samedi 29 octobre 2011

Brassens et les cons.

Trente ans aujourd'hui qu'il nous a quittés : Georges Brassens aurait souri aux hommages qu'on lui rend, à la statue qu'on érige, aux écoles qui portent son nom, lui qui détestait, en bon anar, toute forme de protocole et d'admiration. Ses chansons de référence, L'auvergnat, La mauvaise réputation, Les copains d'abord, ne sont pas mes préférés, tellement elles ont été diffusées et célébrées. Je retiens des chansons plus discrètes, inattendues, singulières, par exemple La prière, étonnant et énigmatique "Je vous salue Marie" dans la bouche d'un athée et anticlérical démonstratif.

Surtout, j'ai mes deux titres de choix, que je garderai si je devais brader tout le reste. D'abord, Les passantes, magnifique et mélancolique chanson d'amour, à propos de ces brèves rencontres pleines d'avenir mais qui ne durent que quelques secondes, dont on se rappelle les promesses à la fin d'une vie d'échec et d'ennui.

Ensuite, Pauvre Martin, dont je me demande si ça n'est pas, en partie du moins, Georges Brassens lui-même, l'homme modeste, humble, sans prétention, n'ayant que le travail pour toute richesse, sauf que lui, l'homme à la guitare et à la pipe, est passé à la postérité. Tous les Martin du monde, ce sont les pauvres, les anonymes, les invisibles, qui meurent sans qu'on se rende compte qu'ils ont vécu :

Pauvre Martin, pauvre misère,
Creuse la terre, creuse le temps.
(refrain)

Pauvre Martin, pauvre misère,
Dors sous la terre, dors sous le temps.
(final)

De Brassens, on retient aussi sa dénonciation des autorités établies, flics, curés et autres représentants du pouvoir. Mais il avait un adversaire beaucoup plus vaste, plus puissant, plus universel : la connerie, qu'il a si j'ose dire immortalisée dans Quand on est con on est con (vérité première, axiome de base, constat général, logique implacable) et puis Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part, un con d'un genre particulier quoique très répandu, fier de lui, de ses origines, de sa famille, de sa ville, bref fier de sa connerie.

Aujourd'hui, Georges Brassens qu'on commémore tant serait très mal vu. S'attaquer à la police, au clergé et aux puissants, c'est devenu banal, ça passerait très bien, c'est ce qu'on voit tous les soirs à la télé. Mais dénoncer les cons, qui sont légions (surtout le soir devant leur télé), là ça ne passerait plus, beaucoup trop de gens se sentiraient visés, qui brandiraient le droit au "respect", feraient figure de "victimes", demanderaient la "compassion" pour eux-mêmes.

Le dernier à s'être attaqué aux cons, dans la lignée de Brassens, c'est Renaud et son Hexagone, dans les années 70, avec l'estocade de fin, qui ferait hurler en 2011 braves gens et bons citoyens :

Si l'roi des cons perdait son trône,
Y'aurait 50 millions de prétendants.


Brassens reviens, les cons sont toujours là !

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