samedi 31 août 2013

Danger division



Après, dans l'ordre chronologique, Stéphane Monnoyer (centriste), Yannick Lejeune (FN), Michel Garand (PS), Olivier Tournay (PCF), c'est une cinquième candidature aux prochaines élections municipales de Saint-Quentin qui a été révélée hier, assez discrètement, dans le Courrier picard : Guy Fontaine (communiste Front de gauche), figure bien connue du milieu politique et syndical local, déjà candidat aux dernières élections législatives.

Mais c'est une tête de liste différente des autres, car elle n'a pas forcément vocation à le rester : sa désignation est en vue de "mener des contacts avec nos partenaires politiques", selon René Jaffro, secrétaire de la section du PCF (comme les socialistes, les communistes sont répartis à Saint-Quentin dans deux sections qui, bien que du même parti, défendent des lignes politiques différentes). Traduction : le Front de gauche (auquel appartiennent les communistes de Jaffro, mais pas ceux de Bécourt) va négocier sa présence sur une autre liste. Objectif : "préserver l'union de la gauche et rassembler au maximum". J'approuve entièrement, mais l'annonce de cette candidature et l'impression qui en ressort à la lecture de l'article me posent plusieurs problèmes et questions :

1- Comment les membres d'un même parti peuvent-ils figurer sur des listes différentes, donc entrer en concurrence ? Ca me semble difficilement concevable, politiquement insoutenable (au parti socialiste, ça vaudrait exclusion). La tonalité de l'article donne le sentiment que les deux sections communistes vont se rapprocher, sous l'égide de leur fédération, et participer à la même liste, qui ne peut être que celle conduite par Olivier Tournay.

2- Si la cohérence et l'unité communistes en sortent victorieuses, ce n'est pas le cas pour ce qui concerne l'unité de la gauche, sa capacité à rassembler et par conséquent sa chance de l'emporter. A Saint-Quentin, la gauche ne gagnera qu'unie, ou bien elle perdra. Si nous étions forts, si nous étions les sortants, nous pourrions nous payer le luxe de candidatures multiples, qui ratissent large au premier tour et permettent de gagner au second tour, dans le prolongement de leur dynamique. Mais quand on est faible et dans l'opposition, avant d'envisager la victoire, il faut envisager de passer le premier tour : divisée, la gauche saint-quentinoise n'y parviendra jamais, JAMAIS, puisque, même rassemblée, elle y parvient difficilement. Quand René Jaffro dit qu'il veut "préserver l'union de la gauche et rassembler au maximum", il ne faut pas qu'il se paie de mots, il faut qu'il en tire toutes les conséquences politiques.

3- Le Front de gauche est-il incompatible avec la social-démocratie ? Non, absolument pas. J'ai connu l'époque où le parti communiste, alors stalinien, s'alliait avec les socialistes ouverts aux rocardiens ; alors ... Ce qui compte dans le scrutin municipal, ce ne sont pas les divergences nationales, parfois fortes, mais c'est le contexte local : quand on a face à soi Xavier Bertrand, on n'a pas le droit de se diviser, on fait tout pour s'unir ! Demain, dans le canton thiérachien d'Aubenton, le PS soutient dès le premier tour la candidate du Front de gauche ; alors ... A Saint-Quentin, l'important n'est pas de savoir si on est socialiste ou communiste (j'exclus bien sûr l'extrême gauche, qui n'a rien à voir avec nous), mais si on veut gagner ou pas. Or, je l'ai déjà dit et je le répète, tant qu'il le faudra : la gauche, après bientôt vingt ans d'opposition, ne peut pas se permettre une nouvelle défaite.

4- Le Front de gauche peut-il se reconnaître dans la démarche politique d'Olivier Tournay et Corinne Bécourt ? Certes, ils sont communistes les uns et les autres. Mais la section historique de Saint-Quentin est dans une dissidence, une déviance qui l'apparente plus à l'extrême gauche qu'à la gauche. Et l'irresponsabilité socialiste à les réunir dans une liste unique en 2008 a aggravé cet état de fait, l'a même encouragé. Nous n'avons pas fini d'en payer les conséquences négatives, qu'il faut maintenant rattraper au prix fort. Tournay et Bécourt sont anti-Front de gauche : comment le Front de gauche pourrait-il les rejoindre ? Quand les communistes légalistes trouvent que Jean-Luc Mélenchon va trop loin dans l'invective contre les socialistes (voir les derniers propos de Pierre Laurent, secrétaire national du PCF), les communistes dissidents saint-quentinois estiment que Mélenchon ne va pas assez loin dans sa dénonciation de la social-démocratie, qu'il est trop accommodant parce que toujours socialiste, bien qu'ayant quitté le parti. Je vois mal Jaffro s'accorder avec un tel point de vue.

5- Comment dénouer ce dilemme cornélien du Front de gauche local ? Rejoignant les socialistes, ils divisent les communistes ; rejoignant les communistes orthodoxes, ils empêchent l'union de la gauche et sa victoire sur Xavier Bertrand. La solution, outre la cohérence des convictions, est dans ce qui fait la nature de la politique, c'est-à-dire le pouvoir, et pour le dire plus trivialement, les places : avec Olivier Tournay, les communistes du Front de gauche n'en gagneront aucune, parce que Olivier ne sera ni le prochain maire de Saint-Quentin, ni le futur leader de l'opposition ; avec les socialistes, que ceux-ci l'emportent ou qu'ils perdent, le Front de gauche aura sa place, ses élus. En politique comme dans la vie, il y a des choses qui ne se refusent pas. Ou alors c'est qu'on est tombé sur la tête.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous n 'avez pas l' impression de décrire ce que on peut sans beaucoup se tromper : un jeu d'échecs .... Faut il en rajouter et se perdre en conjectures ... Ou ne serait il pas plus intelligent de créer une université de GAUCHE , une conférence permanente de la GAUCHE dans la VILLE , lieu où le débat permettrait d'y voir clair et surtout d'avancer ensemble ??

Emmanuel Mousset a dit…

"Jeu d'échecs" : c'est un jeu de mots ?

Sinon, vous avez raison, il faudrait une sorte de comité permanent de liaison des partis de gauche, et pas seulement des rencontres à visée électorale, à l'approche des élections.

Tucket la Chamelle. a dit…

Moi, je suis perdu entre Jaffro, Fontaine, Tournay et Bécourt : je n'arrive plus à comprendre qui défend quoi :(

Emmanuel Mousset a dit…

C'est pas plus compliqué à comprendre qu'entre Garand, Lançon, Ferreira et Mousset.

Je reprends : Jaffro, Fontaine, Tournay et Bécourt sont tous communistes, mais pas de la même façon. Les deux premiers sont pour le Front de gauche de Mélenchon, les deux autres veulent en rester au PCF traditionnel. De là découlent des approches différentes qui, comme toujours en politique, se clarifieront au moment des alliances électorales.

Est-ce que ça va comme ça ? C'est quand même moins compliqué que la lecture de la Bible ou d'un ouvrage de physique-chimie !

Anonyme a dit…

En fait c'est comme au PS ; il y a des courants aussi au PC mais en plus pire comme on dit en PICARDIE .....

Emmanuel Mousset a dit…

Les courants de pensée sont indispensables à la vie démocratique d'un parti politique ; les clans, non.

Anonyme a dit…

Pas libéré pour la libération ??

Votre absence fut remarquée ... Présence de AF ... Tout sourire mais comme vous pas candidate .... Hélas le candidat officiel souvent mains dans les poches et quelques uns de ses suiveurs eux aussi mains dans les poches le plus souvent pendant les cérémonies et les discours semblent avoir des progrès à faire en terme d'image ...

Emmanuel Mousset a dit…

1- Je ne tiens pas à me faire remarquer, ni par mes absences, ni par mes présences. Je n'étais pas à Saint-Quentin ce week-end.

2- Depuis que Anne n'a plus la charge de leader, elle se sent libérée, plus à l'aise, elle est redevenue elle-même.

3- Michel vient d'arriver dans le métier, laissez-lui un temps de rodage. Saluer des gens qu'on ne connait pas, ce n'est pas un mouvement naturel. Il apprendra vite.