samedi 14 janvier 2012

Naufrages.

Y a-t-il une mystérieuse loi des correspondances ? Faut-il voir des signes éloquents dans l'actualité ? Je n'y crois pas trop mais certaines coïncidences sont troublantes et signifiantes. Voyez ce drame du Costa Concordia, l'évocation à son propos du Titanic et la perte du triple A. Rien à voir ? En effet, aucun rapport mais quand même, dans la singularité de ces trois événements, trois formes de naufrages qui entraient, hier, en corrélation.

Le jour où l'économie française se voit dégradée, un bateau de croisière s'échoue, bascule dans la mer, provoque des scènes de panique que les témoins assimilent à celles du film de James Cameron. Pourtant, les deux naufrages sont incomparables : le Titanic s'est fracassé contre un iceberg, a plongé dans les eaux froides de l'océan, a fait plus d'un millier de victimes. C'est l'écart entre le drame et la tragédie.

Je persiste néanmoins à chercher des enseignements dans la métaphore. Ces bateaux gigantesques, Costa Concordia et Titanic, nous fascinent parce qu'ils symbolisent nos sociétés, en sont des reproductions à petite échelle. Quand on y réfléchit, on repère les différences et les similitudes. Le Titanic représente un monde aristocratique de luxe et d'élégance qui domine le haut du navire, le bas étant occupé par le peuple, essentiellement des immigrants pour le Nouveau Monde (Cameron le montre bien). C'est une société de classes très tranchées, séparées.

Le Costa Concordia est massivement emprunté par les classes moyennes, non plus dans une traversée de prestige ou de nécessité comme les passagers du Titanic mais de repos et de distraction, à l'image de la société des loisirs : ce sont des touristes, ce que n'étaient pas les pauvres ni les riches du Titanic.

Les deux catastrophes en disent long sur leur époque et aussi sur le malheur qui va les frapper. La perte du A français ne va pas empêcher notre société de vivre : le crédit en sera inquiété mais les consommateurs n'en seront pas fondamentalement affectés. Le naufrage du paquebot italien a fait des victimes mais n'a pas englouti toute une population, à la différence du Titanic. Comment ne pas songer que la disparition de celui-ci, en 1912, annonçait à sa façon, entrait là aussi mystérieusement en correspondance avec un événement qui allait sacrifier des millions d'individus et détruire la vieille civilisation aristocratique dominant l'Europe depuis plusieurs siècles, la première guerre mondiale.

Je ne suis évidemment pas superstitieux, je ne force pas la concordance des événements. Je pense simplement par associations d'idées, qui m'apprennent quelque chose sur ce que nous sommes et devenons. Une société est sans cesse confrontée à son propre naufrage qui entre en phase avec les catastrophes maritimes. L'économie contemporaine s'enlise, comme le Costa Concordia, dans les sables mouvants de ses propres contradictions, mais je ne la crois pas en voie d'effondrement, de décadence, d'anéantissement, comme le monde que transportait le Titanic.

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