dimanche 25 septembre 2011

La politique et l'argent.

Cette "République des mallettes" qui fait en ce moment scandale, j'en parle avec beaucoup de réticences. Ces histoires-là regardent plus la justice que la politique, même s'il est question de politique. Et puis, celle-ci ne s'honore pas à donner d'elle-même une telle image. Electoralement, c'est catastrophique pour tout le monde, droite et gauche. Car les citoyens, dans ce genre d'affaire, ne discernent pas et mettent hélas tous les hommes politiques à la même enseigne. Et c'est l'extrême droite qui rafle la mise.

Le problème de fond, qui est celui que je voudrais retenir aujourd'hui, ce sont évidemment les rapports entre la politique et l'argent. Beaucoup de progrès ont été faits ces vingt dernières années pour clarifier la situation : Rocard a réglementé et plafonné les dépenses électorales, Jospin a interdit les fonds secrets. Mais on buttera toujours cette réalité : la politique coûte chère et ne rapporte pas d'argent. Alors on fait comment ?

Il faut rappeler quelques vérités de bon sens : je n'ai jamais rencontré quelqu'un adhérer au parti socialiste pour gagner de l'argent, encore moins y faire fortune. En même temps, le besoin d'argent pour financer l'activité politique est le grand refoulé, le non-dit qui expliquent pourtant pas mal de choses. Les indemnités n'enrichissent pas mais elles arrondissent les fins de mois.

On a beau se draper dans les grandes idées, les gros sous et la petite monnaie ont leur importance, plus qu'on ne croit. Rien de choquant d'ailleurs : c'est la vie, c'est même justice que les élus de la République soient correctement rémunérés, pour service rendu à la collectivité. Les rapports d'argent tissent aussi le lien social, sont à la base de la civilisation (mais pas nécessairement son sommet).

La corruption est la maladie naturelle de la politique, comme la rougeole chez les enfants. Elle vient très tôt, très jeune, très bas, inoffensive, sans grave conséquence et facilement guérissable : l'élu qui paye son coup, régale une tablée, distribue des invitations, réserve une place, favorise un dossier, pistonne, ferme les yeux, nous y sommes, un peu, très peu, presque pas, mais le mal est bien là, favoritisme, clientélisme, copinage, etc.

Rien d'illégal, tout pour la bonne cause, aucun enrichissement personnel, seulement des liens à entretenir, des amitiés à consolider, des allégeances à développer. Le ver est dans le fruit, pas encore et peut-être jamais serpent. Ce n'est même pas un système, plutôt un état d'esprit, des réflexes de survie. Sans eux, comment conquérir ou conserver le pouvoir ?

Vous me direz : nous sommes très loin des mallettes de billets. C'est vrai, mais vous connaissez l'histoire de l'oeuf et du boeuf ... La rougeole n'est pas le cancer, mais ce sont quand même deux maladies, dont on peut éventuellement mourir en cas de complications. La gauche, je parle d'elle puisque j'en suis, doit se montrer irréprochable et exemplaire en matière de morale publique, notamment dans ses rapports à l'argent :

Bilan de trésorerie, pièces comptables justificatives, dépenses sur reçus et factures, pas d'argent laissé à discrétion, règlement par chèque, pas de liquidités, traçabilité des rentrées, origine des biens, titre de propriété, contrat de location, rédaction de toutes les opérations, signature de conventions, acte des mises à disposition, transparence et publicité, je crois que la lutte contre la corruption se traite à la racine, très simplement, dans les bonnes habitudes, les saines pratiques, la conformité aux principes du droit. La corruption prospère dans l'ombre ; la lumière la dissuade autant que les vampires.

Une fois ces mesures appliquées, il faut se garder de toute illusion : je suis persuadé qu'il restera éternellement dans la nature humaine une tentation de corruption, à limiter plutôt qu'à vouloir vainement éradiquer. Nous ne serons jamais des saints avec des fleurs dans les bras, mais il suffit que nous ne devenions pas des salauds transportant des mallettes.

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