dimanche 18 mai 2014

Liberté au musée



Hier soir, pour la Nuit des Musées, j'ai attendu minuit pour me rendre à Antoine-Lécuyer. Pas de crime à cette heure-là, même pas de lèse-majesté envers son conservateur, Hervé Cabezas. La nuit, tous les chats sont gris, parait-il. En tout cas, il y a une ambiance nocturne et noctambule. Les choses ne sont plus comme en plein jour. Dans les salles du musée, les visiteurs avaient un petit côté fantômes. Et puis, nous étions tous conviés, dans ce temple officiel de l'art, à devenir à notre tour artistes. Une scène ouverte, au beau milieu, permettait à qui voulait de déclamer un texte, une poésie. Ici, en vignette 1, le groupe récite, chacun son tour, le "J'écris ton nom ... liberté", de Paul Eluard.

Liberté, justement : c'était le maître-mot de cette nuit pas comme les autres. L'entrée du musée était libre, l'art s'y libérait. Dans les pièces, des chevalets attendaient que des dessinateurs improvisés s'emparent des oeuvres et les reproduisent (en vignette 3, les trois vieux Juifs de Théodule Ribot). Les enfants aussi, dans la salle du rez-de-chaussée, pouvaient créer ; mais ce sont des artistes-nés. A l'extérieur, l'art se faisait plus sophistiqué et électronique. Mon collègue Thomas Fauquembergue, professeur d'arts plastiques, invitait à utiliser des tablettes tactiles, pour des créations qui s'affichaient par vidéo-projection sur le mur du musée (vignette 2).

La nuit provoque aussi un sentiment d'impunité. Les instincts se libèrent. Hervé Cabezas, qu'il faut une fois de plus remercier pour cette belle soirée, s'est éclaté (comme disent les jeunes, très nombreux) à l'approche de minuit. Monsieur le conservateur a interprété, a cappella, du Charles Trénet, au milieu d'admiratrices qui riaient, applaudissaient, photographiaient (vignette 4). Boum, quand notre coeur fait boum : forcément, en cet endroit, au milieu de telles oeuvres. Le Soleil a rendez-vous avec la Lune : oui, la Lune était bien là, mais pas de Soleil à cette heure, à moins que l'astre de lumière ne soit le maître des lieux, Hervé Cabezas en personne, dont les lumières éclairent la nuit de nos ignorances (la soirée m'a inspiré, je deviens poète à mon tour ...).

Libération des esprits durant cette nuit, mais aussi libération des corps : dehors, la création électronique était accompagnée de musique. Et le miracle est arrivé : Monsieur le conservateur s'est d'abord légèrement déhanché, ses jambes et ses bras se sont mis à remuer en cadence et tout le corps a suivi. Les jeunes tout autour de lui ont été entraînés dans un bref mouvement de danse. Nous n'étions plus dans un musée mais dans une discothèque, avec au dessus de nous un ciel très dégagé, une nuit magnifiquement étoilée : c'était la boule à facettes du moment. En rentrant, à la télé, j'ai vu qu'au musée d'Orsay, à Paris, on avait aussi dansé.

Au douze coups de minuit, Hervé Cabezas n'a pas perdu sa chaussure, à la façon de Cendrillon, et il est resté lui-même, sans transformation. Peut-être d'ailleurs n'est-il jamais autant lui-même que cette nuit-là, dans son musée, pour ce qu'il appelle la Saint-Musée, inscrite chaque année dans nos calendriers.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

La liberté guidant le peuple ??

Si les musées sont encore des lieux de liberté , c'est que la culture reste sans doute le meilleur moyen d'éducation ... Au sens noble du terme !!!!!