mercredi 7 mai 2014

C'est quand l'Europe ?



La campagne des élections européennes commence tout doucement, alors que le scrutin est dans moins de trois semaines et que l'abstention est annoncée massive et l'extrême droite en pointe. A Saint-Quentin, le club politique Nouveau Siècle a organisé un débat où est intervenu Xavier Bertrand. Ce soir, à 19h30, au bar Le Carillon, c'est au tour d'Anne Ferreira de participer à une réunion, à l'invitation du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Sur l'Europe, trois réflexions me viennent à l'esprit :

1- L'anti-Europe. Elle est puissante, elle mobilise des forces politiques hétérogènes, parfois opposées, de l'extrême droite à l'extrême gauche. Surtout, elle pollue par ses mensonges les têtes de beaucoup de gens. A tel point que l'anti-Europe est devenue un réflexe spontané chez de nombreuses personnes. Pourtant, tout est faux. La technocratie bruxelloise ? Pas de quoi s'en plaindre, elle représente peu de monde quand on compare avec l'espace qu'elle administre. D'autres collectivités moins importantes ont des technocraties beaucoup plus vastes. Les diktats de la Commission ? Faux, archi-faux : l'Europe est une libre association d'Etats, qui peuvent la quitter quand ils veulent. Aucune directive européenne n'est imposée à la France, qui demeure souveraine : c'est notre Parlement qui décide et donc choisit de les appliquer. Je pourrais continuer la listes des mensonges stigmatisant l'Europe, qui viennent des anti-européens et qui sont repris sans vérification, crus sur parole.

2- L'autre Europe. Je n'aime pas trop ce slogan, qui est pourtant souvent utilisé à gauche. Je le trouve ambigu. Les anti-européens eux-mêmes l'utilisent, prenant soin de dire qu'ils ne sont pas contre l'Europe, mais pour une autre Europe. Mensonge et hypocrisie, une fois de plus ! Il n'y a qu'une seule Europe, comme il n'y a qu'une seule France : c'est la construction politique qui avance progressivement depuis une bonne soixante d'années. On peut être pour (c'est mon cas), on peut être contre, mais qu'on affiche clairement la couleur !

Souvent, les partisans d'une autre Europe ne veulent pas d'Europe du tout, mais se contentent d'une simple union entre Etats, sans intégration politique, sans transferts de souveraineté, sans institutions proprement européennes : c'est l'Europe light, qui a toujours plus ou moins existé à travers notre Histoire, qui est un état de fait, une combinaison provisoire, pas un projet politique ambitieux. Cette moitié d'Europe, je n'en veux pas. L'autre Europe, c'est la fausse Europe, le slogan de ceux qui n'assument pas publiquement leur hostilité à l'Europe telle qu'elle se fait. Plus clairement, je souhaite une Europe de gauche, c'est-à-dire une Europe qui se donne, dans trois semaines, une majorité social-démocrate, réformiste, progressiste. Seule cette Europe a à un sens pour un socialiste, pas la formule nébuleuse, lunaire, aseptisée, fourre-tout d'une autre Europe.

3- La fédération européenne. L'Europe manque de souffle, d'utopie, d'ambition. Tant qu'on en restera à l'Europe des quotas laitiers et de la réglementation des jeux d'enfants, on n'ira pas très loin, nonobstant le respect que nous devons aux éleveurs et aux familles. L'Europe manque de grands hommes qui défendent une vision d'avenir. Le dernier était peut-être Jacques Delors et son idée d'une fédération des Etats-nations d'Europe. C'est ce projet qu'il faut reprendre, vers lequel il faut aller. L'Europe sera fédérale ou ne sera pas.

Mais l'intention de Delors date d'il y a plus de 20 ans. Le monde a changé, et singulièrement le continent européen. L'événement majeur a été l'effondrement du communisme. A l'origine, dans les années 50, l'Europe s'est bâtie contre cette idéologie : elle était alors atlantiste, occidentale et démocrate-chrétienne. Ce n'est plus possible aujourd'hui, le danger soviétique ayant disparu. L'Europe doit s'ouvrir à sa composante russe et orientale ; elle doit être ce que l'histoire, la culture et la géographie en ont fait : un continent. Fédérale et continentale, voilà l'Europe de demain, sans doute dans longtemps, mais c'est la bonne direction.

A ce propos, le comportement actuel de l'Europe à l'égard de la Russie, dans l'affaire d'Ukraine, est inadmissible et irresponsable. La diplomatie avec un pays ami, membre du continent européen et le plus vaste qui soit, devrait l'emporter sur le rapport de force, la menace militaire. L'Europe s'aligne sur les Etats-Unis d'Amérique, en poursuivant une logique de guerre froide : c'est déplorable. Des émissaires américains viennent défier la Russie à quelques dizaines de kilomètres de ses frontières : imaginez que des représentants russes se promènent du côté de la frontière mexicaine et se mêlent de ce qui ne les regarde pas ! Soit, la Russie n'est pas une démocratie parlementaire à l'occidental, mais elle le deviendra, elle est sur la bonne voie, et les démocraties occidentales doivent l'y aider, pas la diaboliser sans cesse. A long terme, l'Europe ne se fera pas sans la Russie, encore moins contre elle. Ne faudrait-il pas, dans les trois semaines, débattre de toutes ces choses-là ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je crois relever quelques contradictions:
- en 1 vous dites que l'Europe ne peut imposer aucune directive, ce qui est complètement faux puisqu'elle a au contraire les moyens de contraindre un état, y compris par des sanctions financières.
- en 2 vous dites que "l'autre europe" n'a pas de sens et qu'en réalité ses partisans ne veulent qu'une union d'états sans transferts de souveraineté.
Et comme il y a des transferts de souveraineté dans certains domaines c'est donc qu'il y a aussi des abandons de souveraineté.
- en 3 vous estimez que Poutine est sur la bonne voie. Soit vous pouvez le penser mais je connais peu de pays dans le monde qui suivent ce raisonnement. Et il faut vraiment faire un gros effort pour le penser.

Emmanuel Mousset a dit…

1- Lorsqu'une directive a été librement adoptée par un pays, il est normal qu'il soit sanctionné quand l'engagement n'est pas tenu.

2- Un transfert est un déplacement de pouvoir. Ce qui va au niveau fédéral ne se retrouve donc plus au niveau national. C'est logique.

3- Sur Poutine, je vous laisse faire le "gros effort" de réflexion, qui n'est pas si "gros" que ça.