samedi 3 septembre 2011

L'autre classe ouvrière.



On ne prend jamais assez garde aux médias. Il faut toujours aller à la source pour juger, ne pas se contenter de commentaires. Il y a quelques semaines, un rapport du groupe "Terra Nova", animé par Olivier Ferrand, dont je me sens politiquement proche, suscitait la polémique : la gauche, disait-on, était invitée à abandonner la classe ouvrière pour se recentrer électoralement sur les classes moyennes. J'étais évidemment chagriné, puisque je pense exactement l'inverse !

J'ai révisé mon jugement sur le travail de "Terra Nova", dont les conclusions ne sont pas du tout celles-là, après avoir regardé hier soir l'émission de juillet d'Arrêt sur images avec d'Olivier Ferrand, et écouté ce matin, heureuse coïncidence, le même Olivier au micro de Finkielkraut, sur France-Culture. Non, il n'est pas favorable à un lâchage des classes populaires au profit des bobos, mais au contraire partisan d'un rapprochement de la catégorie sociale la plus déshéritée, dont on parle assez peu, et que j'appellerai l'autre classe ouvrière.

En effet, les ouvriers d'usine sont de moins en moins nombreux, mais de plus en plus sollicités dans les discours (ceux de la gauche et extrême gauche traditionnelles) et les images (c'est par exemple Nicolas Sarkozy posant complaisamment auprès d'ouvriers d'industrie en bleus et casques). En revanche, silence sur l'autre classe ouvrière, invisible : les manutentionnaires, magasiniers, femmes de ménage, caissières, chauffeurs, chômeurs de longue durée, précaires, familles mono-parentales, jeunes de banlieues pauvres, ouvriers des services, etc. On en parle peu parce qu'elle forme en quelque sorte une non classe, désyndicalisée, peu fière de son travail fragmenté, atomisée, sans culture de luttes, sans passé historique.

Et pourtant, Ferrand explique, statistiques à l'appui, que cette autre classe ouvrière vote massivement à gauche, parce qu'elle ne peut pas vivre sans le soutien de l'Etat-providence. La classe ouvrière traditionnelle, elle, bénéficie tout de même d'acquis sociaux et de notre système de protection. Mais politiquement, inquiète quant à son avenir, elle se laisse séduire en partie par l'extrême droite ou Nicolas Sarkozy, car elle s'éloigne progressivement des valeurs de la gauche : société ouverte, internationalisme, solidarité envers les plus pauvres, libéralisme des moeurs.

Vu ainsi, je me réconcilie avec l'analyse de "Terra Nova", très pertinente. Oui, le PS ne doit pas être obnubilé par les classes moyennes, ni non plus oublier la classe ouvrière traditionnelle, sans cependant se faire d'illusion sur elle ou croire qu'elle aurait encore un destin historique. Mais nous devons nous concentrer sur les douze millions de l'autre classe ouvrière, sa face cachée, en mettant en avant les mesures pour la soutenir : augmentation des minimas sociaux, relèvement du montant du Smic et des bas salaires, titularisation des agents précaires de l'Etat, lutte en général contre le travail précaire.

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