samedi 20 août 2011

L'échangisme, nouvelle idéologie.



Le christianisme est en recul, le communisme s'est effondré, le capitalisme ne va pas très bien : et si la prochaine et nouvelle idéologie, c'était l'échangisme ? Je ne plaisante pas, je suis très sérieux. Nos deux journaux locaux, Aisne Nouvelle et Courrier Picard, ont consacré récemment des articles au club échangiste axonais, L'entre d'eux, à Moulins, près de Laon : à défaut d'un été chaud, des reportages torrides ...

En bon laïque, je ne porterai pas de jugement sur cette pratique libertine, pourvu qu'elle respecte les lois de la République, ce qui est semble-t-il le cas. Mais je profite de l'occasion, qui ne fait pas seulement le larron, pour réfléchir à la notion en vogue d'échangisme, me demandant si elle ne deviendra pas l'idéologie dominante de demain.

De demain ? Peut-être de toujours ! Le plus vieux métier du monde, ce n'est pas la prostitution mais l'échangisme. Le jour où un homme des cavernes a échangé une pierre taillée contre une peau de bête, la civilisation est née. Par la suite, la multiplication des échanges a accéléré les progrès de la société. A Moulins, dans la pénombre et la moiteur de L'entre d'eux se rejoue une scène primitive à l'origine du développement de l'humanité : l'échange.

Mais l'échangisme n'est pas seulement économique : il est aussi à la base de la morale. Ne parle-t-on pas d'un "échange de bons procédés" ? Entre les êtres humains, la réciprocité, le donnant-donnant, l'échange de services ont tissé des liens de sympathie, de bienveillance, d'amitié. Dans tout échange, dont le sexuel n'est qu'un exemple, les notions de justice, d'égalité, d'équité entrent en jeu. C'est une façon pacifique et intelligente de régler nos conflits, de faire taire la violence. Dans l'échange, vol, jalousie et égoïsme disparaissent, au profit du partage, de la tolérance, de la liberté. L'échangisme est incontestablement un humanisme.

Enfin, l'échangisme a une forte dimension intellectuelle. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous pratiquons tous l'échangisme sans en avoir conscience. Non pas bien sûr celui des corps mais, beaucoup plus important, celui des idées. Après tout, à travers mes nombreuses animations philosophiques et citoyennes, ne suis-je pas un maître de l'échangisme, ouvert à tous les sujets et à toutes les rencontres ?

Je vais aller encore plus loin : la pensée ne connaît pas de limite, elle s'autorise toutes les audaces, elle vit d'expériences nouvelles. Jean-Marie, le patron de L'entre d'eux, est en quête de soirées à thèmes. Je lui propose donc un café philo dans son établissement, autour de la question de son choix. Je porte la parole philosophique en prison, dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les foyers de jeunes et autres lieux : pourquoi pas dans un club échangiste, si la demande existe ? En effet, rien n'est plus séduisant et excitant que l'échange des opinions. Cette activité crée du lien, rend curieux, rapproche d'autrui, invite à le découvrir, à communier ensemble.

Il me vient une dernière suggestion : l'échangisme politique. Au lieu de confier notre destin au résultat aléatoire d'une élection, pourquoi ne pas se livrer, là aussi, à une expérience osée mais enrichissante : échanger, au niveau municipal, pour un temps déterminé, les deux mois d'été par exemple, la droite contre la gauche ? Les saint-quentinois pourraient ainsi se faire une juste idée d'une gestion de l'opposition, la comparer avec celle de la majorité, et orienter ainsi leur futur vote à bon escient.

Quoi qu'il en soit, l'échangisme purement physique pratiqué à Moulins et ailleurs sera vraisemblablement appelé à s'étendre, se diversifier, s'élever. Tout concoure à cette évolution dans notre société de consommation. Ironie de l'Histoire, l'ancien troc a été délaissé au profit des rapports d'argent, marchands, et le monde moderne retrouve maintenant cette logique fondatrice du don mutuel, gratuit, mais débarrassée de ses aspects les plus primitifs et parfois les plus barbares.

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