vendredi 27 janvier 2012

La mutation Hollande.

L'émission d'hier, Des paroles et des actes avec François Hollande, m'a totalement satisfait : un parfait social-démocrate, réaliste, sans surenchère ni démagogie, chiffrant rigoureusement son programme. Une seule toute petite critique : un langage parfois trop techno, pas assez peuple. Mais je veux aborder cette intervention télévisée sous un autre angle auquel on ne pense pas : la mutation de la culture de gauche qu'elle provoque. Sur trois points fondamentaux, il y a rupture avec les habitudes socialistes :

1- Le je au lieu de nous : la culture de gauche est fortement collective, elle se méfie autant de l'individualisme que de la personnalisation, elle a parfois du mal avec les notions de chef ou de leader (je parle ici de la culture socialiste de base). Je me souviens, il y a dix ans, d'une réunion de section où je posais la question (récurrente à Saint-Quentin) du leader. A quoi mes camarades ont répondu que chacun militant à son niveau était leader du socialisme, que nous n'avions pas besoin de patron, notion de droite. François Hollande rompt avec ce tropisme égalitariste, dit je, se met en scène, personnalise, assume une certaine solitude d'autant plus facilement qu'il n'a jamais été le représentant d'un courant au sein du parti.

2- Le pour au lieu du contre : la culture de gauche est spontanément anti, critique, protestataire, ce qui a son charme et son utilité mais aussi ses limites. On a vu en 2007 combien l'antisarkozysme était une impasse. François Hollande rompt spectaculairement avec cette posture qui est aussi une facilité. Il va jusqu'à refuser de prononcer le nom de son adversaire, ne s'adressant qu'aux Français, se concentrant sur son projet. Le socialisme traditionnel se définit essentiellement contre, la social-démocratie de François Hollande se prononce pour. C'est culturellement assez nouveau à gauche.

3- Le dirigeant au lieu de l'opposant : ce qui m'a beaucoup marqué dans l'émission d'hier soir, c'est que François Hollande se comportait comme s'il avait déjà gagné, comme s'il était dès maintenant président de la République. C'était impressionnant. Alain Juppé a parlé d' "arrogance". Mais non, Hollande n'a rien d'une personnalité arrogante ! Se mettre en situation, faire comme si on exerçait le pouvoir, penser et agir en conséquence, ce n'est pas de l'arrogance, c'est de la bonne méthode, de la pédagogie politique. On ne gagne que si on a un moral et un comportement de gagnant ! Ce n'est pas de l'anticipation (impossible) mais une utile disposition d'esprit. La victoire précède le combat alors qu'on croit faussement qu'elle en est la conséquence. François Hollande nous apprend ça : en politique il ne faut pas réfléchir et réagir en opposant mais en dirigeant, surtout quand on est dans l'opposition.

Cette mutation historique dans la culture de gauche aura des retombées dans tout le parti, y compris j'espère dans la gauche saint-quentinoise : que ses représentants assument pleinement leur rôle de leaders, énergiques et mobilisateurs, sans craindre la personnalisation et la médiatisation ; qu'ils cessent de se définir en opposition à Pierre André et Xavier Bertrand mais parlent d'eux-mêmes, de leurs actions, de leur projets ; qu'ils se comportent en futurs dirigeants, qu'ils fassent sentir que dans leurs rangs se trouvent le futur député et maire de Saint-Quentin, les adjoints et conseillers généraux de demain. Ne reste-t-il pas encore quatre jours pour présenter ses voeux ?

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