dimanche 19 juin 2011

Les parapluies de St Quentin.

Samedi midi devant le monument de l'école publique et le soir lors de la cérémonie commémorative du 18 juin 1940 (voir billets d'hier), j'ai pu assister à un phénomène instructif, une petite expérience amusante qui n'est possible qu'en temps de pluie : l'ouverture des parapluies. Qu'est-ce que ce geste a-t-il de si intéressant ? Il m'a fait découvrir quelque chose dont je n'avais pas eu conscience jusqu'à hier (mais je suis plutôt capuche ou tête nue, pas très parapluie) : pas une personne, je dis bien pas une seule personne n'avait, dans les deux manifestations, un parapluie identique à un autre. Je le certifie, j'ai observé avec beaucoup d'attention.

Et alors, me direz-vous, où veux-je en venir avec cette histoire de parapluies tous différents, tous uniques ? Reportez-vous, si l'âge vous le permet, trente ans en arrière : cette diversité aurait été impensable. A l'époque, pas si lointaine tout de même, la toile des parapluies était triste comme la pluie, noire comme un ciel d'orage. Ils avaient la même forme, la même taille : les parapluies étaient uniformes. C'est pourquoi on se trompait facilement quand il fallait récupérer son pépin, confondant celui du voisin avec le sien : mais quelle importance, c'était quasiment les mêmes ! On ne distinguait que le parapluie d'homme, lourd et sombre, et le parapluie de femme, plus clair et plus léger.

Aujourd'hui, la société a changé. Foncièrement individualiste, elle attribue à chacun son parapluie personnalisé. Et puis, nous sommes entrés dans un monde ludique, fantaisiste, et ça se voit jusqu'à la tête des parapluie. Pourtant, rien n'est plus fade, moins original que cet objet purement utilitaire, à qui on ne devrait demander rien d'autre que de nous protéger des gouttes d'eau. Mais non : le narcissisme est si fort qu'il a gagné nos parapluies. Avant, la distinction était une pratique d'aristocrate; maintenant, tout le monde veut se distinguer.

Samedi, j'ai repéré des parapluies ahurissants, des sortes d'étendards, presque des déguisements, avec des couleurs de toutes sortes, des motifs artistiques, des petits Mickey, des slogans, des pubs Malboro, des grands comme des parasols et des étroits comme des cloches, des bariolés et des unis. Certains ressemblaient à des champignons, d'autres à des coccinelles. J'ai même vu, je vous jure, un parapluie avec des oreilles ! Le tout formait involontairement un tapis persan ou un manteau d'Arlequin, dont je ne garantis cependant pas la valeur esthétique ... Moralement, aucun des porteurs ne semblait sentir au dessus de sa tête le poids du ridicule, même pas les parents sous le parapluie aux oreilles.

Aucun commentaire: