jeudi 11 août 2011

L'aéroport fait réagir.



Jean-Robert Boutreux, responsable de Génération Ecologie, a confié au Courrier Picard, édition d'aujourd'hui, ses arguments contre la construction d'un aéroport international en Picardie. Je veux commenter ce soir chacun de ses arguments :

Le projet aéroportuaire s'enferme-t-il dans une vision strictement régionale, picarde, au détriment d'une réflexion plus globale ? Non, au contraire, c'est un constat national et même planétaire qui conduit à défendre ce projet : l'augmentation du trafic aérien mondial et l'insuffisance des aéroports parisiens. La bataille pour le troisième aéroport n'est donc pas l'expression d'un égoïsme régional.

Le "Grenelle de l'environnement" est-il bafoué ? Non, celui-ci ne demande pas qu'on ferme ou qu'on stoppe les aéroports. Les normes environnementales sont parfaitement compatibles, pourvu qu'on le veuille et qu'on s'en donne les moyens, avec les formes contemporaines de déplacement humain. De même qu'à mes yeux l'écologie et la technique, le respect de la nature et les progrès de la science ne sont pas en soi contradictoires.

Un aéroport international est-il une "ville artificielle", ne répondant pas à l'aménagement du territoire ? Tout ville est, de toute façon, "artificielle", puisqu'il s'agit d'une création des hommes, participant à l'aménagement du territoire. Mais surtout, je ne vois pas en quoi un aéroport est une ville. A part les infrastructures hôtelières qui le bordent, ce n'est pas une agglomération ou une métropole, sinon en un sens métaphorique. Les salariés y travaillent mais n'y vivent pas, n'y dorment pas, ne s'y distraient pas.

Les avions ont-ils de l'avenir, quand on sait que leur remplissage est à 40% ? Je ne sais pas où Jean-Robert est allé chercher ce chiffre, qui devrait conduire à la faillite de nombreuses compagnies, ce qui n'est pas exactement le cas. Ce que je constate, c'est qu'il y a de plus en plus d'avions, de plus en plus de voyages et de voyageurs du ciel, au fil des décennies.

Ce mouvement de civilisation (des tarifs de plus en plus bas, la mondialisation des mentalités et des comportements) ne pourra que s'accentuer dans l'avenir. D'immenses marchés vont s'ouvrir, des peuples entiers, chinois, indien, brésilien en particulier, voudront eux aussi voyager ; les actuelles structures aéroportuaires seront rapidement saturées. L'invention du XIXème siècle, le train, a débouché au XXème siècle sur sa commercialisation, sans que l'automobile ne freine son expansion. L'avion, invention du siècle précédent, verra au XXIème siècle son développement s'accélérer.

Le troisième aéroport, loin de créer des emplois, ne va-t-il pas en supprimer dans l'agroalimentaire ? Non, ce ne sont pas les surfaces rachetées aux agriculteurs qui vont plomber l'emploi. En supposant une perte de quelques centaines de postes dans ce secteur, c'est bien peu de choses en comparaison des 30 000 à 70 000 emplois directs et indirects générés par l'ouverture d'un aéroport international. Jean-Robert d'ailleurs se contredit : d'un côté il déplore une "ville nouvelle", d'un autre côté il affirme qu'il n'y aura pas d'emplois.

Ne peut-on pas envisager des projets alternatifs à l'aéroport, dans le tourisme, la recherche, le patrimoine ? C'est possible, mais de fait ces projets pour l'instant n'existent pas, ne font pas à ma connaissance débat, alors que le troisième aéroport est dans les dossiers, a fait l'objet d'études et de projections. Et si d'autres projets sont souhaitables, ils n'entrent pas en concurrence avec celui-ci. Enfin, nous sommes dans des échelles de grandeur complètement différentes : je ne connais pas un projet à la hauteur de plusieurs dizaines de milliers d'emplois générés.

Non au troisième aéroport, oui au canal Seine-Nord ? Moi je dis oui oui, pas non oui, puisque les deux projets ne s'opposent pas, étant incomparables. Le canal déplace les marchandises, l'aéroport les hommes. L'un est européen, l'autre planétaire. C'est un non sens de défendre l'un et de contester l'autre. Et puis, le canal est moins créateur d'emploi et tout autant destructeur de la nature, si on veut aller dans ce raisonnement-là.

Mon seul point d'accord avec Jean-Robert Boutreux, c'est lorsqu'il suggère que s'organise un débat sur le troisième aéroport. Excellente idée, que la presse pourrait reprendre et mettre en place. D'autant que, contrairement à Jean-Robert, je ne suis pas pessimiste, je ne crois pas que les points de vue soient absolument irréconciliables, j'estime que le dialogue est utile. Certes, les choix politiques et économiques sont divergents, mais des rapprochements sont possibles. Il est même, pour moi, indispensable de penser ensemble l'impératif écologique et le progrès technique. Seule l'écologie radicale, la deep ecology, considère qu'ils sont incompatibles.

Qu'est-ce qui me motive tant dans ce combat pour le troisième aéroport ? Ce que j'exposais dans mon billet d'hier : la gauche doit se battre prioritairement pour les classes populaires, durement frappées dans le saint-quentinois par le chômage. Les classes moyennes, elles, ont d'autres préoccupations, bien connues et parfaitement légitimes, que le PS ne doit pas ignorer mais qui passent après l'emploi : la qualité de vie, le souci de l'environnement. A moins de laisser croire qu'on puisse satisfaire toutes les revendications en même temps, sans priorité ni hiérarchie, ce à quoi je n'adhère pas.

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