jeudi 20 octobre 2011

Un non événement.

Comment dire de ne pas parler de quelque chose sans en parler ? C'est compliqué. Ce n'est pas une contradiction, c'est un paradoxe. La naissance de la fille de Carla et Nicolas Sarkozy est un heureux événement pour eux et un non événement pour nous. Il ne m'intéresse pas, ne me regarde pas. Et pourtant, tout le monde en parle. En laïque que je suis, je rappelle que la séparation de la vie publique et de la vie privée est aussi importante que la séparation des églises et de l'Etat. Ces dernières années, nous l'avons un peu oublié, les deux ont une fâcheuse tendance à se croiser et se confondre.

Un homme public, responsable politique, ne devrait jamais faire état de sa vie privée, qui ne concerne que ses proches et lui. Bien sûr, la curiosité humaine pousse à écouter aux portes et regarder par le trou de la serrure. Il faut le refuser. A première vue, ce n'est pas bien méchant, c'est même plutôt sympathique, cette peopolisation. Mais c'est aussi dangereux, car favorable à toutes les manipulations.

Une naissance, un mariage, un deuil réjouissent, émeuvent ou attristent. Dans les trois cas, les affects sont remués. La vie, l'amour, la mort ne laissent pas indifférent. Quand les sentiments parlent, la raison se tait, n'ose plus intervenir. C'est ainsi que la manipulation devient possible. Le cerveau est désemparé devant les élans du coeur.

L'amitié non plus n'a pas sa place en politique, pas plus que dans des relations professionnelles bien comprises. Ou bien c'est le mensonge à quoi on a affaire, l'apparence trompeuse, qui est la pire des choses. Mon idéal est celui d'une politique complètement rationalisée, débarrassée de toute passion mauvaise, subjectivité, querelles personnelles. Lénine voulait que le gouvernement soit un conseil d'administration et que l'Etat s'inspire du fonctionnement de la Poste française, que le révolutionnaire russe admirait. Imaginez un peu : une section socialiste gérée comme un bureau de poste !

Ceci dit, je n'ai pas trop de crainte en ce qui concerne les manipulations affectives. Les électeurs ne sont pas dupes, savent faire la part des choses : on ne les prend pas si facilement par les sentiments, le bénéfice politique est nul. Mais le principe ne supporte pas de dérogation. La monarchie met en scène la naissance, le mariage et la mort de ses princes. La République est muette et aveugle là-dessus.

Je ne vois qu'une seule exception : la maladie. Elle aussi est intime, mais ses conséquences portent sur la vie publique, dans le sens de la nuisance, parfois de l'empêchement. L'homme politique doit dévoiler s'il est malade ou pas. Sinon, il n'a rien d'autre à dire. Depuis cinq ans que je rédige quotidiennement des billets de blog, je n'ai jamais relaté ma vie privée, sauf sous forme d'anecdotes ou de faits mineurs, la plupart du temps amusants. Pour vivre heureux, vivons cachés. Même quand on est malheureux.

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