mardi 21 juin 2011

Afficher ses convictions.

Je ne comprends pas très bien tout le barouf qui est fait en ce moment autour des primaires socialistes. Elles seraient paraît-il attentatoires aux libertés publiques, aux règles élémentaires de la démocratie. Bigre ! Donner la parole aux citoyens, leur permettre de choisir, organiser un vote, ce serait une menace, presque un danger pour la République ! Moi je dirais plutôt que c'est une étape supérieure de la démocratie : au lieu de réserver la désignation d'un candidat au seul parti et à ses militants, tous les citoyens sont impliqués. Si les mots ont un sens, la République y gagne, elle n'y perd rien.

Mais que penser de ces électeurs qui devront décliner, lors de la procédure, leurs opinions politiques en versant un euro et en signant une déclaration ? Là aussi, je ne vois pas très bien où est le problème. D'abord, il faut rappeler que la pré-sélection d'un candidat lors d'une consultation qui ne s'adresse qu'aux électeurs de gauche n'est pas assimilable à l'élection des représentants du peuple qui mobilise l'ensemble du suffrage universel. Dans le premier cas, il est normal, logique que les participants attestent de leur engagement partisan (sinon c'est n'importe quoi !). Il n'empêche que le secret de leur vote est préservé, comme dans tout bon système démocratique.

Je crois qu'on confond ou qu'on fait semblant de confondre le secret du vote, essentiel en République, et le secret des convictions, contraire à l'esprit de la République. En effet, pour que la vie démocratique soit effective, il faut que les convictions s'affichent, se proclament, afin d'alimenter le débat. Si chacun reste dans son coin en ne disant plus rien, rasant les murs avant de se cacher dans l'isoloir, ce n'est plus la démocratie. Les convictions ne doivent pas rester d'ordre privé si l'on veut que la vie publique fonctionne. Il faut qu'elles se manifestent.

Mais n'y a-t-il pas un droit à garder ses convictions pour soi ? Et n'y a-t-il pas un risque, peut-être même un danger à les exposer à autrui ? J'en conviens, chacun est libre d'exprimer ses idées sur l'oreiller, dans sa cuisine ou à son chat, nulle part ailleurs et à personne d'autres. Je reconnais aussi qu'il faut un peu de courage, quelquefois de l'audace pour dire ce qu'on pense, car la vie est pleine de risques. Ces constats ne me conduisent pourtant pas à élever la couardise et la frousse en règles de fonctionnement de la vie publique !

Quand on a des convictions, c'est pour les exprimer aux autres, pas pour les garder pour soi. J'admets qu'on puisse ne pas avoir de convictions politiques (car ce n'est pas non plus une obligation républicaine) ou qu'on soit incertain de ses choix, mais alors qu'on se taise, qu'on reste chez soi et qu'on ne se plaigne pas. Pour tous les autres, de gauche et fiers de l'être, les primaires seront l'occasion de se montrer et de décider. Afficher ses convictions, ce n'est pas ficher les convictions !

De ce point de vue, cette procédure sera un grand moment de pédagogie républicaine, de rappel de ce qu'est un comportement démocratique. Et puis, j'en suis certain, tous les partis vont y venir, y compris l'UMP : les Verts ont commencé, le PCF s'en est rapproché ce week-end, et ce n'est pas fini ! Les primaires, c'est l'avenir. En démocratie, quand les citoyens ont pris goût à être consultés, ils ne peuvent plus s'en passer.

Je fais souvent un rêve : dans les réunions politiques ou associatives auxquelles je participe, si beaucoup plus de mains se levaient, si beaucoup plus de bouches s'ouvraient, si beaucoup plus de coeurs se livraient, la vie publique s'en trouverait grandement améliorée. On se casse parfois la tête à vouloir changer les structures. Mais ce sont les mentalités qui doivent évoluer ! Il n'y a qu'une seule liberté fondamentale en République : celle d'ouvrir sa gueule quand d'autres voudraient que vous la fermiez. Pour ma part, je n'ai jamais renoncé à cette liberté, quoi qu'il m'en coûte.

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