mardi 11 juin 2013

Démocratie et embrouille



Plusieurs correspondants signalent à mon attention une erreur de compréhension dans mon analyse des résultats du vote socialiste sur le texte "Notre Europe" (voir billet d'hier). Selon eux, le vote en faveur du texte ne préjuge pas d'un accord avec ce texte, mais d'une nécessité formelle : pour amender un texte, il faudrait forcément, au préalable, avoir adopté le texte (non amendé). Je ne sais pas si vous avez très bien suivi mon raisonnement, mais c'est celui de mes correspondants.

S'ils disent vrai et si j'ai tort, ma lecture d'hier est en effet erronée. Ce que je ne crois pas, et je vais vous dire pourquoi. La polémique est loin d'être secondaire : tout ce qui touche aux règles d'un fonctionnement démocratique n'est jamais secondaire. On l'a bien vu à Saint-Quentin, quand une erreur (manifeste celle-là) dans la compréhension des statuts a conduit la direction nationale à souhaiter un nouveau vote pour le secrétaire de section, sans d'ailleurs être suivi d'effets.

L'interprétation qui m'est proposée est juridiquement discutable, en termes de droit électoral. Car peut-on accepter qu'un vote "pour" ne soit pas en réalité compris comme un vote "pour" ? La lettre et l'esprit de la démocratie n'acceptent pas cette nuance, qui est en réalité une incertitude. Or, un suffrage, quel qu'il soit, doit être certain. Si les amendements ne font que compléter ou préciser le texte initial, il n'y a pas contradiction : un ajout n'est pas une négation. Mais lorsque les amendements contestent des parties importantes du texte et proposent des orientations alternatives, il y a bel et bien contradiction à voter une fois "pour" et, juste après, au moment des amendements, "contre". L'attitude qui me semble la plus rationnelle, quand on s'oppose à ce texte, c'est l'abstention suivie du vote en faveur des amendements, dont l'adoption aboutirait, s'ils obtenaient la majorité, à un nouveau texte, sensiblement différent.

L'idée qu'un premier vote, automatiquement favorable, conditionnerait l'accès aux votes sur les amendements est complètement baroque, antidémocratique. Chaque vote, chaque choix sont indépendants des autres. Il n'y a pas un Sésame ouvre-toi ou un parcours fléché des votes ! La cohérence, c'est à l'électeur de la donner. En ce qui me concerne, je ne vais pas voter "pour" un texte qui ne me conviendrait pas. Si l'on suit le raisonnement un peu fou de mes correspondants contradicteurs, il était inutile de mettre aux voix le texte puisque, dans leur esprit, tout le monde, y compris les opposants, était dans l'obligation de voter "pour" : autant alors ne faire voter que sur les amendements !

Tout ça est une sacrée embrouille ! A vrai dire, il aurait mieux valu ne pas passer par ce système d'amendements, que les adhérents socialistes ont dû avoir bien du mal à comprendre (pas parce qu'ils seraient bêtes, mais parce que c'est compliqué). La procédure de l'amendement est démocratiquement vertueuse et très efficace dans un vote d'assemblée, en réunion. Pas dans le cadre d'une élection classique : en l'occurrence, l'adhérent de base devait lire un texte de 8 pages et 13 amendements complétant ou contredisant le texte ; pas possible !

La démocratie repose sur la simplicité des choix et la facilité de leur compréhension. En l'espèce, il aurait fallu deux textes à départager : celui des réformistes, qui soutiennent l'Europe telle qu'elle existe en cherchant à la faire progresser vers plus de justice sociale, et celui de l'aile gauche, qui prône une "autre Europe" en rupture avec l'histoire de la construction européenne. A défaut, le système des amendements a conduit à une fâcheuse embrouille. Peut-être que c'est le seul point sur lequel mes contradicteurs s'accorderont avec moi ...

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