vendredi 19 août 2011

Nos amis les riches.



La France est un pays formidable : il suffit que l'Amérique s'enrhume pour que le coq gaulois tousse. Un milliardaire d'outre-atlantique souhaite payer plus d'impôts, quelques milliardaires de chez nous lui emboîtent le pas et émettent la même proposition. Pourquoi pas, me direz-vous, si la mesure est bonne ? Elle l'est forcément, puisque les maxi-riches sont une mini-minorité : vous, moi et tous les autres sommes donc d'accord pour que ce soit eux les payeurs ! Nous n'allons tout de même pas décourager un si beau geste ...

Sauf qu'en y réfléchissant un peu, je vois un peu autrement l'affaire. Des riches qui réclament le rasoir qui va leur tondre la laine sur le dos, je suis sceptique. Comme quand on signe un contrat d'assurances, vérifions de près les conditions qui ne sauraient manquer d'accompagner ce projet. Car depuis que le monde est monde, les riches cherchent à devenir encore plus riches et les pauvres un peu moins pauvres. C'est pourquoi la lutte des classes, le combat social et syndical existent.

Bien sûr, les riches sont parfois atteints de philanthropie. Mais entre pratiquer la charité et demander qu'on augmente vos impôts, il y a un gouffre. Bien sûr, on a vu, pendant la Révolution française, des privilégiés voter l'abolition de leurs privilèges. Mais le moment était historique et la période révolutionnaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Et puis, il y a la question économique. Finalement, même si les riches payaient plus d'impôts, est-ce que les pauvres seraient moins pauvres ? Est-ce que le problème de l'emploi serait réglé ? Je n'en suis pas sûr ... "Faire payer les riches", je n'y croyais déjà pas trop quand Georges Marchais le tonitruait. Alors, quand c'est un riche, je n'adhère guère plus. Les milliardaires ont beaucoup d'argent mais ne sont pas très nombreux. Comme le disent les spécialistes de la fiscalité, le problème n'est pas tant dans le taux que dans l'assiette : mieux vaut plus de contribuables qui paient un peu que très peu qui paient beaucoup plus.

Ce joli coup médiatique de nos amis les riches a le mérite de mettre en avant l'instrument de justice sociale à réhabiliter absolument : l'impôt et sa fonction de redistribution. Plus personne n'ose en parler pour ne pas se fâcher avec les classes moyennes (comme une grande partie des classes populaires est exonéré, le problème pour elles est réglé). Pourtant, en l'absence d'un taux de croissance suffisant et d'une relance de l'emploi, c'est bien l'impôt qui aide à réduire les inégalités et à faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat.

En tant que socialiste, je suis favorable à une augmentation des impôts. Oui, il faut imposer plus fortement les riches. C'est moins une question d'économie que de morale. Mais il faut aussi, pour des raisons d'efficacité, augmenter les impôts de tous, dans la mesure des capacités de chacun, selon les deux bons vieux principes de proportionnalité et de progressivité qui fondent toute la philosophie républicaine de l'impôt sur le revenu.

Je vais plus loin : j'aime tellement l'impôt, son utilité me semble si essentiel à la vie de la nation que je souhaite que tout le monde, sans exception, soit imposé, même ceux qui, aujourd'hui, ne sont pas imposables. Il ne devrait pas y avoir d'exonération en la matière. L'impôt n'est pas qu'un outil, qu'une technique : c'est notre contribution citoyenne au pacte républicain, à la solidarité nationale. Il serait bon que tout citoyen y soit assujetti, même à un très faible pourcentage. La somme serait minime pour les plus pauvres, mais le symbole serait très fort.

Je précise qu'augmenter les impôts n'est pas une fin en soi. La décision ne fait qu'une demi-politique. Il faut ensuite et surtout se demander quoi faire de l'argent encaissé, à quoi l'affecter. Car percevoir mais mal utiliser, c'est ne rien faire. Je crois que l'augmentation et l'affectation de l'impôt pourraient alimenter un beau débat en vue des prochaines élections présidentielles.

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