mercredi 4 janvier 2012

Sale mec, pov' con, etc.

C'est la polémique du jour. Demain sera un autre jour, avec sûrement une nouvelle polémique. Ainsi fonctionne notre société. Faut-il s'en désoler ? Il y a tant de choses désolantes, nous n'en finirions pas de nous désoler. Un sain mépris serait sans doute plus approprié. De quoi s'agit-il ? Vous le savez : François Hollande a parlé de "sale mec" à propos de son probable adversaire présidentiel, dans un entretien privé, sous forme de blague.

Il n'y a pas si longtemps, personne n'y aurait fait attention, la presse n'en aurait rien dit. Mais plus aujourd'hui : la blague devient événement public, scandale politique, affaire d'Etat, au moins pour quelques heures. Des ministres s'indignent, estiment qu'il y a offense au président de la République, demandent au candidat socialiste de retirer ses propos, de présenter des excuses. Le chef de l'UMP s'offusque lui aussi. Le grand jeu quoi. Drôle de société celle dans laquelle nous vivons : les humoristes ont le droit absolu de faire de l'humour et ne s'en privent pas, mais les hommes politiques n'ont pas le droit de rigoler, y compris en privé.

Sale mec, qu'est-ce que c'est ? Un jugement un peu vif, pas vraiment une insulte (j'en connais de beaucoup plus riches, plus colorées, plus percutantes). Si je vous disais en quels termes je désigne mes adversaires politiques quand je suis entre amis, vous n'en reviendriez pas, je n'ose même pas m'exprimer de cette façon en rédigeant ce blog. Si je savais ce que disent de moi mes adversaires politiques, je n'en reviendrais pas non plus, c'est certain. Alors laissons tout cela de côté, qui fait partie de la vie, à quoi il ne faut pas accorder grande importance. Ne montons pas sur nos grands chevaux là où il n'y a que des querelles de poneys.

Mais tout de même, me direz-vous, il s'agit de la personne du chef de l'Etat qui est visé ? Oui, ce chef d'Etat qui a traité lors d'une visite publique cette fois un simple citoyen de "pov con" parce que celui-ci ne voulait pas lui serrer la main. C'est autrement plus grave que le petit mot de François Hollande. Mais cette agressivité présidentielle, pas très conforme à l'idée qu'on se fait de la fonction, ne m'avait pas plus choqué que ça : il y a un langage de la vie, parfois vert, qui pousse à des réactions surprenantes mais sans graves conséquences, et qui ne méritent pas en tout cas qu'on en fasse tout un plat. A Saint-Quentin, Pierre André a régulièrement des mots un peu rudes à l'égard de ses adversaires politiques ou des journalistes locaux sans qu'on songe vraiment à lui en tenir rigueur. Les propos haut en couleur font partie du personnage.

Et puis je crois que la langue doit être libre (c'est ça aussi la liberté d'expression, qui est une liberté de ton et de style). De plus en plus s'impose dans le débat public une parole lisse, aseptisée, passe-partout, qui ressemble à une musique d'ascenseur. La moindre note discordante provoque la stigmatisation. Un puritanisme lexical décide de la ligne à suivre : après les bien pensants, nous avons affaire aux bien disants.

Qu'on y réfléchisse : aux heures les plus glorieuses de la République, les noms d'oiseaux s'échangeaient fréquemment, la démocratie était aussi à ce prix. Nous le savons tous : François Hollande et Nicolas Sarkozy , chacun dans leur style, sont de bons candidats pour leur camp respectif et la campagne présidentielle qui s'annonce permettra un beau débat entre les deux, projet contre projet. Ils ont bien le droit, par moments, de se lâcher, bordel de merde ! (excusez-moi)

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