lundi 17 juin 2013

Mon bac philo



Je ne vais pas vous donner les corrigés des sujets de philosophie de ce matin, mais plutôt quelques remarques élémentaires et pistes de réflexion. En Littéraire, le premier sujet était : Le langage n'est-il qu'un outil ? Question classique, avec deux entrées possibles : en apparence oui, le langage n'est qu'un outil, c'est-à-dire un moyen en vue d'une fin, en l'occurrence la communication entre les individus. Mais en réduisant le langage à un outil de communication, on l'instrumentalise alors qu'il est certainement plus que ça, puisqu'il est le propre de l'homme : comment le propre de l'homme ne serait-il qu'un simple outil, c'est-à-dire quelque chose d'extérieur à lui, purement utilitaire ?

Il faut donc penser que le langage est également (et fondamentalement) une finalité en soi : parler est un plaisir, c'est aussi une façon de penser, c'est enfin un style qui caractérise chacun d'entre nous. En ce sens-là (et ce serait ma conclusion), le langage est certes un outil, mais il n'est pas que ça. Comme référence philosophique, je citerais le Zarathoustra de NIETZSCHE (étudié avec les élèves), qui emploie le langage poétique et métaphorique pour lui faire dire des vérités, et non pas pour trivialement communiquer.

Le deuxième sujet des Littéraires aura probablement été délaissé, puisqu'il portait sur la science, qui n'est pas vraiment la tasse de thé de cette série : La science se limite-t-elle à constater des faits ? C'est la question de l'empirisme, d'une science essentiellement observatrice. La réponse est évidemment non : la science n'est pas dans une démarche de greffier. Aucune science, pas même les sciences juridiques, ne se contente d'établir des faits (il faut bien, après, les mettre en cohérence entre eux, en tirer une vérité). La science, quelle qu'elle soit, expérimente, analyse, explique, elle ne se limite pas à constater des faits. On pouvait citer Auguste COMTE et le positivisme, mais ce n'est pas un philosophe très souvent étudié en Terminale.

En Economique et Social, les sujets n'étaient pas très faciles. J'aurais pris le premier, étudié à la fois en philo, en éco et même en histoire : Que devons-nous à l'Etat ? La difficulté de la question, c'est qu'elle prête à des incompréhensions, des contresens. Pour bien réussir une dissert de philo, il faut bien comprendre ce qui est demandé. Ici, je vois deux pistes possibles : quels sont nos devoirs envers l'Etat ? en quoi sommes-nous, en quelque sorte, ses débiteurs ? Trois réponses : nous devons à l'Etat de respecter ses lois, de lui donner une partie de notre temps et de notre force (le travail), de contribuer financièrement à son budget (l'impôt), d'éventuellement donner notre vie pour lui (l'impôt du sang), de participer à la vie publique lorsqu'il s'agit d'un Etat démocratique. Toutes ces réponses bien sûr ne sont que des bases de réflexion et doivent être soumises à la critique.

Autre interprétation de la question : Qu'est-ce que l'Etat nous apporte ? En ce sens, on doit à l'Etat l'indépendance du territoire, la prospérité matérielle et l'instauration de la justice. Mais je consacrerais aussi une partie à des réponses plus radicales : on ne doit rien à l'Etat car il est exploiteur, liberticide et dangereux (les penseurs de l'ANARCHISME et du LIBERALISME), ou bien on doit tout à l'Etat parce qu'il est protecteur, maternant et éducateur (on lui doit l'école, l'hôpital, les transports, ... c'est la théorie de l'Etat-Providence).

La seconde question des ES était la plus difficile de toutes les séries : Interprète-t-on à défaut de connaître ? Elle suppose que l'échec de la connaissance justifierait le recours à l'interprétation, faisant de ce procédé un pis aller. Dans cette perspective, il n'y aurait ni vérité, ni certitude, ni objectivité mais seulement des convictions, des points de vue, des opinions subjectives c'est-à-dire des interprétations. Cependant, l'interprétation ne mérite pas une définition aussi dépréciative : car elle est aussi un travail de l'intelligence, un effort de l'analyse, une tentative de compréhension qui produisent bel et bien une forme de vérité, de connaissance. Bref, il fallait remettre en cause la distinction et l'opposition entre interpréter et connaître, en démontrant qu'il n'y a pas forcément à choisir entre les deux. On pouvait là encore citer NIETZSCHE et le rôle qu'il donne à l'interprétation dans la recherche de la vérité.

Les Scientifiques ont eu droit, à mon avis, aux sujets les plus abordables. Le premier : Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ? invitait d'abord à penser l'action morale comme absolument indépendante de la politique : l'une est pure, désintéressé, gratuite, altruiste, l'autre est ambitieuse, égocentrique, cynique, calculatrice (KANT d'un côté, MACHIAVEL de l'autre). Mais Charles PEGUY conteste Emmanuel KANT, dans la fameuse citation : "KANT a les mains blanches, mais il n'a pas de mains". Ce qui signifie qu'une action morale sans conséquence pratique, sans débouché politique (au sens grec de la polis, la vie de la cité, l'activité publique, et pas l'action politicienne) n'est qu'un idéalisme vide, évanescent, sans moralité concrète. Ou alors il faut concevoir l'action morale comme une pratique privée, intime, familiale, ce qui n'est pas satisfaisant puisque la véritable question morale se pose surtout quand on est face à autrui qu'on ne connaît pas.

Deuxième sujet des S : Le travail permet-il de prendre conscience de soi ? Je commencerais par répondre que la conscience de soi n'a nullement besoin du travail pour s'effectuer : j'ai autant conscience de moi dans mes loisirs, mais surtout dans la réflexion que je porte sur moi-même. La conscience de soi est affaire de pensée, pas vraiment de travail (au sens le plus trivial). Au contraire, le travail peut être une forme d'aliénation de soi (c'est ce que pense Karl MARX dans sa critique de l'économie) : je ne suis plus maître de moi, je me soumets à autrui et à des règles, le produit de mon travail m'est confisqué (l'ouvrier ne repart pas avec la voiture qu'il a assemblée durant la journée), je travaille dans le but de vivre, pas de prendre conscience de ce que je suis. Mais le retournement est possible (selon MARX, dans un mode de production bien précis, le communisme) : en travaillant, je montre de quoi je suis capable, ce que je sais faire. Le fruit de mon travail est la projection de moi-même. En ce sens-là, je m'accomplis, je me réalise à travers le travail, qui me permet de me connaître et de prendre conscience de moi.

Les commentaires de textes étaient tirés des oeuvres de DESCARTES, ANSELME et BERGSON.

Aucun commentaire: