mardi 20 août 2013

Le smic des toubibs



Pendant longtemps, les médecins avaient des vies de notable : un bon salaire, une belle maison, une belle voiture, de beaux enfants et une belle femme. Dans les régions de droite, ils devenaient adjoint au maire ou conseiller général. Un enfant de bourgeois rêvait de devenir médecin, parfois comme papa. Patron, ce n'est pas toujours bien vu ; mais toubib, personne ne conteste : au contraire, c'est l'admiration. Le métier se présente plutôt comme une vocation, voire un sacerdoce, un peu comme prof ou instit. Il a le mérite, assez rare, presque contradictoire, de conjuguer la vertu et l'argent, l'utilité sociale et le profit personnel, un vrai dévouement et un bon compte en banque. Bien sûr, je suis dans l'image, mais aussi dans la réalité.

Cependant, les temps ont changé, depuis un certain temps déjà. Les docs ont maintenant leur smic, mais plus élevé que celui des smicards : 3 640 euros nets mensuels, et pas partout, seulement dans ce qu'on appelle bizarrement les "déserts médicaux". De ce point de vue, la Picardie c'est le Sahara ! Ce n'est pas que la France manque de médecins : la profession reste attractive. Mais les jeunes docs sont comme les jeunes profs : ils ne veulent pas s'installer n'importe où, ils tiennent à leur confort de vie, ils n'ont pas envie de se retrouver chez les petzouilles, de même qu'un professeur agrégé ne demandera jamais sa mutation pour la Thiérache.

Et puis, les médecins d'aujourd'hui ont envie de bouger, puisque tout le monde parle de mobilité : fini le médecin de famille qui restait quarante ans au même endroit, qui soignait parents, enfants et petit-enfants. Enfin, mutation dans la profession, beaucoup d'entre eux sont désormais d'origine étrangère, un peu comme les curés dans les paroisses rurales. Le temps est révolu d'un Céline, docteur avant d'être grand écrivain, soignant gratuitement les pauvres, jusqu'à ne pas compter ses heures.

L'Aisne a mis en place des prêts à taux zéro sur quatre ans. Des logements de fonction sont proposés, des primes versées par l'Etat, par les régions ... Mais rien n'y fait vraiment. Donc, le salaire minimum, pourquoi pas, c'est une bonne idée. Jusqu'à présent, les mesures ont surtout été incitatives. C'est bien, mais ça ne suffira sans doute pas. Il faudra certainement, à un moment ou à un autre, passer à la coercition, parce que le sujet est d'intérêt national.

Mais il va falloir bousculer des habitudes, des intérêts, des rentes de situation. Pas facile : la droite ne peut pas, les toubibs sont une réserve électorale pour elle ; la gauche n'ose pas trop, le médecin étant une figure populaire et influente, à laquelle on ne touche pas sans dommages. La réforme est délicate parce qu'elle doit faire évoluer des mentalités. L'argent et les moyens matériels n'ont pas réponse à tout. Comme les enseignants, mais à un autre niveau, les médecins ont sans doute une impression de déclassement. Mais à 3 640 euros par tête de pipe, on peut quand même vivre.

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