dimanche 29 janvier 2012

Nous sommes tous républicains.

La déclaration d'Henri Guaino vendredi soir à Tarbes aurait pu provoquer un immense scandale. Or elle a été peu commentée, même à gauche. Qu'a dit la plume de Nicolas Sarkozy, l'idéologue du régime ? Que "François Hollande n'est pas républicain", rien que ça ! Est-il donc vrai que les Français s'apprêtent à élire à la tête de la République un homme qui n'est pas républicain ? C'est énorme comme on dit aujourd'hui. Ne croyez pas qu'il s'agisse de la part de son auteur d'un effet de tribune : Guaino est un intellectuel qui sait maîtriser les mots et les idées. Il faut par conséquent prendre au sérieux ses propos, les comprendre et les réfuter, ce que je vais essayer de faire.

L'accusation sévère du conseiller spécial du chef de l'Etat repose sur la distinction entre démocrate et républicain : Hollande serait l'un mais pas l'autre, ce qui atténue la charge de la critique mais ne l'efface pas non plus. Ce que je conteste, c'est la pertinence d'une telle distinction, dialectique jusqu'au sophisme : à vrai dire et à penser juste, un démocrate ne peut qu'être républicain et un républicain démocrate. Les deux engagements sont indissociables, et je vous explique pourquoi :

Qu'est-ce que la république ? Étymologiquement c'est la chose publique, l'intérêt général. Qu'est-ce que la démocratie ? C'est le pouvoir du peuple. On voit bien, pris à leur racine, que les concepts ne se contredisent pas mais se complètent, s'imbriquent. L'intérêt général s'assimile à la volonté majoritaire du peuple, la volonté du peuple (que Jean-Jacques Rousseau appelle "volonté générale") exprime l'intérêt général. Un républicain qui n'est pas démocrate, c'est une absurdité, un non sens, une impossibilité ou bien un jeu de mots. Idem pour un démocrate pas républicain : François Hollande est donc autant l'un que l'autre, ni plus ni moins l'un que l'autre.

Henri Guaino étaie sa démonstration par quatre exemples concrets qui prouveraient selon lui que François Hollande n'est pas républicain. Je veux les reprendre et y répondre un par un :

1- Hollande n'a pas voté la loi interdisant la burka. Est-ce que les républicains d'autrefois ont interdit la soutane ou le voile pour les religieux catholiques ? Non, ce qui ne les empêchait pas d'être de scrupuleux républicains. Interdire ou ne pas interdire la burka n'est pas ce qui établit une séparation entre républicain et non républicain. Quand les cas sont peu nombreux, quand la persuasion est préférable à la sanction, quand il y a un risque de stigmatiser une communauté, on ne fait pas appel à la loi, ce n'est pas un comportement non républicain pour autant.

2- Hollande soutient "les pédagogistes de gauche qui ont détruit l'autorité du maître", dixit Guaino. Non, l'autorité du maître n'est pas "détruite" mais elle a changé parce que la société a changé, qu'on le regrette ou qu'on s'en réjouisse. Les pédagogues ("pédagogistes" est un terme polémique qui ne veut rien dire) essaient de repenser une autorité scolaire qui soit conforme aux besoins des élèves d'aujourd'hui. On peut être en désaccord avec cette perspective, on peut rêver à l'école de grand-papa, on ne peut pas sérieusement qualifier cette démarche de non républicaine.

3- Hollande s'est opposé à la suppression des IUFM, qui d'après Guaino n'était pas en accord avec la République. C'est vraiment pousser le bouchon très loin : les enseignants ont besoin de formation et de formateurs, qu'ils trouvaient dans les IUFM, peut-être mal, peut-être insuffisamment. Mais je ne vois pas en quoi leur absence, leur disparition sont particulièrement républicaines !

4- Hollande est favorable à la charte des langues vivantes et minoritaires. Et c'est cette position qui mettrait la République en danger ? Bien sûr que celle-ci est une et indivisible, bien sûr que la langue française est le ciment de la communauté nationale. Mais il n'y a pas péril en la demeure à favoriser l'expression et l'éducation des langues régionales !

Henri Guaino oppose une gauche républicaine (Chevènement, Mélenchon) à une gauche qui ne le serait pas parce que communautariste et soixante-huitarde. Le raisonnement ne tient pas : Jean-Luc Mélenchon est tout autant soixante-huitard que républicain et François Hollande n'est pas communautariste parce qu'il défend par exemple, en accord avec toute la gauche, le droit de vote pour les immigrés aux élections locales.

Et puis une gauche non républicaine serait par la force des choses une gauche anti-républicaine : on peut sans doute faire des reproches au candidat socialiste, pas celui d'être hostile à la République ! De droite ou de gauche, chacun selon sa sensibilité est républicain, François Hollande y compris, et c'est très heureux ainsi. Il n'y a qu'une triste exception : le Front national, dont les idées, les références et l'histoire ne sont pas en phase avec les traditions républicaines.

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