mardi 11 mars 2014

La cuisine du FN



La liste du Front national à Saint-Quentin a dévoilé samedi dernier son programme municipal (voir L'Aisne nouvelle et le Courrier picard d'hier). C'est une drôle de cuisine, avec un fond de sauce peu ragoûtant. Au menu : "stop aux kebabs et aux restaurants asiatiques !" Ah bon, et pourquoi ? "Il y en a trop". Trop ? Comptez-les : je n'en trouve pas beaucoup. Et même s'il y en avait beaucoup, qu'est-ce que ça peut leur faire, aux gens du FN ? En quoi les kebabs et les restaurants asiatiques les dérangent ? Généralement, dans leur famille politique, on pense que les immigrés viennent manger le pain des Français. Là, c'est le contraire : ils leur donnent à manger !

Alors, il faut trouver une autre raison à cette hostilité gastronomique : "non aux commerces communautaristes !" qu'ils disent. Et les pizzerias, ce n'est pas "communautariste" ? Et les moules belges de Chez Léon ? Et les brasseries alsaciennes ? Le FN emploie le mot "communautariste" pour ne pas dire "étranger", mais ça revient au même. Ils font une fixette sur les Turcs et les Chinois, comme il n'y a pas si longtemps sur les Arabes et les Africains, comme leurs grands ancêtres sur les Juifs, les Italiens et les Polonais. En dénonçant les kebabs et les restaurants asiatiques, on se permet d'être xénophobes mine de rien, sans avoir à forcer, mais tout le monde aura compris, et pour eux, entre eux, c'est l'essentiel. Le FN a inventé une nouvelle spécialité, un menu à la carte : la xéno-cuisine.

Mais puisqu'il faut quand même se justifier, le FN a trouvé une troisième raison de se plaindre des kebabs et des restaurants asiatiques : "il faut vérifier que tout le monde suit bien la même réglementation". Parce qu'il y en a de différentes selon les établissements ? N'importe quoi ! Ah c'est vrai, j'oubliais : peut-être que chez les Chinois, on mange du chat ? Parce que le FN n'aime pas trop les Turcs et les Asiatiques, mais il adore les chiens et les chats, les animaux en général, puisque dans son programme, il souhaite augmenter la subvention de la SPA ! On se demande bien pourquoi. Peut-être qu'en matière d'instinct grégaire et de défense du territoire, le FN ressent comme une ressemblance avec certaines espèces ...

Les largesses du FN vont aussi aux anciens combattants, ce qui est encore plus surprenant : quand on est les héritiers du régime de Vichy et des factieux de l'OAS, ce n'est pas tout de suite ce qui vient à l'esprit. En revanche, le programme municipal du FN veut couper les vivres aux associations de pêcheurs à la ligne, pourtant les plus puissantes et les plus populaires du monde associatif. Les frontistes, qui ont des goûts alimentaires si particuliers, n'aiment peut-être pas le poisson ? Mais il est logique qu'ils refusent de subventionner les syndicats : ils sont foncièrement anti-ouvrier, quoiqu'ils se réclament du peuple. Ce n'est qu'un mensonge de plus.

J'ai gardé le meilleur pour la fin, comme un bon repas se termine par le dessert : le FN propose de mettre en vente, à des tarifs avantageux, "des colliers ou des bracelets d'alerte pour prévenir en cas d'accident ou de chute des personnes âgées". Il fallait y penser : baguer les vieux, comme on le fait pour les pigeons ou certains détenus ! A la lecture de ce programme, on ne sait pas s'il faut hurler de rire ou de rage.

Pour finir, il y a un plat qui régale certains frontistes : c'est la quenelle. Silvana Carrasco-Mora, en 40e place sur la liste, en fait goûter à toute sa famille, sur Facebook (qu'elle retire très vite, dans un élan de courage). Elle s'explique, dans le Courrier picard d'hier : "ce n'est pas vraiment antisémite". Elle a raison : "pas vraiment", mais juste un peu, juste ce qu'il faut pour bien se faire comprendre, sans en avoir l'air, sans prendre trop de risques, comme pour le rejet des kebabs et des restaurants asiatiques. Son chef, Yannick Lejeune, temporise : "Je ne cherche pas d'explication. C'est de la bêtise". Il fait bien de ne pas chercher, il finirait par trouver, et ce ne serait pas beau à voir. Quant à l'accusation de bêtise, il parle en expert, on peut le croire. Si vous n'êtes pas dégoûtés, bon appétit.

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