mercredi 7 septembre 2011

Du 3ème au 30ème degrés.

Parmi mes lectures d'été, j'ai retenu "Un maçon franc", de Christophe Bourseiller, éditions Alphée, 2010. Écrire sur la franc-maçonnerie est une gageure : trop souvent, les livres sur le sujet sont racoleurs et mensongers. Venant des frères, je conseille les ouvrages de Jean Verdun.

Chez les profanes, je ne vois pas, et les ex-maçons sont aussi peu objectifs que les ex-communistes. L'exception, c'est Bourseiller : il a fréquenté pendant vingt ans les loges, d'abord la Grande Loge nationale française puis la Grande Loge de France. Il en ressort un témoignage distancié, intéressant et nuancé.

Ce journaliste de gauche a le mérite de nous parler de ce qui est trop souvent oublié : la philosophie maçonnique, mélange de déisme et de spiritualisme, à l'opposé des goinfreurs d'agapes et des bouffeurs de curés, des affairistes et des politicards qu'on imagine à tort. Car la maçonnerie n'est pas un athéisme mais une transcendance et un ritualisme. Ésotérisme, symbole, initiation, on est très loin du rationalisme et du scientisme des libres penseurs.

Ce à quoi j'ai du mal à adhérer dans cette philosophie, c'est son rapport très particulier à la mort, ce rituel morbide tel que Bourseiller le décrit (p.102) : "Le troisième degré résume à lui tout seul l'essentiel de l'aventure maçonnique. Les trente étapes qui s'ensuivent ne font que commenter en détail ce primordial voyage au bout de la nuit. J'anticipe ma propre mort. Allongé dans un cercueil parsemé de symboles, je m'ouvre à l'éternité, j'atteins le centre du cercle". Franchement non, je ne m'y vois pas ! A l'instar de Spinoza, je pense au contraire qu'il faut méditer sur la vie, pas sur la mort.

Autre point de désaccord : le panthéisme qui imprègne fortement cette maçonnerie, que Christophe Bourseiller résume ainsi (p.132) : "L'écossisme [la pratique du Rite écossais ancien et accepté] se distingue des religions révélées par une croyance inaltérable en l'immanence du Divin. En d'autres mots, chaque initié possède en lui une étincelle qui le relie à l'Eternel. Nous sommes tous Dieu, clament en substance les "chevaliers kadosh", détenteurs du trentième degré". Cette assimilation de l'homme à Dieu, cette dimension sacrée, mystique, religieuse de la maçonnerie me rendent profondément sceptique.

Dans sa quête de l'absolu, Christophe Bourseiller a aussi frôlé des abîmes, quand lui, le progressiste, a constaté que certains de ses frères s'inspiraient des travaux de René Guénon et Julius Evola, deux penseurs très hostiles aux valeurs de la République, prônant un élitisme anti-égalitaire (p.84).

Le maçon meurt en homme au 3ème degré et renaît en Dieu au 30ème. Quoi qu'on pense de cette philosophie qui ne me convainc pas, elle a le mérite de nous faire réfléchir, de nous entraîner dans des voies singulières qui valent beaucoup mieux que les caricatures qu'en donnent régulièrement les magazines.

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