dimanche 4 mai 2014

Mousquetaires et frondeurs



En visitant hier après-midi la très belle exposition, dans la cour des Invalides, consacrée aux Mousquetaires (les vrais et ceux d'Alexandre Dumas, en vignette), je n'ai pas pu m'empêcher de penser à cette semaine politique et aux 41 "frondeurs" socialistes qui se sont abstenus. C'est ainsi qu'on les a appelés : or, la Fronde, c'est contre quoi les mousquetaires vont se battre au XVIIe siècle. Les frondeurs, à l'époque, c'est la haute aristocratie qui se révolte contre le roi, . N'est-ce pas encore le cas aujourd'hui, mais cette fois-ci, une partie des parlementaires contre le président et son Premier ministre ? Chemin faisant, j'ai poursuivi la comparaison et j'ai trouvé 8 similitudes entre l'esprit mousquetaire et la vie politique :

1- L'ambition. Les mousquetaires sont de jeunes gens de la petite aristocratie, des cadets de la famille sans la fortune qui revenait aux aînés. Ils montent à Paris pour se distinguer, faire carrière, réussir. Dans le métier des armes, tout est alors possible.

2- L'affrontement. Le mousquetaire n'est pas le soldat discipliné qu'on connait aujourd'hui. Il est un peu mercenaire, n'en fait qu'à sa tête et surtout est très bagarreur. Il aime s'affronter, gratuitement, par jeu, pour le panache. La politique, c'est le conflit. Ne parle-t-on pas aussi du "jeu" politique ?

3- La conquête. Les mousquetaires se battent pour s'emparer de places fortes, dans une guerre de sièges, où une porte de sortie est toujours laissée à l'ennemi. Faire de la politique, c'est partir à l'assaut du pouvoir, sous ses multiples formes, mais ne pas chercher à humilier ni à détruire l'adversaire, entreprise vaine et dangereuse qui le transforme en ennemi mortel.

4- Le duel. C'est la fine pointe de l'affrontement. A un moment ou à un autre, le combat oppose les deux derniers adversaires, dont l'un est forcément de trop. Après le forces contre forces, la politique se termine dans le face à face. Aujourd'hui, nos duels sont des débats, mais qui n'ont rien perdu de leur violence et dont l'un des deux protagonistes ressort mort.

5- La camaraderie. "Un pour tous, tous pour un". C'est à distinguer de l'amitié, trop personnelle, de la fraternité, trop abstraite. Il n'y a de camaraderie que dans l'affrontement et la conquête, dans l'esprit mousquetaire, qui est donc un esprit collectif, mais actif, énergique, pas servile ou suiviste.

6- La fidélité. C'est le gros problème de la politique : fidèle un jour, pas fidèle toujours. Il faut se méfier de ses proches, les amitiés sont intéressées. Les mousquetaires, batailleurs, indisciplinés, sont néanmoins fidèles à leur roi, prêts à tout pour lui, contrairement aux infidèles frondeurs.

7- L'intrigue. Pas de politique sans alliance, complot, tactique, piège. Alexandre Dumas, dans son roman, s'en délecte, surtout dans l'affaire des ferrets de la reine, où manoeuvre la belle espionne Milady. Les affaires, de cul et de fric, ça ne date pas d'aujourd'hui.

8- Le secret. C'est la part d'ombre de l'activité politique, qui rend chimérique toute transparence. La politique ne sera jamais un aquarium. Il y a des mystères, petites ou grands, qu'on ne perce jamais. Dumas s'empare de celui du masque de fer, toujours pas résolu aujourd'hui. Quelle importance d'ailleurs ...

En sortant des Invalides et de mes réflexions, j'ai cru tomber sur de vivants et contemporains mousquetaires : des types en rouge, qui portaient des épées à la main (non, des pancartes), qui ferraillaient (non, qui s'agitaient), qui criaient ... Désillusion : ce n'étaient que des supporteurs de foot. Notre époque a les mousquetaires qu'elle mérite.

Si les vrais vous passionnent comme ils me passionnent, réécoutez en podcast l'émission de France-Culture "La fabrique de l'Histoire" qui, la semaine passée, a consacré chaque matinée à l'un des quatre, Athos, Porthos, Aramis et d'Artagnan. Et puis, pour continuer avec Alexandre Dumas, pour nous consoler que sa chère ville de Villers-Cotterêts soit lamentablement passée à l'extrême droite, nous pouvons regarder ce soir, sur Arte, "Retour au Caucase", Gérard Depardieu sur les traces d'Alexandre Dumas. Allez, on se quitte sur l'incontournable cri : Un pour tous, tous pour un ! Vives les mousquetaires et gare aux frondeurs !

9 commentaires:

Anonyme a dit…

GAMIN .........

Emmanuel Mousset a dit…

Il y a sans doute quelque chose de "gamin" dans l'esprit mousquetaire, mais au bon sens du terme : contre l'avachissement, la compromission et la perte d'idéal de certaines "grandes personnes" assez répandues en politique.

Anonyme a dit…

La politique ne se fait plus quand on est civilisé au bout de l'épée ou de la baïonnette ; quoique la situation en UKRAINE puisse démentir à nouveau notre évolution ... Mais elle devrait se faire dans les dossiers et autour des tables des commissions qui préparent et contrôlent le travail de toutes les assemblées ..
Sommes nous donc civilisés , on peut en douter ??

Emmanuel Mousset a dit…

Louis XIV a interdit le duel, qui détruisait la noblesse française. Avant, ce n'était pas la civilisation ?

Erwan Blesbois a dit…

"avachissement, compromission et perte d'idéal." Qu'est-ce que l'idéal ? L'humanisme ? Si on est lucide, on s' aperçoit que l'humanisme a culminé avec une guerre atroce : la deuxième. Forts de ce constat , les Allemands nous dépassent car ils ne se rattachent plus à des valeurs idéales et humanistes, mais cherchent concrètement leur bien-être ici-bas. Ecoeurés par la monstruosité du résultat , les maîtres de l'idéalisme sont devenus foncièrement matérialistes. Il n'y a que ces crétins de Français pour croire que l'école est une fin (toujours en retard d' une guerre!). Ce qui est la fin aujourd'hui c'est l'objet manufacturé, et l'homme n'est qu'un moyen au service de cette fin. C'est aussi ce que les sociologues des années 70 ont appelé la société de consommation. C'est un cercle sans fin où pour survivre il faut toujours être plus compétitif. Il n'y aura donc pas de fin à la crise, car au nom du "toujours plus", on demandera toujours à la société d'être plus compétitive. Il n'y aura pas de fins aux sacrifices demandés, jusqu'à ce que le système se dévore lui-même, comme Midas qui changeait tout en or a fini par se dévorer lui-même. Les Américains sont aujourd'hui à la pointe du combat économique et de la compétitivité, cela ne les empêchera de se dévorer eux-même. Au final nos sociétés sont atteintes du complexe de Midas, avec des conséquences tragiques sur la nature : forcément surexploitée pour faire du profit. Quand à l'idéal et à Manuel Vals comme sauveur, cela me fait doucement rigoler : que les Français sont naïfs et grégaires.

Erwan Blesbois a dit…

On peut se réclamer de valeurs aristocratiques. Mais si la cause est absurde comme l'économie de marché qui transforme tout en or au point de rendre le monde invivable, à quoi sert le mousquetaire?

Erwan Blesbois a dit…

La sagesse moderne dans un environnement aussi hostile, ou au fond la question du bien être individuel est passé derrière celle de la compétitivité, c'est de sauver sa peau. Mais au lieu de clamer la devise des mousquetaires, tout un chacun devrait hurler : "Sauve qui peut, chacun pour soi !"

Erwan Blesbois a dit…

Ce que nous dit ton texte sur les mousquetaires, c'est que la sagesse ne se transmet pas comme un savoir. Que la sagesse est précisément le combat pour parvenir à la sagesse. D'où une certaine intransigeance, une dureté indéniable mais indispensable, car elles participent de l'art du combat.

Erwan Blesbois a dit…

Je veux pour preuve de ce que j'avance sur la sagesse du combat, est que la plupart de nos penseurs pour la plupart acquis à l'idéologie ultra libérale de la compétitivité et de la croissance, étaient dans les années 70 classés à l'extrême gauche. Conclusion : il n'y a aucune vérité transcendante, il n'y a que le combat pour exister et se conserver qui compte.