jeudi 27 octobre 2011

La démocratie électronique.

La démocratie a toujours été bouleversée dans ses fonctionnements par le progrès technique, sans que ses finalités en soient altérées. Au XIXème siècle, c'est la naissance de la presse moderne qui a contribué au développement de la République. Avec la télévision et l'internet, nous assistons à l'instauration d'une démocratie électronique qui modifie nos comportements. Les primaires citoyennes en ont été une étape importante et un accélérateur.

D'abord, la télévision a joué un rôle déterminant là où, auparavant, il n'y a pas si longtemps, c'étaient les débats internes au parti qui décidaient du résultat. Et puis, l'information sur les modalités du vote a circulé sur le net beaucoup plus qu'à travers les sections, les affiches et les tracts. Enfin, les militants ont fait une drôle de découverte, le stylo électronique qui élimine les possibilités de fraude. Jamais le parti socialiste n'aura été dépossédé à ce point des moyens du militantisme classique, en pleine mutation.

Depuis les années 30 du siècle dernier, la scène politique française avait ses figures familières : le journal d'opinion vendu à la criée, le militant distribuant ses tracts sur le marché, le collage nocturne des affiches, le boîtage dans les quartiers, la réunion publique dans une salle municipale, un préau d'école ou l'arrière d'un café. Depuis quelques années, nous sentions que ces vénérables rituels avaient pris du plomb dans l'aile. Aujourd'hui, on peut dire que l'oiseau est agonisant.

Bien sûr, rien ne meurt jamais vraiment. Il y aura des survivances, sous forme de folklore. Le distributeur de tracts sera regardé comme les enfants s'amusent devant les autruches au zoo. Le colleur d'affiches sera vu comme quelqu'un qui dégrade inutilement l'environnement. La réunion publique qui ne regroupe que ceux qui sont déjà convaincus (quand la salle n'est pas vide ...) fera plaisir à ses seuls organisateurs. Mais l'essentiel se jouera ailleurs, sur les réseaux sociaux : c'est ce que les primaires citoyennes ont démontré avec éclat. Et nous ne sommes qu'au début d'un processus de fond ...

La démocratie électronique ira encore plus loin : la fin d'un autre rituel républicain, le bureau de vote avec son urne, ses isoloirs et ses bulletins de vote, avec la formule quasi sacramentelle, "a voté". Cette petite messe démocratique s'est dégradée depuis pas mal de temps : plus personne n'y vient endimanché, certains ne s'y rendent même plus du tout, à voir les taux d'abstention. La solennité autant que la fréquentation se sont perdues. A ce rythme, nous allons tout droit vers le vote électronique, non pas avec des machines à voter à la façon américaine, mais de chez soi, bien tranquillement, sur son ordinateur.

Ce qui me fait penser à ça, c'est un scrutin complètement électronisé mais passé inaperçu : les élections professionnelles dans l'Education nationale, la semaine dernière. Le vote papier a été remplacé par le vote internet. Tout s'est très bien passé malgré la nouveauté et l'apparente complexité, les syndicats sont satisfaits, les résultats ont été très vite connus et aucunement contestés. Ce qui est possible pour une profession qui rassemble deux millions de fonctionnaires le sera pour un électorat plus vaste.

L'électronique simplifie tout et réduit, sinon supprime, les dysfonctionnements. Les élections politiques seront à leur tour bénéficiaires de l'avancée technologique ; on voit mal comment il en serait autrement. D'autant qu'elles sont moins compliquées que les élections professionnelles des personnels de l'Education nationale, où il y a quatre niveau de votes, de multiples listes aux sigles parfois inconnus et difficilement identifiables. Et là, on ne peut pas trop compter sur la télé pour clarifier les enjeux ! Et pourtant, ça marche.

Voter à la maison, d'un clic, réduira probablement l'abstention. La démocratie, qui fonctionne que si l'on participe, ne pourra que s'en féliciter. Les principes républicains (choix, anonymat et individualité du vote) ne seront pas enfreints. Bientôt, l'urne, l'isoloir, la table et ses bulletins iront au grenier ou constitueront les pièces d'un musée, que nostalgiques et grincheux pourront visiter en se disant que "c'était mieux en c'temps-là", comme aujourd'hui des classes d'autrefois sont reproduites, avec la baguette du maître, le poële à charbon et les tables à encrier. L'école n'en est pas morte, la démocratie elle aussi vivra.

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