lundi 17 mars 2014

Les chiffres ne prouvent rien



Influencés par l'économie, nous vivons sous la religion du chiffre, dont je suis l'athée, parce que les chiffres ne prouvent rien, surtout pas en politique (comme en théologie, on ne peut pas rationnellement prouver l'existence de Dieu). Le Courrier picard d'aujourd'hui donne les chiffres de participation aux réunions électorales de ce week-end : 500 pour l'UMP à Jean-Vilar (800, annonce le site de Xavier Bertrand) ; 40 pour le FN à Paringault ; 22 pour LO salle de Verdun. Mais qu'est-ce que ça prouve ? Que le maire est fort (on le sait), que le FN est discret (ça se comprend), que LO est très minoritaire (c'est l'évidence). Les chiffres de participation aux réunions publiques sont des éléments de curiosité ou de confirmation, rien de plus.

Les chiffres peuvent aussi être trompeurs. 42 votants pour l'investiture de Michel Garand en juin, 12 personnes à sa première réunion de quartier : on pourrait penser que le PS est en grave difficulté dans notre ville. Mais il y a trois ans, 1 000 Saint-Quentinois de gauche se déplaçaient pour participer aux primaires citoyennes. Qu'est-ce qui est le plus important, le plus influent ? Réunir plusieurs centaines de sympathisants acquis à la cause ou bien contacter, informer et tenter de convaincre 3 000 Saint-Quentinois par le porte à porte (effectué par le candidat socialiste) ? Querelles de chiffres ...

Qu'y a-t-il de plus incertain qu'un chiffre ? Une statistique ! (c'est-à-dire un chiffre en pire ...). Un sondage donne 55% à Xavier Bertrand et 21% à Michel Garand au premier tour. C'est donc plié ? Mais comment se fait-il qu'il y a deux ans, Anne Ferreira a failli battre Xavier Bertrand de 222 petites voix ? Et ce n'est pas internet qui va départager la droite et la gauche ! Xavier Bertrand y recueille, à ce jour, 1 396 "J'aime", et Michel Garand 193. Là encore, qu'est-ce que ça prouve ? Facebook, c'est le règne de Pavlov (voir mon récent billet sur ce réseau social) : on clique, on claque, on s'envoie, on se renvoie, on aime, on s'aime, on se re-aime, les chiffres défilent et ça ne veut plus rien dire ("Quand les cons auront des ailes, les pages Facebook voleront dans le ciel", c'est beau comme du Audiard, c'est seulement du Mousset ...).

Le grand débat des municipales a prouvé, s'il le fallait, l'inanité, l'inutilité et l'absurdité des chiffres en politique (que n'importe quel esprit un peu scientifique devrait condamner). Sur le chômage à Saint-Quentin : c'est 21% pour Olivier Tournay et 16,7% pour Michel Garand. Qui croire ? Le coût de la réforme des rythmes scolaires : 800 000 euros pour Xavier Bertrand, 300 000 euros pour Michel Garand. L'écart, ce n'est pas une paille ! Le coût de la vidéo-surveillance : 4 millions d'euros pour Olivier Tournay, 2 millions d'euros pour Xavier Bertrand. On se demande où les uns et les autres vont chercher leurs chiffres pour qu'il y ait de pareilles différences ! En tout cas, le débat politique s'appuyant sur de tels chiffres ne peut être que pipé, biaisé. Qu'est-ce que le citoyen peut en conclure ?

Ma chiffrophobie a tout de même des limites : les seuls qui soient à mes yeux sacrés, irrécusables, ce sont les résultats de l'élection, les chiffres qui vont s'afficher dimanche soir sur le grand écran du palais de Fervaques, devant le nom de chaque candidat. L'heure de vérité aura sonné, plus de contestation possible. Quoique ... Je suis persuadé que les perdants diront que les chiffres prouvent qu'ils n'ont pas tant perdu que ça, et que les gagnants diront que les chiffres prouvent qu'ils ont gagné beaucoup plus qu'ils ne le prévoyaient (c'est classique un soir d'élection : il y a un seul élu, mais plusieurs vainqueurs ...). Les chiffres, ce n'est pas de la science, c'est de la magie. C'est une tare de notre époque : faire du chiffre, à tout prix. Pourtant, les chiffres ne prouvent rien du tout, mais ils servent à se prouver à soi-même qu'on est le meilleur, qu'on a raison. Le chiffre, c'est l'arme du faible, de celui qui a besoin de se rassurer.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Quand ils sont sincéres, les chiffres ne mentent pas,
parfois on les fait mentir,
mais un chiffre qu'on fait mentir en étant rigoureux, on le démasque rapidement.

Le chiffre, c'est la science de la vérité et du réél.

Anonyme a dit…

c est uniquement sur les chiffres que je jugerai à la fin du mandat l'action de ce gouvernement.
les chiffres prouveront si l'action de ce gouvernement aura était efficace.
précarité énergétique, précarité des contrats de travail, mal logé, demandeurs d emploi, échec scolaire, pauvreté, surendettement.... les commentaires et long discours de chacun seront pour moi inutiles.

Emmanuel Mousset a dit…

Historiquement, de la démocratie grecque antique à la Révolution française, la politique, ce sont d'abord des discours. Alexandre-le-Grand, Robespierre ou Jean Jaurès ne citaient aucun chiffre dans leurs interventions. La dictature du chiffre, c'est le règne de l'économisme. Il faut laisser les chiffres aux experts-comptables, pas aux leaders politiques.