vendredi 21 octobre 2011

Epatant l'EPIDE !

C'était ce matin la célébration des trois ans du centre EPIDE à Saint-Quentin, l'endroit où il fallait être, où tous les gens importants étaient. Je ne suis pas important mais j'y étais, parce que j'interviens une fois par mois dans l'établissement, pour animer un café philo qui se passe d'ailleurs très bien, les jeunes donnant entière satisfaction.

L'EPIDE, a priori ce n'est pas évident quand on est de gauche. Pour un éducateur, l'aspect militaire peut déplaire. Profonde erreur ! Cet aspect est léger, les jeunes acceptent volontairement la discipline, elle leur est profitable. Le taux de réussite est admirable. Foin des préjugés, vive l'EPIDE, et bon anniversaire !

Ce matin, dans la salle de restauration où la veille même j'avais animé la séance de café philo, les officiels ont donné à la cérémonie tout son éclat. Ce n'est pas du baratin ou du protocole : les "volontaires pour l'insertion" (c'est ainsi qu'on les appelle) ont besoin de cette fierté dont la vie, pour eux difficile et ingrate, les a privés.

Le directeur, Michel Devisscher, a remis des diplômes après la cérémonie des couleurs. Un chèque a été versé aux restaurants du coeur, correspondant aux bénéfices d'une mini-entreprise créée dans l'établissement. Monsieur le sous-préfet et monsieur le ministre-maire étaient à ses côtés. Quand je vous dis qu'il fallait en être ! Non loin de ces éminences, Christian Huguet et Maurice Dutel étaient droits et attentifs. Quand un drapeau tricolore claque quelque part au vent, quand des hommes se mettent au garde à vous, le docteur et le colonel répondent présent. Même les arbres semblent se mettre en position militaire sur leur passage ...

Jacques Destouches a fait un beau discours de sous-préfet, revigorant, républicain et citoyen. C'est un plaisir que d'écouter cet homme-là : la diction est parfaite, le mot est précis, le ton est juste, le contenu est adapté. Et aucun papier sous les yeux ! Dans ces moments-là, monsieur le sous-préfet n'est plus qu'une bouche dont la parole est d'or.

Le débit est régulièrement interrompu ou plutôt scandé par des heueueueueu qui n'ont rien à voir avec une vulgaire hésitation : à ne pas confondre avec le heu-heu-heu haché de celui qui cherche ses mots et ne les trouve pas parce qu'il ne les a pas. Non, le heueueueueu du sous-préfet est lissé, élégant, préfectoral et non pas rugueux, trébuchant, balbutiant. Ce n'est pas un défaut, c'est une respiration dans le discours, presque une ponctuation.

Nous avons tous un tic de langage qui singularise nos interventions, leur donne leur personnalité, rythme la phrase. Le heueueueueu de monsieur le sous-préfet vient du fond de la gorge, ce qui signale immédiatement sa gravité. Quand l'onomatopée sort de sa bouche et parvient jusqu'à nos oreilles, c'est une caresse, un envoûtement. Encore une fois, rien à voir avec le désagréable heu-heu-heu qui rappelle le toussement ou un moteur de voiture qui a du mal à démarrer.

Xavier Bertrand, quand son tour est venu de s'exprimer, n'a pas ce genre de tic de langage, à l'exception d'un léger accent qui se dévoile à la prononciation de certains mots, comme "Saint-Quentin". Je ne vois pas d'où cela lui vient, il y a quelque chose de chantant dans ses intonations. Cette perfection dans la prise de parole le perdra. "Il est trop", comme disent les jeunes. Il lui manque l'apparente imperfection de Jacques Destouches et ses heueueueueu. Ne sait-il pas que c'est ainsi qu'on relève l'éclat d'une rhétorique ?

Je voudrais illustrer mon assertion par un exemple tiré de René Descartes, dans sa "Lettre à Chanut" : le philosophe évoque un amour d'enfance, une jeune fille qui louchait légèrement, cette petite imperfection faisant tout son charme. Ne parle-t-on pas alors d'une coquetterie dans l'oeil ? Il en va de même pour la beauté d'un discours : les heueueueueu de monsieur le sous-préfet sont une coquetterie dans le langage qui renforce son charme. C'est pourquoi, sur ce point en tout cas, Xavier Bertrand lui est inférieur : il devrait se laisser aller à une faiblesse mineure, en inventer une si besoin, pour que la force de sa voix y gagne.

En sortant de l'EPIDE, à la fin de la cérémonie, j'ai été hélé par Pascal Cordier, qui voulait s'entretenir avec moi. Nous avons parlé blog of course, et politique subséquemment. Après, je suis rentré à la maison.

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