lundi 9 janvier 2012

Le danger des extrêmes.

La campagne des législatives a reçu un petit coup de pouce ce week-end dans la deuxième circonscription de l'Aisne, avec deux nouvelles candidatures, l'annonce d'une visite nationale et un incident local.

On s'en doutait mais c'est quasiment fait : Yannick Lejeune sera le candidat du Front national. Ce qui surprend dans ses propos à L'Aisne Nouvelle, c'est qu'il vise beaucoup plus la droite que la gauche (dont il ne parle pratiquement pas) : "On fera tout pour faire battre Xavier Bertrand". Notez bien : il ne dit pas "battre" mais "faire battre", comme s'il ne croyait pas pouvoir y parvenir lui-même.

Dans la foulée, le frontiste annonce la venue de Bruno Gollnisch à Vendeuil le 4 février, pour une galette des rois (sic !). Et Marine Le Pen "peut-être entre les deux tours", "pourquoi pas à Fervaques". Si un pareil malheur advenait, j'espère que la gauche saurait susciter une manifestation de protestation ...

Quoi qu'il en soit, cette candidature est périlleuse pour la gauche, qui a déjà été éliminée par l'extrême droite aux dernières élections cantonales. Non seulement le danger n'est pas écarté (pourquoi le serait-il ?) mais il est accru : les cantonales ont une forte tonalité locale, avec laquelle le FN n'est pas très à l'aise, étant donné sa faible implantation et son absence sur le terrain (du moins sur le terrain le plus visible). Une élection législative a une dimension nationale qui favorise beaucoup plus les "petits" partis. Pour le PS, le FN continue donc de représenter un danger de mort, c'est à dire d'exclusion au premier tour.

A l'autre extrême, c'est le POI (parti ouvrier indépendant) qui présente son candidat, là aussi sans grande surprise : Michel Aurigny. Et là aussi, là encore, il y a péril en la demeure. Le canton nord, de l'avis de tous les observateurs, était gagnable en mars 2011 pour les socialistes. J'avais même écrit à l'époque, présentant ma candidature à la candidature, qu'on n'avait pas le droit de le perdre, tellement les circonstances d'alors étaient exceptionnellement favorables à une victoire. Certes, quand on perd, en politique comme dans la vie, il faut d'abord s'en prendre à soi-même. Mais comment ne pas constater aussi que le score du POI, déjà représenté par Michel Aurigny, nous a pris les quelques pourcentages de voix qui auraient permis au PS de figurer au second tour et peut-être de l'emporter ?

Si le POI n'était pas notre alliée au conseil municipal, je n'aurai rien à en redire : chaque force politique est libre de présenter des candidats, surtout lorsque sa ligne politique diffère considérablement de celle du PS (le POI trotskiste n'a évidemment rien à voir avec le parti socialiste en matière de programme). Mais voilà : les lambertistes prennent nos voix et nous leur donnons nos places ! C'est un vrai scandale, que je ne cesserai de dénoncer.

Michel Aurigny s'est fait un nom, une image par ses interventions sérieuses et argumentées en conseil municipal (le rapporteur critique, si j'ose dire, du dernier budget de la Ville, c'était lui). Comment ne pourrait-il pas en engranger électoralement des bénéfices ? Lorsqu'on sait que dans la circonscription le combat contre Xavier Bertrand sera extrêmement difficile pour la gauche, c'est je le redis un scandale de voir un allié (dont je n'ai pas voulu mais que je suis bien obligé d'accepter) menacer les chances d'Anne Ferreira.

Je connais la réponse de Michel Aurigny, elle est dans le journal d'aujourd'hui : au premier tour on choisit, au deuxième on élimine. Merci bien pour cette mansuétude du révolutionnaire envers la social-démocratie, mais quelle est la réalité saint-quentinoise ? Municipales 2001 le PS éliminé au premier tour ; législatives 2007 le PS éliminé au premier tour ; municipales 2008 le PS éliminé au premier tour ; cantonales 2011 le PS éliminé au premier tour. Moi aussi, je sais rappeler des chiffres, très élémentaires, quand il le faut. Vous m'avez compris : à Saint-Quentin on choisit et en même temps on élimine, sans attendre un second tour. Est-ce que ça ne devrait pas faire réfléchir ?

Pour terminer, comment ne pas évoquer le curieux "incident" (c'est ainsi que L'Aisne Nouvelle le qualifie) qui est advenu à Jussy vendredi soir, entre son maire Richard Trépant et Anne Ferreira ? Une cérémonie des voeux est généralement un moment de concorde et de convivialité puisqu'on se souhaite mutuellement une bonne année. Or le Courrier Picard, sous la plume de son correspondant Sylvain Duquenne, brossait hier une scène de "tensions politiques", une "friction" entre le premier magistrat de la commune et la vice-présidente du conseil régional, celle-ci ayant été "éconduite". Explication du journal : le maire n'aurait pas apprécié cette présence inhabituelle, le faisant savoir en feignant de ne pas reconnaître l'élue, en ne lui donnant pas la parole au moment des allocutions.

Anne rectifie ce matin, dans le même Courrier, auprès de Nicolas Totet, le déroulement des faits : la méconnaissance du maire n'était pas jouée mais authentique, il y a eu "quiproquo", "malentendu" mais pas "clash politique". Pour preuve : Richard Trépant a donné la parole, après coup, à Anne Ferreira, qui n'a pas souhaité intervenir. L'Aisne Nouvelle reprend cette version, avec un élément supplémentaire : Anne Ferreira soupçonne Xavier Bertrand d'avoir "instrumentalisé" ce "non événement" lors de la cérémonie des voeux à Séraucourt-le-Grand.

J'avoue ne pas savoir trop quoi penser de ce qui apparaît comme une anecdote tournant en polémique. J'ai souvenir qu'Odette Grzegrzulka nous gratifiait souvent il y a dix ans de ce type d'incidents dans les villages, entorses au protocole, gerbes non livrées, propos vachards d'élus. J'avais alors l'impression d'une campagne réac encerclant la grande ville de gauche. Mon jugement était sommaire, mais j'étais quand même dubitatif. Aujourd'hui, ma seule certitude c'est que la politique ce n'est pas ça, c'est le débat d'idées, y compris très vif, dans le respect des personnes. C'est ce que je souhaite à tous les candidats pour cette élection législative qui donne le sentiment d'avoir débuté ce week-end dans le Saint-Quentinois.

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