samedi 7 janvier 2012

Le sens de la formule.

La politique c'est notamment l'art du discours, donc le sens de la formule et le goût des images. De ce point de vue, celui de la forme, qu'est-ce que j'ai pensé du discours de Xavier Bertrand hier soir à Fervaques ? A l'image, il passait bien : ton vif, rapide, texte lu mais bien lu, corps et tête mobiles, sourire présent mais pas trop et quelque chose dans le regard qui accroche l'assistance. Reproche : un peu long et surtout trop énumératif, genre catalogue qui assomme à force. En même temps, le spectateur est entraîné par ce tourbillon d'actions et de mesures (peu importe qu'elles soient petites ou grandes, nouvelles ou anciennes, c'est leur accumulation qui crée le mouvement, qui fait impression).

Un bon discours ciselle quelques aphorismes, des slogans qui émaillent le propos. L'an dernier, le maire de Saint-Quentin nous avait gratifiés d'un "Plus d'habitants, plus d'étudiants, moins de chômeurs" qui est resté dans les mémoires. Mais cette année ? Xavier Bertrand a recyclé une de ses anciennes répliques :"La vérité est sur le terrain, pas derrière son bureau". Celle-là est efficace. Deux nouvelles tenaient tout à fait la route :

Pour illustrer son ancrage local : "On me dit que je dois beaucoup à Saint-Quentin. Non, je lui dois tout". Technique : un apparent reproche est exagéré et tourné en qualité. Pour défendre la concurrence entre restaurateurs dans le centre-ville et inviter à ne pas y renoncer : "Les clients des uns sont les clients des autres". J'aime beaucoup (ce n'est pas "Aimez-vous les uns les autres" d'un illustre prédécesseur mais on n'en est pas loin).

Une dernière formule m'a paru singulière, discutable, et j'hésite à dire si elle est géniale ou mauvaise : "Je ne toucherai pas aux taux d'imposition de Saint-Quentin, vous pouvez lire sur mes lèvres". L'invitation est bien sûr impossible à satisfaire, on ne devine pas grand-chose sur des lèvres. Et puis elle semble inutile : c'est la parole qui importe, pas les mouvements de la bouche. Enfin elle rappelait étrangement que sur l'écran de télévision qui transmettait les voeux une traductrice s'affairait au langage des signes.

Une vilaine expression a été utilisée : "incubateur d'entreprises", mais c'est le terme officiel. On ne voit pas très bien ce que ça signifie, on devine quand même un peu : un site qui aide à la création d'entreprises. "Incubateur", le mot ne fait pas joli à l'oreille et même un peu peur : ça renvoie à la technique, à un monde froid, artificiel. Il y a un synonyme plus chatoyant : "couveuse". Mais le défaut maintenant est de suggérer trop bizarrement les nouveaux-nés dans l'hôpital ou les oeufs de poules dans les élevages industriels. "Pépinière d'entreprises" serait beaucoup plus agréable à entendre, bucolique, printanier, sylvestre, plein de bonnes odeurs de campagne, sauf qu'il ne désigne pas tout à fait la même chose. Difficile de concilier le mot juste et le mot évocateur.

En général, je trouve que le discours de Xavier Bertrand manquait de formules percutantes et de fortes métaphores, qu'on retient en rentrant chez soi et dont on se souvient le lendemain. Sa rhétorique est trop lisse. L'avantage c'est qu'elle évite du coup toute polémique, qui naît inévitablement entre les aspérités. Si le maire de Saint-Quentin était en mal de slogan, il pouvait emprunter celui-ci : "Les Saint-Quentinois sont formidables". Je connais son auteur, je sais qu'il ne s'en formaliserait pas.

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