dimanche 2 mars 2014

Ce n'est qu'un jeu



C'est le jeu du moment, le jeu du remaniement. Personne n'en sait rien, seul le chef de l'Etat décide, mais tout le monde a son avis. Ce ne sont pas vraiment des pronostics, plutôt des préférences. On parle de "jeu politique" : n'est-ce pas ça aussi ? Alors, à mon tour, je joue, et puis c'est dimanche ...

Il y a bien sûr les sondages, qui sont à leur façon des sortes de jeux. Le Journal du Dimanche estime que Laurent Fabius est le ministre le plus populaire (on croyait que c'était Manuel Valls, mais non). D'un autre côté, un ministre qui traite d'affaires (étrangères) qui ne concernent pas directement les Français ne peut qu'échapper à l'impopularité, alors que tous les autres, y compris le ministre de l'Intérieur, y sont exposés.

Paris-Match voit les choses autrement : là, c'est Valls qui vient en premier, pour succéder à Jean-Marc Ayrault. Trop facile : il arrive en tête de tous les sondages (sauf ce matin dans le JDD), il est donc logique que les Français le mettent à Matignon. Et pour le remplacer à l'Intérieur, c'est Ségolène Royal qui est choisie (ce qui est bien avec ce jeu, c'est que chaque citoyen peut se prendre pour un président de la République constituant son gouvernement).

Le Figaro, lui, a complètement assumé la dimension ludique, en offrant à ses lecteurs la possibilité de choisir entre cinq possibilités, comme dans un jeu télévisé. Je reprends chacune, je commente et, moi aussi, je décide entre les postulants au poste de Premier du gouvernement :

1- Michel Sapin : sérieux, économiste et hollandais, il serait parfait pour mettre en application le pacte de responsabilité, qui sera la grande affaire des prochains mois. Mais justement : il est trop sérieux, trop économiste, trop hollandais. Un Premier ministre doit d'abord être très politique. Ayrault est très bien, mais il est trop frère jumeau de Hollande. Un fusible (je crois toujours à cette vieille théorie gouvernementale) ne doit pas ressembler à la centrale électrique. Les Français n'auraient pas l'impression d'un changement.

2- Claude Bartolone : sympa, séducteur, malin, bien vu des députés socialistes, il apporterait une touche de nouveauté, et même une touche de gauche, qui remonterait un tantinet le moral de l'aile gauche du parti. Mais à la différence de Sapin, Barto est trop politique. Et ça, en politique, on s'en méfie (l'idéal pour réussir en politique, c'est d'avoir l'air de ne pas en faire : alors, on peut aller très loin). Et puis, quelqu'un de sympa, séducteur, malin est forcément un peu léger. Bartolone restera pour toujours, dans les mémoires socialistes et dans celle de Hollande, le lieutenant de Fabius.

3- Laurent Fabius, justement : est-ce qu'un ancien plus jeune Premier ministre de France pourrait faire un bon vieux nouveau Premier ministre ? Fafa en a l'expérience, l'étoffe, la gestuelle, l'oeil et le sourcil, sans parler du costume. Mais je n'y crois pas : en politique, ce n'est pas dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes. Fabius, ce serait du Mitterrand réchauffé, à déconseiller. Aux Affaires étrangères, c'est un seigneur ; à Matignon, ce serait une erreur. Je ne suis même pas sûr qu'il le souhaite ; il a tant donné ...

4- Manuel Valls : c'est le chouchou des médias, de l'opinion et d'une partie de la droite, donc tout le monde pense à lui. Pourtant, le principe qui veut qu'étant bon à une place, on sera bon à une autre place, est complètement faux. La compétence ne se transfert pas. Elle est par définition spécialisée. Valls est un très bon ministre de l'Intérieur, mais je le vois mal à Matignon : son image est trop droitière (pour rétablir l'ordre, c'est parfait ; pour diriger la France et réveiller le peuple de gauche, beaucoup moins).

5- Martine Aubry : c'est la dernière possibilité (à part le lapin blanc qui sort du chapeau), et je l'ai mise à la fin parce que c'est elle qui a ma préférence. Elle ne s'entend avec personne et surtout pas avec Hollande ? Mais en politique, personne ne s'entend avec personne (il n'y a que les neuneus qui sont copains avec tout le monde parce que ce sont des suiveurs). Et puis, je ne suis pas trop partisan d'un couple bien assorti à la tête de l'Etat : quand le Premier ministre ressemble à son président, les deux sont perdants. A la différence de Bartolone qu'on n'arrive pas toujours très bien à situer et à suivre, Aubry est clairement et depuis toujours social-démocrate. C'est presque de famille chez elle, ce qui aide. Mais son grand avantage sur Valls et Sapin, c'est qu'elle est plus marquée à gauche (ne me demandez pas pourquoi, c'est purement une question d'image). Elle a aussi la génétique en sa faveur : c'est une femme, et la parité au sommet de l'Etat serait bien vue. Enfin, Aubry est une personne d'autorité, ce qui ne serait pas mal venu par les temps qui courent.

Quant au gouvernement, il serait question de le resserrer, ce qui est en effet une bonne idée. Comment restreindre l'équipe ? Très simple, il suffit de ne pas reprendre tous ceux dont on n'entend jamais parler (il y en a quelques-uns). Un homme public qui n'a aucune image publique, ce n'est pas un homme public. Si plusieurs doivent partir, quelques-uns peuvent entrer, toutes les personnalités socialistes qui pour le moment n'y sont pas : Ségolène Royal au premier chef, qu'on ne peut pas laisser sous-utilisée ; Bertrand Delanoë, puisqu'il cessera bientôt d'être maire de Paris ; et pourquoi pas un petit quelque chose pour Jack Lang. Et les écologistes, on les vire ? Non, surtout pas : il faut leur laisser la responsabilité d'une éventuelle rupture, puisque l'ambivalence est de leur côté. Mais les socialistes, eux, ont le devoir de rassembler, les leurs et les autres. Je verrais bien aussi l'introduction de quelques centristes, mais là, le jeu devient un peu plus compliqué.

Et puisque nous sommes en train de remanier, autant continuer dans la lancée : remanions aussi à la tête du parti ! J'aime beaucoup Harlem, il me rappelle ma jeunesse, mais je trouve qu'il a mal vieilli (moi aussi, peut-être). Je ne retrouve plus le fougueux leader charismatique de SOS racisme que j'étais allé applaudir il y a trente ans sur la place de la Concorde. Il est devenu un apparatchik cravaté et costumé, conciliant avec tout le monde (c'est-à-dire n'exerçant son autorité sur personne). C'est un gentil garçon plein de bonne volonté, parfois gaffeur : il nous faudrait comme chef de parti un guerrier sans scrupules, tant les temps sont durs pour la gauche. J'en vois un qui a l'armure : Stéphane Le Foll.

Ce gars-là n'est pas fait pour s'emmerder avec les paysans ni perdre son temps dans des conciliabules européens. Premier secrétaire, ça lui irait comme un gant (de fer). Grand, mâchoires carrées, un peu brutal, ne s'en laissant pas compter, le verbe haut et clair, tranchant comme une épée, c'est l'homme qu'il nous faut, pour remettre au pas les militants sceptiques et indisciplinés et de l'ordre dans tout le parti. Et c'est un hollandais pur jus, ce qui ne gâche rien. Aubry à Matignon, Le Foll à Solférino, c'est le gouvernement et le PS en ordre de marche pour les prochaines batailles électorales, qui ne seront pas de tout repos. Bon, mais tout ça n'est qu'un jeu. Qu'importe d'ailleurs : à part le travail, je ne connais rien de plus sérieux que le jeu.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les français contrairement aux anglo saxons n'ont pas intégré le bi - partisme qui est une forme de clarté vis à vis des citoyens ... Et tous ces courants , ailes gauche , droite et dites sociales puis libérales sont des artifices de com qui cachent des ambitions personnelles , comme à ST - QUENTIN mais aussi à CHAUNY où la GAUCHE est éparpillée et ou des individualités uniquement légitimées soit par la franc maçonnerie , soit par leur qualité d' enseignants se propulsent à l'investiture sans se rendre compte que là aussi les citoyens ne sont pas dupes et ne croient pas du tout à l'exemplarité naturelle en politique un peu comme on pourrait croire à la sainteté en religion ....