samedi 24 septembre 2011

Un monde de dettes.

La campagne de la présidentielle ne portera pas sur le travail ou sur l'éducation mais sur la dette. C'est flagrant, à écouter les débats politiques de ces derniers mois, à gauche comme à droite. Le seul problème de notre époque semble être celui-là. Je ne dis pas que c'est bien, ni que c'est vrai : je constate. Dette de l'Etat, dette des ménages, dette des collectivités locales, il n'est question que de ça.

Jadis, on contestait, à gauche surtout, une société exploitée ou aliénée. A droite, on critiquait une société bureaucratisée, étatisée. Aujourd'hui, c'est la société endettée qui attire sur elle analyses, reproches et propositions. Ça change beaucoup de choses, un monde qui se perçoit d'abord et avant tout comme "criblé de dettes", à la façon d'un cadavre criblé de balles.

D'abord, c'est la confirmation d'un monde dont la valeur suprême est l'argent, bien au dessus du travail, de la morale ou de la religion. Nous aimons tellement l'argent que nous dépensons celui que nous n'avons pas. Ensuite, c'est le constat d'une perte d'indépendance généralisée. Il n'y a pas si longtemps, quelques décennies, avant que la société de consommation ne s'installe complètement, un individu, une famille, pouvaient vivre dans une relative autonomie, comptant sur eux-mêmes, avec un peu d'argent de côté et ne devant quasiment rien à personne. Désormais, nous sommes pieds et poings liés au crédit et aux banques, à notre plus grande, inconsciente et irresponsable satisfaction.

Et puis, l'endettement a plongé le monde dans l'irréalité. L'argent n'est plus vraiment un mètre-étalon, il ne renvoie à rien de précis, de tangible, il devient une abstraction qui ne signifie plus grand-chose, sinon qu'il faut en avoir pour vivre, et beaucoup pour bien vivre. Enfin, le système de la dette nous fait tirer un trait sur le passé, incite à nous détourner du présent pour ne plus considérer que l'avenir, sur le mode angoissé : qu'allons-nous devenir ? Que laisserons-nous à nos enfants ?

J'ignore totalement comment nous allons sortir de ce monde de dettes qui est une sorte de supplice chinois : ça fait mal mais c'est bon, on se met des dettes sur le dos mais nous en profitons largement. Il n'est pas impossible que cette société de la consommation et de l'endettement, qui se répand sur toute la planète, finisse un jour par s'écrouler, comme l'empire romain et d'autres, eux-aussi très puissants, ont sombré.

La droite raisonnait traditionnellement en termes de devoirs et la gauche en termes de droits. Toutes les deux sont maintenant obnubilées par la réalité de la dette, ce gouffre au dessous de nos pieds. Mais il faut inventer des solutions, qui ne peuvent pas être seulement gestionnaires ou comptables. Je ne vois qu'un autre modèle de société pour dépasser l'actuelle situation. L'humanité devrait se rassurer en constatant qu'elle est habituée : son histoire est faite de changements, comme la société d'Ancien Régime a été emportée par le monde démocratique. Nous sommes tous endettés mais nous vivons une époque passionnante.

Aucun commentaire: