dimanche 11 septembre 2011

Mon 11 septembre 2001.

Que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ? C'est la question à laquelle on n'échappe pas ces derniers jours. Dix ans ! Si j'avais imaginé que la décennie passerait si rapidement ... Il se trouve, moi qui n'ai pas très bonne mémoire (raison pour laquelle j'écris tout), que je me souviens exactement du déroulement de ma journée. J'avais cours au lycée Henri-Martin, la rentrée n'était passée que de quelques jours. En sortant de ma salle de classe, en milieu d'après-midi, j'ai croisé le CPE, Vincent Savelli, qui m'a dit, à peu de choses près : "Deux avions ont attaqué New-York", comme si la troisième guerre mondiale avait été déclarée !

New-York ! C'est une ville où je suis allé plusieurs fois, où j'ai habité quelques jours, au tournant des années 90, en un temps ou je ne connaissais ni Saint-Quentin, ni le métier d'enseignant, ni l'engagement socialiste. J'avais alors une amie qui m'hébergeait chaque été. Le World Trade Center, j'avais bien sûr visité, les tours les plus impressionnantes au monde, le symbole de l'Amérique avec, non loin, la statue de la Liberté. Leur dédoublement, la pureté de leur ligne étaient fascinants, surtout lorsqu'on regardait du pied de l'édifice. Si je m'attendais à leur destruction terroriste ...

Ce 11 septembre, j'avais programmé en fin d'après-midi une rencontre avec le journaliste de L'Aisne Nouvelle Eric Leskiw, pour le lancement d'une association, "Saint-Quentin Avenir", qui se donnait pour objectif de préparer les élections municipales de ... 2008. A la suite de l'échec de la gauche cette année 2001 (25% des voix au scrutin local) et devant l'immobilisme de la section, j'avais décidé (déjà !) de réagir.

La députée Odette Grzegrzulka l'a évidemment mal pris et mon parti m'a conseillé, après convocation devant la commission des conflits, de renoncer à ce projet. Mais ce 11 septembre, j'ignorais encore les conséquences de mon initiative. Toujours est-il que je me sentais passablement gêné devant Eric : alors que le monde s'interrogeait sur son sort, que la planète semblait rouler vers l'abîme, que des milliers de personnes étaient les victimes de la folie terroriste, j'exposais tranquillement, dans ma cuisine, les statuts et les buts d'une association en vue de reconquérir l'électorat de gauche saint-quentinois !

Nous avons heureusement trouvé un compromis : conserver l'interview politique en lui adjoignant un encadré apportant témoignage de mon expérience new-yorkaise et de mes réactions aux attentats du jour. L'idée était aussi de montrer que la vie continuait, que l'acte barbare n'interrompait pas la marche ordinaire du monde, comme finalement les fanatiques l'auraient souhaité.

En soirée, je recevais un coup de fil de Jacques Wattiez, conseiller municipal ex-socialiste mais ne siégeant plus en assemblée, pour m'inviter à une réunion "de toute la gauche" (sic) au cercle Jean-Jaurès, afin de commenter les tragiques événements. Il n'en était bien sûr pas question pour moi ni pour personne au PS : nous avions rompu avec ces "dissidents", exclus du parti et ne représentant qu'eux-mêmes, nous avions quitté le local rue de Théligny, ce n'était pas pour y revenir ! Là aussi, j'étais loin d'imaginer que la petite histoire prendrait une drôle d'allure dix ans après ...

Les suites du 11 septembre, je les ai également vécues au sein du CLRIF, un groupe anti-Charles Baur, constitué essentiellement de communistes. Même dans ce milieu très hostile aux Etats-Unis, l'émotion et l'indignation prévalaient au départ. Sauf qu'assez rapidement une évolution s'est fait jour : l'Amérique certes était plainte et soutenue, avec cette restriction d'une possible responsabilité de sa part, théorie du retour de bâton, de l'effet boomerang en quelque sorte, que je ne partageais bien sûr pas.

Chez mes collègues au lycée Henri-Martin, un autre sujet de discussion a relativisé la compassion initiale : fallait-il faire participer les élèves à la minute nationale de silence décrétée par le gouvernement ? Une polémique courait : pourquoi honorer ces victimes-là et pas d'autres ? Certains arguaient d'un 11 septembre oublié, 1973 celui-là, le coup d'Etat de Pinochet au Chili, avec le soutien des ... Etats-Unis, faisant lui aussi des milliers de victimes. La dialectique et la controverse idéologique s'en mêlaient, exercice alors fréquent dans la salle des profs, passé un peu de mode aujourd'hui.

Tout ça pour vous dire que mon 11 septembre 2001 a vu se mélanger la petite et la grande histoire et que cette journée, au début consensuelle, a vite laissé apparaître des perceptions différentes, des clivages d'opinions qu'il est bon de rappeler en cette journée de légitime commémoration.

Aucun commentaire: