nous divergeons, c'est que certains camarades pensent qu'il y a équivalence entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen, que voter pour l'un revient à voter pour l'autre, qu'il faut les renvoyer dos à dos et par conséquent voter blanc. Je ne suis pas d'accord, j'aimerais vous le démontrer, le plus honnêtement et le plus rationnellement possible.

J'entends souvent, dans nos milieux : "Bertrand court après Le Pen". C'est en partie vrai, pour des raisons électorales. Contrairement à ce qu'on croit, l'essentiel de l'électorat FN ne vient pas de la gauche, mais de la droite. Le parti que menace vraiment le Front national, ce sont Les Républicains (ex-UMP). Xavier Bertrand, qui se réclame du gaullisme social, a incontestablement droitisé son discours et ses positions depuis quelques mois, en vue de reconquérir un électorat passé à l'extrême droite. Ce durcissement ne peut évidemment que déplaire à des militants et sympathisants de gauche. Je prendrais trois exemples de mesures récentes avancées par Xavier Bertrand et auxquelles je m'oppose : l'utilisation de l'armée à Calais, le refus d'accueillir des migrants à Saint-Quentin, la fusion des ministères de l'Intérieur et de la Justice.

Une fois qu'on a constaté cette surenchère à droite, il faut se demander si elle justifie qu'on tire un trait d'égalité entre Xavier Bertrand et Marine Le Pen : le candidat de la droite et du centre est-il un homme d'extrême droite et porte-t-il, dans le cadre de cette campagne, un projet d'extrême droite ? La réponse est non. L'extrême droite, c'est trois obsessions : la xénophobie, le nationalisme et l'autorité. Je pense que Xavier Bertrand a cédé sur ce dernier point. Mais on ne peut pas dire sérieusement qu'il soit xénophobe ou nationaliste. Bertrand, ce n'est pas Le Pen.

A mes ami(e)s de gauche qui s'apprête à voter blanc, je veux dire aussi ceci : en politique, il ne faut pas raisonner en termes de personnes, mais d'organisations et de forces politiques. Les Républicains ou le Front national à la direction de la région, ce n'est pas du tout la même chose. Dans le premier cas, vous avez une formation, LR, qui est composée de plusieurs sensibilités et personnalités, des républicains incontestables, des centristes, des démocrates chrétiens, des gaullistes. Dans le second cas, vous avez un parti, le FN, qui est constitué de tous les courants de l'extrême droite française, nationalistes radicaux, néofascistes, monarchistes, catholiques intégristes, ultralibéraux. Voulez-vous que ce patchwork infernal s'installe à la tête d'une collectivité de six millions d'habitants, place ses créatures aux postes de pouvoir, soit maître de notre politique économique, programme nos activités culturelles, décide du versement des subventions ? Moi pas, absolument pas, au nom de la gauche, parce que la gauche et les associations progressistes en deviendraient les premières victimes. Avec Xavier Bertrand, nous n'aurons pas la politique de notre choix, mais nous n'aurons pas la répression, l'intolérance et le racisme.

Ami(e)s de gauche, voter blanc ou s'abstenir, c'est tentant, c'est facile mais c'est dangereux : c'est, que vous le vouliez ou non, augmenter les chances de victoire du Front national. Vous ne le pouvez pas, parce que vous êtes de gauche, parce que ce serait contraire à vos valeurs. La franc-maçonnerie a appelé à s'unir contre Marine Le Pen, la presse locale s'est engagée contre elle : et vous, ami(e)s de gauche, parce que Xavier Bertrand ne vous plait pas, parce que vous ne voulez pas voter pour un homme de droite, vous accepteriez de favoriser l'extrême droite ? Non, ce serait incohérent, et je ne peux pas le croire.

Xavier Bertrand, je l'apprécie aussi peu que vous. A Saint-Quentin, en 2007 et en 2014, aux élections municipales, toute mon ambition était de devenir le leader de la gauche locale pour lutter contre lui, pour être son premier opposant, pour un jour le battre. Le sort en a décidé autrement. Aujourd'hui, il y a urgence, il faut écarter le pire, et c'est Le Pen. La politique n'est pas affaire de sentiments ou d'états d'âme, même si tout être humain à un cœur et une sensibilité. Personne ne vous demande d'aimer Xavier Bertrand, mais de le préférer à Marine Le Pen. Faites-le, car si l'extrême droite passe, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer, et il sera trop tard pour manifester.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce qu'on voulait, ce que j'aurais voulu : que la "gauche" reste en lice au second tour, comme Masseret en Lorraine.
Ce qui aurait pu se faire : que XB recherche l'alliance avec la gauche, lui propose quelque chose ! Là, ça aurait été prendre en considération les gens qui sont à sa gauche...
Mais la position de XB, là, c'est quoi ?
XB pense que la gauche c'est des moins que rien ! Il n'a rien à faire de nous.
Eh bien, il ira se faire voir ailleurs !

Emmanuel Mousset a dit…

1- On reste en lice quand on est en situation de gagner, pas de faire gagner l'extrême droite.

2- Je suis contre la fusion-confusion : la droite c'est la droite, la gauche c'est la gauche.

3- Je n'attends rien de Xavier Bertrand, je ne lui demande rien : mon seul objectif, c'est de préserver notre région de l'extrême droite.

Antoine a dit…

Je suis en total désaccord avec la fin de l'article : "Faites-le, car si l'extrême droite passe, nous n'aurons plus que nos yeux pour pleurer, et il sera trop tard pour manifester. "

Si Le Pen passe, il faudra au contraire se manifester et se rassembler.

Par exemple, si elle supprime les subventions aux assos de migrants, on créera des fonds nous-mêmes et on mettra de notre poche pour contrebalancer tout ça.
On rassemblera la gauche, on expliquera aux gens que le problème c'est pas l'immigré, c'est bel et bien le système néolibéral qui les "fout dans la merde".
Et on ira manifester pour chaque décision fasciste qu'elle prendra. On lui montrera que la gauche est encore là, et que même si elle est élue, on va l'emmerder jusqu'au bout, lui mettre des bâtons dans les roues le plus possible afin de limiter les dégâts de sa politique.

C'est comme ça qu'on combattra le pen. Elle n'aura pas tous les pouvoirs.

Anonyme a dit…

J'entends les 2 arguments. Pas simple...

Emmanuel Mousset a dit…

Antoine, votre propos est complétement incohérent. Si vous êtes contre le FN, c'est avant sa victoire qu'il faut lutter contre lui, pas après, où l'on ne pourra plus grand chose contre lui.

Antoine a dit…

Je n'ai pas dit qu'il ne fallait pas lutter avant. Juste qu'il faut encore lutter après au lieu de pleurer.

Emmanuel Mousset a dit…

"N'avoir plus que ses yeux pour pleurer" est une formule imagée, qui signifie qu'il est vain de se plaindre quand on n'a pas agi auparavant. Mais je ne demande pas à ce qu'on verse des larmes ! Vous avez raison : le combat contre le FN doit être permanent.

Anonyme a dit…

On n'attend rien de la droite en retour,évidemment.
En 2002, nous avons éliminé le père; en 2015 éliminons la fille !
Et après nous combattrons XB.

Anonyme a dit…

"On n'attend rien de la droite en retour,évidemment.
En 2002, nous avons éliminé le père;"
Et ensuite on a eu qui ?
Combat efficace...
"en 2015 éliminons la fille !
Et après nous combattrons XB."
On peut toujours y croire,
ça ne mange pas de pain...
Mais la foi, ça s'attrape comment ?
Vous avez la recette ?
Il paraît que les chants les plus beaux sont les chants désespérés...

Emmanuel Mousset a dit…

Fastoche : le vote. Mais pour ça, il faut être républicain.