vendredi 21 juin 2013

Un matin pour Jean Moulin



Nous commémorons aujourd'hui le 70e anniversaire de la disparition de Jean Moulin. Madame Levisse Touzé, conservateur en chef du patrimoine et directeur du mémorial Leclerc/musée Jean Moulin, a donné ce matin une admirable conférence dans le collège de Saint-Quentin qui porte le nom du héros martyr de la Résistance française. Elle nous a fait connaître un Jean Moulin méconnu, l'homme plutôt que le militant et le chef. Et puis, c'est sous les trombes d'eau que nous nous sommes rendus à la cérémonie d'hommage, devant le monument de la Résistance et de la Déportation, boulevard Gambetta. Enfin, dernier temps de la matinée, retour au collège et inauguration de l'exposition "Jean Moulin, un héros moderne", proposée par l'ONAC (Office national des anciens combattants), en présence du député-maire et du sous-préfet.

Jean Moulin ! On se sent peu de choses face à cet homme-là. C'est le héros de mon adolescence, jusqu'à aujourd'hui. Sa célèbre photo, en noir et blanc, chapeau, foulard et manteau, je l'avais au mur de ma chambre, entre Maxime Le Forestier et le poster de Che Guevara (!). Pourquoi ? Parce que Moulin, c'est l'homme qui va jusqu'au bout de lui-même, de ses idées, à en mourir. C'est tellement rare. En même temps, et c'est d'autant plus impressionnant, il le fait anonymement : en ce sens-là, ce n'est pas un héros, qui défile, qui triomphe, qui est en quête d'admiration, mais un homme de l'ombre, guidé par le seul devoir (et pas le pouvoir). Voilà la grandeur de Jean Moulin. Enfin, c'est un homme libre, indépendant, esthète, ouvert à toutes les opinions, qui ira jusqu'à prendre, lui le républicain de gauche, un jeune secrétaire d'extrême droite, Daniel Cordier (auquel la télévision a consacré un magnifique téléfilm récemment). Tout ça méritait bien une photo dans la chambre d'un ado. Il y a quelques années, j'ai retrouvé à Montpellier l'endroit précis où la célèbre photo a été prise.

Dans son allocution devant les jeunes collégiens et les stagiaires de l'EPIDE (voir vignette), Jean-Jacques Boyer, sous-préfet, a tenu à resituer l'action du corps préfectoral pendant les années d'occupation, qui traîne à tort une image de complaisance à l'égard de l'ennemi. Le préfet Jean Moulin n'a pas été le seul : de nombreux membres de la haute fonction publique ont participé à la Résistance, à leur façon, dans une situation pour eux fort délicate puisqu'ils étaient chargés, de par leur position officielle, de l'ordre public.

Trois moments m'ont particulièrement touché lors de cette matinée dédiée à Jean Moulin : d'abord, le Chant des Partisans, interprété par les collégiens, mon chant patriotique préféré ; ensuite, le discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, que je ne peux écouter sans ressentir de frissons (quand je fais visiter le Panthéon, je récite toujours ce qui est pour moi un morceau d'anthologie de la rhétorique française du XXe siècle) ; enfin, ma conversation avec Maxime Hénocque, le seul parmi le public, ce matin, à avoir été Résistant. Devant l'Histoire, face aux Grands, à ceux qui ont risqué et donné leur vie, on se sent tout petits, nous qui n'avons rien risqué et si peu donné.

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