mardi 27 mai 2014

De l'argent, du pouvoir et des larmes



Je n'ai pas envie aujourd'hui d'incriminer Jérôme Lavrilleux ou d'ironiser sur les malheurs de l'UMP. Que le premier parti d'opposition soit confronté à une grave crise interne, c'est toute la démocratie qui en pâtit. Nous avons assez donné dimanche soir, non ? Le seul gagnant de toutes ces histoires, c'est hélas le Front national.

Mais quelles histoires, au juste ? J'ai vu hier soir, comme tout le monde, Jérôme Lavrilleux à la télévision, ses explications, son émotion. Je ne suis pas un sentimental, et je sais qu'en politique on peut jouer la comédie. Et puis, quand on choisit d'être, comme lui, un homme public, on prend le risque de voir son nom, parfois son honneur, jetés en pâture. Mais je fais crédit à Lavrilleux de sa sincérité et de sa souffrance, de ses nuits où il peine à trouver le sommeil.

Que s'est-il donc passé pour en arriver là ? Une histoire d'hommes, d'argent, de pouvoir. J'imagine fort bien : la campagne, le combat, la hantise de la défaite, mettre le paquet pour gagner, paquet de fric, bien sûr. L'argent file, on ne fait plus attention, on se dit qu'on verra après, après la victoire, qui ne vient pas. Jérôme Lavrilleux est fidèle, zélé, professionnel, à Jean-François Copé comme en son temps, à Saint-Quentin, à Pierre André. Le dépassement des comptes de campagne, les facturations indues, il prend tout sur lui, il assume, il a toujours protégé ses chefs. Ce n'est pas pour lui de la malhonnêteté, mais un sacrifice.

Surtout, à un certain moment, à un certain niveau, l'argent ne veut plus rien dire, les chiffres défilent, par millions, sous vos yeux, sur des papiers ou des écrans, dans une espèce d'irréalité, une pure abstraction au sein de laquelle on pense que tout est possible. La vie ne vous rappelle plus à l'ordre, les limites reculent presque à l'infini. Avec les comptes, on ne se rend plus compte de rien. Hypothèse : Sarkozy a le même rapport à l'argent, frénétique et insouciant, que Strauss-Kahn au sexe. Fric, cul, pouvoir : c'est le cocktail infernal.

J'observe le visage de Jérôme Lavrilleux : si fin, si doux, avec un long corps frêle, un peu courbé, juste un peu de barbe pour faire viril. Qui est-il exactement ? Fils de petit garagiste, il est devenu proche conseiller d'un chef d'Etat : c'est fort, non ? Il ressemble plus à un ange qu'à un démon. Pourtant, ce n'est pas un enfant de choeur, mais un bébé-flingueur de Copé, quand il a fallu s'emparer de la direction de l'UMP contre Fillon. Comme aucun d'entre nous, là où il est, il n'est innocent. Mais sa sincérité et sa douleur ont le mérite de le sauver. Courage, Jérôme, il reste tant de nuits dans l'existence où vous pourrez retrouver le sommeil ...


8 commentaires:

Anonyme a dit…

" Je n'ai à vous offrir que du sang, de la sueur et des larmes » déclare Winston Churchill le 13 mai 1940 devant la Chambre des communes lors de son discours....

Mais c'était la guerre et un possible anéantissement de LONDRES sous les bombardements de LA LUFTWAFFE ....

Hier à la télé ; des larmes mais pour quelle guerre , interne à la politique française ??? interne à un parti ?? sous les bombardements de chiffres infernaux que personne n'a su maîtriser et on parle de maitriser la dette , de maîtriser nos dépenses publiques ... Le peuple inquiet et dérouté mérite mieux que ça dans ce contexte actuel d'austérité redoublée ...

Si son seul recours est de se jeter dans les bras d'un parti qui peut évoquer les tristes années 30 ALORS OUI le discours de CHURCHILL pourra aussi bientôt s'appliquer ; et le peuple français connaitra pour lui seul : le sang , la sueur et les larmes !!!

Anonyme a dit…

Moi je veux bien tout ce qu'on veut....
Mais pourquoi attendre le lundi, 24 heures après avoir obtenu l immunité parlementaire pour faire des aveux publics ?
Le penache aurait voulu que cela soit fait avant d être élu.

Emmanuel Mousset a dit…

Avant ou après, ça ne change rien à l'immunité parlementaire, qui d'ailleurs ne prive pas les députés d'être des justiciables, contrairement à l'idée reçue, ne serait-ce que parce que cette immunité peut être levée.

Anonyme a dit…

La mise en examen d'un ministre en poste (ou du Premier ministre) par une juridiction ordinaire ou, par hypothèse, sa mise en cause devant la Cour de justice de la République, ne sont juridiquement pas un motif d'empêchement. La constitution n’encadre d'ailleurs que le statut pénal des ministres pour l’exercice de délits commis lors de l’exercice de leurs fonctions .Pourtant, en pratique, on constate que le ministre concerné est contraint à la démission ou est écarté du Gouvernement. Cela s'est déjà produit onze fois sous la Cinquième République, avec une tendance au durcissement puisqu'il semble suffire que des accusations soient proférées contre l'intéressé ou que soit déclenchée une information judiciaire ou une enquête préliminaire.
ll n'y a pas de pratique équivalente chez les parlementaires à l'égard de possibles ennuis judiciaires. Ils bénéficient de l'immunité parlementaire mais peuvent néanmoins être empêchés s'ils s'exposent aux cas de déchéance ou de démission d'office par le Conseil constitutionnel

Anonyme a dit…

L'affaire Bygmalion arrive aujourd'hui au pire moment pour Jérôme Lavrilleux. A 44 ans, il tentait pour la première fois de voler de ses propres ailes. Il a été élu au Parlement européen le 25 mai avec 18 % des suffrages après avoir défié Marine Le Pen dans le Nord-Ouest. L'immunité parlementaire dont il dispose désormais pourrait rapidement être levée si l'on se fie à la tradition du Parlement européen.

Erwan Blesbois a dit…

Imaginons que cette affaire soit tombée avant les élections : le FN à 35% ! Pourquoi tombe-t-elle juste après d'ailleurs ?

Emmanuel Mousset a dit…

Le complot, le complot, encore le complot, toujours le complot, rien que le complot !

Anonyme a dit…

L'affaire était partiellement connue avant les élections et particulièrement en PICARDIE ; deux des acteurs principaux y sont élus : J L au CG depuis longtemps et B M tout récemment dans une petite commune .... Monsieur E B n' est pas bien informé et hélas dans l'AISNE le FN est à 40 % donc il y a sans doute une part de mécontentement venant de ce dossier pas du tout clair ...