mercredi 22 juin 2011

Speed ou lambin ?

Quelle mémorable journée que celle d'hier ! Non, je ne veux pas parler du 30ème anniversaire de la fête de la musique. Tout le monde en parle, et à Saint-Quentin c'était très bien, la foule ayant investi le centre ville. La journée que je veux évoquer, internationale elle aussi, c'est celle de la lenteur ! Bon, je vais essayer de le faire en prenant mon temps. Mais je crois que ça vaut vraiment le coup.

Quelle idée, tout de même, de songer à organiser une journée de la lenteur ! A vrai dire, je reste perplexe, je ne sais pas trop quoi en penser. D'un côté, je trouve ça bien : dans une société de la vitesse, de la rapidité et de l'urgence, la lenteur devient quasiment un mot d'ordre révolutionnaire. Tout va beaucoup trop vite, c'est certain.

Du zapping au flashmob, on a le sentiment que la précipitation s'est transformée en vertu alors qu'elle est un vice, synonyme d'inconstance, de superficialité, d'insatisfaction. La réflexion a besoin de lenteur ; la bêtise, elle, est fulgurante. Prendre son temps, c'est une forme de sagesse, tout le monde le comprend. La revendication de lenteur est même politiquement anti-sarkozyste, puisque l'actuel président de la République se donne une image vive, nerveuse, où les problèmes doivent être réglés dans l'instant.

D'un autre côté, j'hésite, je suis sceptique : la défense de la lenteur me gêne un peu. D'abord, autour de moi, je ne trouve pas que les gens soient particulièrement speed. Observez la rue, votre milieu personnel ou professionnel : il y a pas mal de lenteur, de mollesse, de résistance, de laisser aller, de farniente. Après tout, la lenteur est une forme de confort que la société de consommation ne peut que rechercher.

La dénonciation du stress est bien la preuve que la rapidité de mouvement ou d'esprit, dans les activités ou la vie, n'est pas appréciée. Ce sont les médias, les personnages publics et l'idéologie ambiante qui laissent penser, par leurs discours et leurs comportements, que la lenteur aurait été sacrifiée dans la civilisation moderne. En réalité, elle est bel et bien là, c'est une aspiration que nous privilégions.

Pourtant, en ce qui me concerne, je n'aime pas la lenteur. Dans mon Berry natal, une personne lente est traitée de "lambin" et ce n'est pas un compliment. Contrairement à ce qu'on croit aujourd'hui, le monde ancien valorisait la rapidité et dépréciait la lenteur. Quand il m'arrive d'être lent, par exemple dans la compréhension d'une situation ou la réalisation d'une tâche, je m'irrite, je le regrette, je voudrais être plus vif.

La lenteur me fait penser au règne végétal, à ces algues qui lentement dérivent au fil de l'eau. Être vivant, bien vivant, c'est être vif. La lenteur renvoie à l'hibernation, à la torpeur, à la mort. Une action lente, ça n'existe pas. La lenteur, c'est l'inertie, l'engourdissement, la maladie, parfois la débilité. Décidément, après y avoir bien réfléchi, cette journée internationale de la lenteur ne me plaît pas du tout.

Avec la promotion de la lenteur, c'est une morale de limaces ou de légumes qu'on veut nous imposer. La lenteur est l'alibi des fainéants et des impuissants. Ce n'est pas révolutionnaire comme je pouvais le croire au départ, c'est très conservateur. En politique, je n'aime pas ceux qui sont lents, qui ne font rien, qui ne décident pas, qui se contentent d'attendre. On les repère tout de suite : ils ont les mains dans les poches, la bouche cousue ou bâillant, la mine terne, le regard au plafond et ils rangent à peine leur chaise quand la réunion est finie.

Les lambins font beaucoup de mal à notre société, parce qu'ils ont pour eux la force la plus terrible qui soit : la force d'inertie. Ce sont des poids morts qui entraînent facilement dans leur chute ceux qui les approchent. La lenteur est contagieuse, il faut s'en protéger. Bonaparte était speed, Louis XVI était lambin. Hier, c'était la journée internationale de la lenteur, mais heureusement qu'il y a eu son contre-feu, la fête de la musique, qui ne se soumet pas, elle, à la lenteur. Mais je me dépêche de terminer ce billet, trop s'attarder n'est jamais bon, il faut vite passer à autre chose !

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