mercredi 1 juin 2011

La balade des gens ordinaires.

Vous vous souvenez de cette chanson de Gérard Lenorman, "La balade des gens heureux" ? Dans les années 80-90, elle servait souvent dans les mariages ou les fins de soirée, quand tout le monde se retrouvait au milieu de la piste, main dans la main, formant une ronde et reprenant avec entrain le refrain. C'était charmant, c'était gentil. La politique, ce n'est pas ça, évidemment. Mais l'an prochain, la présidentielle pourrait bien être la balade des gens ordinaires.

François Hollande a le premier lancé l'idée : le candidat "normal", ordinaire. Si DSK n'avait pas chuté, nous aurions eu, avec lui, un candidat assez exceptionnel, déjà chef d'Etat, à la tête du FMI, avant de devenir chef d'Etat en France. Nous ne le verrons hélas pas. A l'UMP, si Nicolas Sarkozy, candidat singulier et président pas comme les autres, ne se représente pas, nous aurons peut-être François Fillon, au parcours politique et à la personnalité très ordinaires, très classiques. François de gauche et François de droite, ce serait donc en 2 012 un combat de gens ordinaires.

Au centre, Jean-Louis Borloo se prépare. C'est lui aussi un homme ordinaire : bonne bouille, gars sympa, un engagement à droite mais un profil de gauche, quelqu'un qui ressemble à notre voisin, pas à un ministre ni à un chef d'Etat. Chez les écolos, Nicolas Hulot, quoique vedette des médias, est plus ordinaire que Daniel-Cohn Bendit, personnage historique. La télé banalise. Finalement, il n'y a qu'aux extrêmes qu'on trouve des gens pas ordinaires, Mélenchon ou Le Pen.

Ceci dit, l'ordinaire contre l'exception, ce n'est pas une nouveauté. On peut même penser que c'est une constante de la politique française de ces cinquante dernières années. De Gaulle avait une dimension extra-ordinaire ; Pompidou, qui lui a succédé, posait en homme ordinaire, cadre de la banque, montrant sa vie de couple, gestionnaire plutôt que monarque.

Giscard, à la modernité audacieuse, a donné une touche peu ordinaire à son septennat ; avec Chirac, on revient à une image pépère, une ligne radicale-socialiste, corrézienne, qui n'est pas sans rappeler un autre élu de ce département, Hollande. Mitterrand était un personnage de roman ; Lionel Jospin, à sa suite, présente un tout autre aspect : le prof sérieux, appliqué, bien peu romanesque, terriblement ordinaire, excellemment ordinaire.

Ordinaire ou exceptionnel, ces qualificatifs ne préjugent pas de ce qu'il y a au fond des êtres, dans les âmes et les coeurs. Je parle d'image, de concept, pas de psychologie. Je ne préjuge pas non plus de leur pertinence électorale : comme toujours en politique, tout est affaire de circonstances ; il y a des contextes dans lesquels les français se retrouvent dans un homme d'exception et l'élisent, d'autres contextes où ils préfèrent un homme ordinaire.

Et dans ma ville de Saint-Quentin ? Le précédent maire, Pierre André, était au départ un homme ordinaire, qui a ravi la municipalité en 1 995 à cause des erreurs de la gauche. Mais depuis, au fil des années, il a pris une étoffe tout à fait exceptionnelle, par ses victoires successives et massives, faisant de lui un homme de droite qui réussit à s'imposer durablement dans une ville de gauche. Son successeur, Xavier Bertrand, de par son ascension fulgurante et sa position de ministre, est incontestablement perçu par les Saint-Quentinois comme une personnalité exceptionnelle.

A gauche, Odette Grzegrzulka avait quelque chose de peu ordinaire, dans sa force de caractère, dans sa trajectoire politique, dans ses ambitions. Aujourd'hui, le leadership est flottant, vacant. Mais la question se posera, se pose déjà : homme ou femme ordinaire, homme ou femme exceptionnel, personnalité conventionnelle ou atypique ? Et que souhaitent l'électorat de gauche, les Saint-Quentinois ? La balade des gens ordinaires ou la course des leaders lyriques ? La promenade digestive ou la chevauchée fantastique ?

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