mardi 20 septembre 2011

Les caniches et les perroquets.

J'aime les animaux, j'ai même sauvé cet été un martinet prisonnier sous mon toit (voir billet du 19 juillet). Mais il y a deux espèces que je déteste : les caniches et les perroquets. Ces petits chiens tout frisés qui aboient aigu et qui vous pincent insidieusement les mollets, ces oiseaux au bec ridicule, aux couleurs criardes, qui répètent stupidement ce qu'ils entendent, non je ne les aime pas, je vois en eux un mélange de bêtise et de méchanceté.

Parmi les êtres humains, il y a aussi, hélas, des caniches et des perroquets. C'est ce que je me suis dit en écoutant le flot de commentaires qui a suivi l'intervention de Dominique Strauss-Kahn dimanche dernier. Que de bêtise et de méchanceté ! Une flopée de perroquets qui rabâchent des mots sans réfléchir, une meute de caniches qui font du boucan et qui mordillent les plus grands. Mais c'est ainsi, il faut lutter, ne rien laisser passer. J'y vais, je me sacrifie, je passe en revue le florilège des idioties, j'y réponds une par une :

- Le coup de com' : dimanche, nous aurions assisté à une intervention préparée, répétée, "millimétrée". Et alors ? Vous voudriez un DSK arrivant les mains dans les poches et les doigts dans le nez, sans avoir sérieusement songé et travaillé à ce qu'il allait dire ? Les fainéants ont le droit de l'être, mais qu'ils n'entraînent pas les autres dans leur vice ! Oui, nous vivons dans une société de communication où il faut communiquer et s'entourer de communiquants, et c'est très bien comme ça.

- DSK n'a pas été spontané : qu'en savons-nous ? A part le Christ, personne ne peut sonder les coeurs et les reins. Pour ma part, j'ai trouvé que Strauss avait par moments, dimanche soir, une émotion retenue, et ça me suffit. Je n'aime pas trop le pathos. Pour le reste, c'est un homme qui sait, depuis toujours, maîtriser sa parole, et avant-hier à la perfection. Ça dérange qui ? Tous ceux qui ont besoin d'un papier pour s'exprimer, qui ne savent pas prononcer une phrase sans trébucher sur les mots, balbutier, hésiter, commettre des lapsus. Et vous croyez que ces imperfections sont des gages de sincérité ? Non, absolument pas. La vérité, c'est que les imparfaits détestent la perfection, comme les perroquets jalousent les aigles et les caniches envient les lévriers.

- Mains crispés et yeux fermés : c'est que DSK ne voulait pas se trahir à travers ses gestes, prétendent nos fins analystes, qui auraient dû pousser leur analyse jusqu'aux battements des cils et des paupières, et pourquoi pas la commissure des lèvres ! Quant aux yeux clos qui ont terminé l'entretien, que voulaient-ils donc signifier ? Le soulagement, la fatigue, la concentration, une prière ? Voilà à quoi pensent les caniches et les perroquets ...

- Le rapport du procureur, brandi à plusieurs reprises par DSK, c'était surjoué : ah bon ? Le seul document fiable, précis, objectif, instruit par celui chargé de l'accusation, ne méritait pas d'être ainsi montré ? Les caniches et les perroquets n'aiment décidément pas la vérité. C'est sans doute pourquoi ils ne voient que du mensonge, de l'artifice, du faux semblant autour d'eux, projection de leurs propres obsessions.

- DSK n'en a pas assez dit, on ne sait toujours pas ce qui s'est passé : je reconnais bien là l'obscénité, la lubricité des caniches et des perroquets, qui voudraient se délecter du moindre détail, et qui se plaignent qu'on leur cache la vérité. Mais c'est la vérité du voyeur qu'ils réclament.

- Mea culpa ou pas ? Les commentateurs sont partagés, les uns disent que oui, les autres que non, tous sont embarrassés. C'est qu'ils rêvaient d'un DSK plein de contrition, de repentance, d'humilité, avec des excuses dégoulinant de la bouche. Manque de pot, ils ont eu droit à un homme offensif, sûr de son bon droit, défendant son innocence, n'admettant aucune culpabilité, sinon une "faute morale" et une "légèreté" : c'en était trop pour les caniches et les perroquets, trouvant que DSK n'en faisait pas assez. Il aurait dû, selon eux, se présenter corde au cou et chemise blanche de condamné (rappelez-vous Ingrid Betancourt à sa libération, c'était la même réaction, la même déception, de semblables reproches). Eh non, ce n'est pas ce qui s'est passé ! Mea culpa ? Curieux qu'une société laïque et sécularisée en tienne pour une vieille notion chrétienne ... Mais telle est la morale des caniches et des perroquets.

- Chazal est amie de Sinclair, elle n'aurait pas dû interviewer Strauss : là aussi, on ne fait pas plus stupide comme remarque. L'amitié n'empêche pas le professionnalisme, et l'absence d'amitié ne garantit pas non plus l'objectivité. Il m'arrive d'avoir comme élève des enfants d'amis ou de collègues, ça ne m'empêche pas de faire mon travail en toute conscience. Il n'y a que les perroquets et les caniches qui fraient entre eux et qui se soutiennent mordicus. Qu'ils ne généralisent pas leur travers à l'ensemble des créatures !

- DSK a fait un cadeau empoisonné à Martine Aubry en la présentant comme son "ami" et en confirmant le "pacte" qui les liait : ni cadeau empoisonné, ni baiser qui tue, mais la simple vérité, avec laquelle, c'est une constante, caniches et perroquets ont tant de difficultés. Pas de poison puisque, de toute façon, DSK n'a accordé son soutien à aucun candidat aux primaires citoyennes.

Ai-je fait le tour des aboiements de caniches et des hurlements de perroquets, en réaction à l'émission de DSK ? Sûrement pas, tellement ils s'entraînent les uns les autres dans un infernal mimétisme. C'est qu'ils haïssent par dessus tout ce qui leur est supérieur, c'est-à-dire insupportable, c'est qu'ils apprécient par dessus tout qu'on leur demande pardon en se vautrant dans l'urine de leur cage ou caniveau. Ces bêtes-là ont des grilles ou une niche dans la tête, c'est pourquoi je ne les aime pas. Amis lecteurs, critiquez tant que vous voudrez Dominique Strauss-Kahn, son personnage et ses idées, mais ne vous rabaissez pas à rejoindre le troupeau des caniches et des perroquets.

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