vendredi 12 août 2011

L'euthanasie, de gauche ?



L'affaire de Bayonne, où un médecin est soupçonné de quatre euthanasies, relance le débat sur cette question de société, comparable à l'avortement ou à la peine de mort il y a quelques décennies. J'avais fait venir à Saint-Quentin, il y a deux ans, Jean-Luc Roméro, défenseur de l'euthanasie, pour en discuter publiquement. C'est un beau et douloureux sujet, prompt à déclencher les passions.

Je suis plutôt favorable à l'euthanasie, rigoureusement réglementée, au nom de la liberté, contre la souffrance. Les milieux laïques et humanistes sont généralement sur cette ligne, que les religions réprouvent. Ma position est simple, aussi simple que celle des adversaires de l'euthanasie, qui affirment que nul n'a le droit de donner la mort, que la souffrance doit être soulagée mais pas la vie interrompue. Simple, trop simple ?

Je reste sur ma position, avec la prudence requise et dans le respect de l'opinion d'autrui. Mais je m'interroge. J'ai gardé un article du Monde, daté du 18 novembre 2009, signé du docteur Isabelle Marin et du philosophe Jacques Ricot, intitulé : "L'euthanasie est-elle de gauche ?" La Ligue de l'enseignement a repris cet article dans son magazine Les idées en mouvement, numéro d'avril 2010. Je vous recommande cette lecture, qui bouscule bien des points de vue.

Hormis le rappel de l'opposition de François Mitterrand et Robert Badinter à une loi sur l'euthanasie, les auteurs se livrent à une réflexion de fond. La liberté dont se réclament ses partisans est, selon eux, paradoxale "puisqu'elle consiste contradictoirement à se nier au moment où elle pense se réaliser". "La liberté ou la mort !" s'exclamaient les révolutionnaires. La liberté est créatrice, pas destructrice de soi.

Quant à "mourir dans la dignité", selon la définition de l'euthanasie, c'est de nouveau une formule contradictoire. Qu'on soit croyant ou athée, la mort est souffrance et tristesse, débouchant sur l'au-delà ou le néant, mais incompatible avec la notion morale de dignité. Celle-ci prend son sens chez l'homme debout, valide, conscient, ayant tout l'avenir devant lui, pas le désespéré qui veut mettre fin à ses jours.

Je ne sais pas quoi penser à la lecture de cet article. Elle a le mérite de ne pas nous figer dans ces oppositions irréductibles et souvent stupides qui minent le débat public, le rendent inutile et inintelligent. Je persiste à croire que la souffrance est le mal absolu, que notre liberté est d'en finir avec elle et avec la vie lorsque cette dernière n'est plus qu'absurde douleur.

Mais je suis aussi conscient que la vie n'a pas de prix, qu'elle est un absolu, que la mort peut être une terrible et irrévocable facilité. Les stoïciens étaient libres et dignes lorsqu'ils se suicidaient pour des querelles d'honneur. Cela devrait-il être légalement permis ? Je vous laisse y réfléchir ...

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