mercredi 26 mars 2014

Une nouvelle opposition



Xavier Bertrand n'a pas tardé, c'est dans son habitude : le nouveau Conseil municipal, élu dimanche à Saint-Quentin, sera installé vendredi soir. En 2008, la réunion avait eu lieu au palais de Fervaques, plus vaste, plus solennel : cette fois-ci, dans la salle de l'Hôtel-de-Ville. Nouveau Conseil, nouvelle opposition, très différente de celle des mandats précédents, que j'observe depuis 1998.

De 1995 à 2001, l'opposition socialiste a été représentée par Jean-Pierre Lançon et Yves Mennesson. Les autres élus d'opposition ne siégeaient pratiquement pas, leurs leaders étaient absents (Jacques Wattiez pour le PS, Daniel Le Meur pour le PCF). Les interventions de Lançon et Mennesson étaient très individuelles, manifestement sans coordination. Ils jouaient plutôt les francs-tireurs, semblaient les rescapés d'une hécatombe, les survivants d'une gauche en déroute. Au moins, ils avaient le mérite d'être présents, de faire le boulot, de résister. Mais tous les deux avaient le handicap d'avoir été exclus du parti socialiste, pour avoir choisi de faire équipe avec les communistes plutôt qu'avec leur parti.

De 2001 à 2008, la situation s'est normalisée avec l'entrée d'Odette Grzegrzulka et de trois autres élus socialistes. Sauf que l'un d'entre eux, Régis Chevalier, chargé de l'administration dans la ville de Gauchy, a très vite renoncé à siéger. Mais avec Odette, le PS a bénéficié d'une forte tête en Conseil municipal, ce qui est un atout quand on est dans l'opposition. De plus, l'accord avec les deux autres élus a été parfait : Martine Bonvicini en fonceuse, dans le sillage d'Odette, dont elle était un peu la soeurette en politique ; Jean-Louis Cabanes, dans un style plus soft mais tenace. Une bonne opposition, c'est d'abord un bon travail d'équipe.

De 2008 à 2014, changement de décor et de personnes : c'est l'entrée fracassante de l'extrême gauche, avec la singularité d'avoir comme chef de file un socialiste, Jean-Pierre Lançon de retour, accompagné par deux élus socialistes seulement. Céline Sené va, au bout de deux ans, cesser de siéger (on ne saura jamais officiellement pour quelle raison) ; Carole Berlemont va très peu intervenir en séance. Du coup, la tête de liste aura des prises de parole (et de bec) en solo, sans bénéficier d'un collectif socialiste qui le porte.

Vendredi, l'opposition aura un tout autre visage que les précédentes. D'abord, pour la première fois, il n'y aura plus une mais des oppositions, PS, PCF, FN. On ne pourra plus parler de chef de file, puisqu'il n'y aura plus de file unique. L'opposition FN, la première par son résultat électoral, représente la grande inconnue : comment vont-ils se comporter, s'opposer ? Le refus de son chef, Yannick Lejeune, de participer au grand débat organisé par la presse locale laisse penser que ce n'est pas un débatteur d'envergure. Mais parmi les autres élus, certains vont peut-être se révéler. Quoi qu'il en soit, ils ne connaissent pas les dossiers, ce sera leur principale limite (je ne m'en plains pas !).

L'opposition communiste, par la voix d'Olivier Tournay, arrive avec 6 ans d'avance et d'expérience sur les autres oppositions. Elle n'aura qu'à suivre le fil tendu depuis 2008. Olivier a prouvé qu'il était un attaquant tout en habileté et en finesse. Il s'est construit un personnage dans la presse locale. Sa limite à lui, ce sera désormais sa solitude. Mais il aura aussi la liberté d'intervenir sur tous les sujets, étant en quelque sorte son propre leader.

Michel Garand aura la tâche la plus difficile, parce que dans la situation la plus délicate : devoir affronter Xavier Bertrand (ce qui n'est pas une sinécure) et entrer en concurrence, en compétition avec les deux autres oppositions, pour ne pas se faire distancer et marginaliser par elles. Ce sont donc tous les conseillers municipaux socialistes, avec lui, autour de lui, qui devront intervenir, monter à l'assaut de la majorité UMP-centristes. Je me répète : le travail d'équipe sera déterminant.

L'équipe socialiste, justement : Carole Berlemont, en 6 ans, n'a pas fait ses preuves (ce n'est pas désobligeant envers elle de le reconnaître, c'est seulement faire un constat) ; rien ne dit qu'elle ne les fera pas à partir de maintenant. L'environnement d'extrême gauche n'encourageait pas à intervenir, le chef de file prenait toute la place : avec Michel Garand, je crois qu'il y aura plus de respiration, plus d'esprit collectif, qu'il saura motiver les uns et les autres à donner le meilleur d'eux-mêmes, comme c'est la mission d'un vrai chef. Carole peut donc profiter de cette opportunité et nous étonner. Marie-Anne Valentin a un profil effacé, mais là encore, nous pouvons avoir d'heureuses surprises, car un élu ne se révèle vraiment qu'en situation. C'est ce que je souhaite à Marie-Anne.

Celui qui est surtout attendu, après Michel Garand, c'est Jacques Héry : il a commencé, depuis quelques temps, à être en ville un personnage public, à prendre des responsabilités dans la vie locale, autant de signes positifs. Mais jusqu'à présent, il a surtout été habile homme d'appareil, créant une section qui a fini par s'imposer, accédant à de hautes responsabilités fédérales, faisant de Michel Garand le leader incontesté des socialistes : ces qualités sont-elles transférables dans un rôle d'opposant à Xavier Bertrand ? C'est ce qu'il aura à démontrer. Il lui faudra quitter sa veste lisse d'homme discret, secret, tactiquement consensuel (vertus de tout homme d'appareil) pour endosser l'armure moins fine du combattant. Un bon point pour Jacques : il a su prendre des risques professionnellement en s'engageant en politique, on peut penser qu'il conservera cette audace en Conseil municipal.

Quoi qu'il en soit, vendredi soir, c'est Michel Garand, en sa qualité de tête de liste, qui donnera le ton, qui tracera la ligne pour les 6 ans à venir. Son discours d'investiture sera un peu l'équivalent d'un discours de politique générale, qui fixera le cap. J'attends de lui la hauteur de vue et le sens de l'adversité : se poser d'emblée en premier opposant à Xavier Bertrand ; creuser la distance, par le contenu, avec les autres opposants ; marquer pleinement, bien sûr, l'identité socialiste, qui a tant manqué ces dernières années. Je serai à ses côtés, par l'esprit à défaut d'y être physiquement. Et tout socialiste aura à coeur d'assister, ce vendredi, à 19h00, en mairie, au premier Conseil municipal de la nouvelle mandature.

Aucun commentaire: