mercredi 21 mai 2014

TAFTA du démon



A quelques jours du scrutin, les adversaires de l'Europe concentrent leur attaque sur un point nodal : le traité commercial transatlantique (TAFTA, sigle en anglais). Ils essaient de nous refaire le coup de 2005, la directive Bolkenstein, qui leur avait si bien réussi : un monstre, un croquemitaine, un répulsif, c'est cette fois le grand marché avec les Etats-Unis. Le poulet à la javel, c'est un amuse-gueule : le gros morceau, le plat de résistance, c'est l'accord commercial européo-américain. On joue sur l'ignorance de l'opinion, on agite les peurs, on déverse des tonnes de mensonges, les extrêmes se donnent la main dans le grand bal anti-européen, l'anti-libéralisme est à eux tous leur drogue. Il faut donc tout reprendre, tout expliquer, s'il n'est pas déjà trop tard.

D'abord, ce traité n'existe pas. C'est un fantôme que les anti-européens agitent en faisant ouh-ouh ! En matière de commerce entre l'Europe et les Etats-Unis, il y a toute une série de négociations qui ont à peine commencé, qui vont durer plusieurs années, dont on ne sait pas encore sur quel texte final elles vont déboucher. Les ennemis de l'Europe affolent les populations sur du vent, des rumeurs, des approximations, des supputations.

Bien sûr, ces négociations ne partent pas de rien pour aller vers nulle part : il y a un mandat précis, des objectifs, des engagements. Les anti-européens affirment que les clauses sont secrètes. Ah bon ? Alors, où vont-ils chercher leurs informations pour condamner ce "traité" qui serait par ailleurs secret ? Ca ne tient pas debout, c'est contradictoire. Un mandat a été, en réalité, strictement défini. La preuve : le parti socialiste a obtenu que la culture en soit exclue. Des points ont été déclarés non négociables, par exemple sur la contrefaçon ou la protection des données personnelles.

Tous les termes du mandat n'ont pas été publiés ? Oui, c'est vrai, parce que dans une négociation, on ne peut pas dévoiler toutes ses cartes, il y a une part laissée à la tactique et au secret, n'importe quel syndicaliste en charge de négocier avec le patronat vous le dira ; ça ne l'empêche pas d'être tenu par un mandat auquel il ne peut pas déroger. Les anti-européens jouent de la souplesse et de l'incertitude propre à toute négociation pour discréditer la présente négociation. C'est idiot ou malhonnête, au choix.

Qui a été mandaté pour négocier le traité transatlantique ? La Commission européenne, c'est-à-dire, pour les anti-européens, l'antre du diable, qui ne peut que trahir les nations (version extrême droite) ou les peuples (version extrême gauche). Les uns et les autres postulent qu'un commissaire européen est forcément un salaud vendu aux Américains : après, la démonstration coule toute seule, comme une diarrhée. La vérité, c'est que lorsqu'on est une entité politique à 28 pays, il n'y a que la Commission qui soit suffisamment restreinte, représentative et compétente pour négocier en matière commerciale. Aucune autre instance européenne n'a cette capacité.

La Commission ne fait pas ce qu'elle veut : répétons-le, elle a la charge d'appliquer un mandat, qui lui a été donné en juin dernier par le conseil des ministres du commerce extérieur de l'ensemble des pays d'Europe. Et quand l'accord aura été définitivement conclu, il devra encore être validé à trois niveaux : par le conseil des chefs d'Etat, à l'unanimité ; par le parlement européen, à sa majorité qualifiée ; par chacun des parlements nationaux des 28 pays constituant l'Europe. Le mensonge le plus puant des anti-européens, c'est lorsqu'ils nous racontent que l'Europe serait antidémocratique, alors que ce vaste ensemble est le plus démocratique que l'histoire ait jamais connue à cette échelle. On le constate aisément en ce qui concerne la procédure de validation de ce traité commercial transatlantique.

Les socialistes français et européens ont été, sur ce point, très clairs : ils sont favorables à ces négociations commerciales, mais se réservent de leur approbation finale, qui dépendra du texte qui en résultera et de la sauvegarde ou non des intérêts européens. Mais pourquoi, en fin de compte, négocier ? Parce que l'Europe est la première puissance commerciale au monde, qu'elle a besoin d'élargir ses marchés, qu'il en va du retour de la croissance et de la reprise de l'emploi sur notre continent. Elle s'adresse aux Etats-Unis d'Amérique, parce que c'est l'autre puissance commerciale mondiale, avec laquelle les pays d'Europe commercent abondamment depuis longtemps. L'autre motif, c'est qu'il faut organiser la mondialisation, lui imposer des normes (dans le langage socialiste, on appelle ça le juste échange, par opposition au libre échange sauvage).

Voilà la vérité toute simple d'un traité commercial qui fait beaucoup parler de lui et qui risque de faire perdre les élections aux européens dimanche prochain, et d'abord aux socialistes et sociaux-démocrates, tant l'extrême droite et l'extrême gauche se déchaînent contre ces négociations. A leurs yeux, le commerce, c'est le mal incarné, et le commerce avec l'Amérique, c'est le mal absolu : pour les fascistes, parce que c'est la négation du nationalisme ; pour les gauchistes, parce que c'est le triomphe du libéralisme. Il ne faut écouter ni les uns ni les autres, qui partagent en commun, tout différents et opposés qu'ils sont, de vouloir faire crever l'Europe.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Nos petits marquis républicains sont les plus efficaces fertilisants de ce populisme dont, avec dédain, ils dénoncent la poussée. Où l’on voit encore qu’il s’agit bien d’une société bloquée, et le mutisme du milieu (scolaire) dont sont issus ces incompétents notoires : pas un seul de se dresser pour dire que leur collègue est un nul, qu’il doit faire ses bagages. Et si des voix s’élèvent, elles viennent du camp d’en face, d’une autre "grande école" qui ne décolère pas de s’être fait souffler le poste qu’occupe encore l’actuel incompétent.



Le jour où des membres de l’élite scolaire française, parfaitement intouchable aujourd’hui, seront dénoncés publiquement par leurs pairs et sanctionnés publiquement pour leur nullité, ce jour-là la France républicaine, démocratique, égalitaire, fraternelle, méritocratique, bla bla bla aurait fait un grand bond en avant. Inutile d’espérer construire une société consensuelle sur d’autres bases.

Evi Ralli a dit…

et voilà l'autre face du TAFTA selon les écologistes et personne ne peut taxer "Europe Ecologie" d'antieuropéanisme primaire.

Voilà plusieurs mois que les députés écologistes, nationaux et européens, demandent d’arrêter les négociations avec les Etats Unis, qui visent à débrider les échanges transatlantiques.

Nous pensons qu'engager l’Europe dans un tel processus affaiblirait les règlementations nationales et européennes. Elles préservent pourtant la qualité de notre environnement, notre santé, la protection des travailleurs, des consommateurs et des données.

Le gouvernement socialiste répond "vigilance".

- La « vigilance » du gouvernement socialiste ne sera plus utile lorsqu’un tribunal privé aura donné raison à Monsanto pour annuler notre Loi OGM. Comment la France empêchera l’exploitation des gaz de schiste, l’importation de bœuf aux hormones ou de poulet à la dioxine ?

- Tu dis qu'il ne faut pas de transparence lors d'une négociation ce qu'a répondu aujourd'hui le PDG d’Alstom lors de son audition au parlement pour défendre ses négociations avec GE.
Mais revenons au TAFTA. Oui l'Europe mais aussi la France ont besoin de plus de démocratie. On ne peut plus fonctionner aujourd'hui comme au 20ème siècle et l’expression démocratique du peuple ne peut se résumer à un simple vote « bloqué » du Parlement !

Les écologistes proposent d'ouvrir les négociations pour un partenariat alternatif pour les droits humains et pour la paix. Pour renforcer la coopération dans la lutte contre le réchauffement climatique, contre le dumping social, environnemental et fiscal.

Les français boudent l’Europe qu’on leur propose.

Ils veulent l’Europe de la démocratie et de la solidarité entre les peuples, celle de la synergie des régions et des cultures.

Les écologistes proposent un projet global pour un développement durable des territoires, une politique européenne ambitieuse des énergies renouvelables, une politique agricole garante du droit à la souveraineté alimentaire.

Les écologistes nous voulons plus d'Europe mais aussi une autre Europe.

Dans ce jeu du commerce exacerbé où les humains ne sont jamais assez compétitifs, comment le PS croit vraiment donner « envie d’Europe » ?
Evangélia Ralli "candidate sur la liste Europe Ecologie"