jeudi 27 mars 2014

La campagne ne fait que commencer



Quand on est de gauche et de Saint-Quentin, c'est la gueule de bois. Pas tant à cause de la défaite de dimanche : perdre, en politique, ce n'est rien du tout, une tape sur le museau, on n'en meurt pas, on se relève et ça repart. Non, la gueule de bois vient de ce que c'est la 4ème défaite à des élections municipales, depuis 1995. Honte et humiliation : l'extrême droite passe nettement devant nous, s'installe en premier parti d'opposition ... Une gueule de bois qui ferait presque retomber dans l'alcool, pour oublier (c'est une image, bien sûr).

Les lendemains de défaite, on refait le match, on se repasse le film, on se demande ce qui n'a pas marché, et quand on se laisse aller (mais il faut se ressaisir), on se dit, pessimiste, que rien n'a marché. Perdre, soit, même les plus optimistes à gauche n'avaient pas exclu cette hypothèse : mais perdre à ce point, c'est là où quelque chose ne va pas. J'étais prêt, faute de mieux, à mendier un second tour, je m'en serai presque contenté : mathématiquement, avec 5 listes, on devait y aller ; même Xavier Bertrand pensait, par modestie ou par tactique, que c'était inéluctable. Heureusement qu'il y a bien longtemps que je ne crois plus en la magie des chiffres !

Gueule de bois chez moi, coup de massue pour Stéphane Andurand, directeur de campagne de Michel Garand : dans le Courrier picard de mardi, il se dit "assommé". Gueule de bois pourtant, parce qu'il y a eu un moment d'ivresse : la réunion au Conservatoire de musique, trois jours avant le scrutin. Du monde comme je n'en n'avais pas vu depuis longtemps dans une réunion socialiste (mais encore ces satanés chiffres qui ne veulent rien dire), une équipe gonflée à bloc, les premiers colistiers déclinent leurs prochaines délégations au sein du Conseil municipal, s'y voient, s'y croient, et nous aussi, le public, on y croit, les applaudissements nourris le confirment. La réunion arrive trop tard pour qu'elle soit rapportée dans la presse. Mais est-ce que ça aurait changé quelque chose aux résultats ? Il n'empêche que dans une campagne, il y a des moments d'ivresse, dont celui-là. Mais gare à la gueule de bois ...

En politique, il y a pire que la défaite, c'est la déprime, le blues qui vous prend quand on a échoué et qu'on ne voit plus très bien l'avenir. Les pages Facebook des uns et des autres, qui se sont excitées comme des puces pendant la campagne, sont vite retombées dans le train-train de la vie ordinaire, les considérations d'ordre privé (qui ne sont jamais totalement absentes de ce réseau "social"). Xavier Bertrand et Olivier Tournay finissent par des remerciements aux électeurs ; Michel Garand a préféré clore son compte (c'est peut-être mieux comme ça).

En politique, dans la défaite, il y a pire que la déprime, c'est la rage, les règlements de comptes, l'auto-destruction. Nora Ahmed-Ali, dans un très sérieux communiqué, accuse Michèle Cahu d'avoir privé Michel Garand d'un second tour, à la suite du désistement des Verts. Andurand c'est le coup de marteau, moi c'est la gueule de bois, mais Nora c'est la taffe de shit (je ne vois pas d'autre explication à son explication ; et puis, les Verts sont pour la dépénalisation). J'ai assez pleuré depuis dimanche : là, je ris (et je n'ai pas fumé, je vous jure).

Hier matin, j'étais sur le marché du centre-ville. J'ai vu qui, à votre avis ? Xavier Bertrand, évidemment ! (je le vois partout, depuis des années, dans la rue, au cinéma, dans les magasins, parfois en rêve : il n'y a que dans ma cuisine qu'il ne soit pas allé). Notre maire portait l'écharpe bleue de sa campagne, géniale trouvaille pour s'identifier. Quelques minutes plus tard, c'est Freddy Grzeziczak que j'apercevais, toujours plus grand, plus radieux, plus victorieux, avec autour du coup la fameuse écharpe bleue. Je me suis dit : putain, pas possible, incroyable, ils font campagne ... pour 2020. Ils sont là, ils ne lâchent rien : ils ont gagné ? Ils veulent regagner, ils s'y préparent.

La politique, cet éternel recommencement ... Quand c'est fini, ce n'est pas fini, ça continue. Alors, cette pensée m'a donné un coup de fouet (plus de coup de massue !) : fini la gueule de bois, bonjour l'ivresse du combat ! C'est pourquoi j'ai changé le titre initial de ce billet, "Gueule de bois", par celui-ci : "La campagne ne fait que commencer". Oui, la campagne des prochaines élections municipales a démarré cette semaine, par un flash que j'ai eu sur la place du marché. 2020, ce n'est pas si loin, 6 ans ce n'est rien, c'est ce qu'il faut à la gauche pour se reconstruire, tant il y a de boulot. Le 23 mars 2014 appartient à la préhistoire ; 2020, c'est demain.

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