mardi 21 juin 2016
Macarez sans la politique
Lors de la cérémonie des vœux du Nouvel An, madame le maire m'avait convié à la rencontrer, dans son bureau, pour discuter de mes activités, de politique et autres sujets. Le rendez-vous a eu lieu en avril, où j'ai proposé à Frédérique Macarez de nous revoir, pour faire d'elle un portrait personnel, pas politique. D'abord parce que, n'ayant pas les mêmes idées, nous risquions de nous fâcher. Et si j'aime bien me fâcher avec Xavier Bertrand, j'aime moins avec Frédérique Macarez !
Ensuite, la presse locale traite parfaitement des questions politiques ; je n'allais pas m'y substituer. Surtout, je voulais savoir ce qui se cachait derrière cet éternel sourire, cette apparente gentillesse, ce visage parfois enfantin, cette sympathie immédiate que provoque madame le maire lorsqu'on discute avec elle. Mais je me méfie de l'eau qui dort, principalement en politique. Le tête-à-tête s'est déroulé ce matin, en mairie. Ai-je réussi à percer le mystère de Frédérique Macarez ? A vous de juger.
Je commence l'entretien, entre portrait chinois et questionnaire de Proust, par la femme : est-elle féministe ? Elle est réticente à employer ce terme, ne veut pas en faire quelque chose de doctrinaire mais adhère complètement au combat pour les femmes. Pour preuve, son mémoire de fin d'études, consacré à la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse. Je lui demande ce qu'elle garde de féminin dans l'exercice de ses fonctions : l'intuition, qui aide à la décision, la maternité, qui influe sur les sentiments.
La mère, justement : ses deux petites filles sont souvent en sa compagnie dans les cérémonies publiques. Ce n'est pas banal : est-ce un plan com, une recherche d'image ? Frédérique Macarez réfute : ses enfants à ses côtés, c'est pour passer plus de temps avec eux, ce qui n'est pas toujours facile quand on est maire. Mais pas d'exposition médiatique, pas d'intention politique (elle souhaite d'ailleurs les préserver des photos dans la presse).
Une femme aussi occupée a-t-elle le temps et surtout le goût de cuisiner ? Je ne la voyais pas aux fourneaux, mais si, elle aime beaucoup, et c'est un plaisir hérité de sa famille. Sa préférence et ses compétences vont à la cuisine à l'ancienne, les bons petits plats qu'on laisse mijoter longtemps, le bourguignon, le pot-au-feu, l'osso bucco. Frédérique Macarez me parle des odeurs, des sensations, du retour à l'enfance. Heureusement qu'il est 8h30, sinon je pourrais presque avoir faim à l'entendre.
C'est bien joli tout ça, mais passons aux choses sérieuses : madame le maire n'est-elle pas une fausse gentille, comme on en rencontre en politique ? Non, elle n'accepte pas ce terme. Sa gentillesse vient d'un naturel optimiste et d'un solide bon sens : dans la vie, mieux vaut être de bonne que de mauvaise humeur. Elle estime avoir un devoir d'affabilité, en tant que femme publique : ne pas faire porter ses problèmes personnels par les autres. Un mot revient à plusieurs reprises dans notre échange : légèreté, à quoi Frédérique Macarez tient, qui n'est pas pour elle incompatible avec le sérieux dans le travail. Son sourire ? Il est de famille. Et puis, elle n'aime pas la méchanceté, la moquerie.
Bon, d'accord, mais je lui rappelle les trois A, selon moi, de la politique : Ambition, Adversité, Autorité. Que devient la gentillesse dans tout ça ? Je tiens à saisir son côté obscur, qui est en chacun de nous. Quel est le défaut, la limite, la faiblesse de Frédérique Macarez ? L'impatience, prix à payer de son exigence (toute qualité a comme revers un défaut). Elle n'est pas colérique, mais il lui arrive de s'énerver, et même de crier, d'être directe, brutale, explosive, pas policée, mais sans aller jusqu'aux objets qui volent. Tout de même, c'est une surprise : je la voyais si douce ... Elle a sans doute cette violence rentrée des gens calmes, qui fait mal quand elle se réveille.
Qu'est-ce qui est le plus difficile en politique ? Faire les bons choix, ne pas se tromper, assumer la solitude dans la décision à prendre, me dit le maire. La qualité morale qu'elle apprécie par dessus tout chez les autres ? L'honnêteté. Et sa qualité à elle ? La détermination, la concentration, la force de travail. Qu'est-ce qui la révolte ? L'injustice, bien sûr, mais sur un plan plus personnel, la non maîtrise des choses, le travail mal fait, les positions irréfléchies. Je sens en elle une redoutable et peut-être maladive perfectionniste.
Nous parlons d'Histoire, de grands hommes. Où vont ses admirations ? Simone Veil, courageuse, Charles de Gaulle, romanesque, et, plus étonnant, Napoléon Bonaparte, fin tacticien. A Sciences-Po, Frédérique Macarez s'est passionnée pour l'empereur et son art militaire. Elle adhère à la notion pourtant contestée d'homme providentiel, non tant pour la personne et ses inévitables travers que pour les valeurs morales qu'elle incarne. Il n'empêche que Macarez intéressée par un conquérant, c'est inattendu ! De même, quand je lui demande ses périodes historiques préférées, ce n'est pas le Moyen Age ou la Renaissance qu'elle cite, mais les deux dernières guerres mondiales.
Retour à la légèreté : qu'est-ce qui la fait rire ? L'humour populaire, à la façon des Grosses Têtes, qu'elle écoute dans sa voiture, le week-end, ou bien Anne Roumanoff, Nicolas Canteloup et Laurent Gerra. Qu'est-ce qui lui fait peur ? L'évolution du monde, la montée de l'obscurantisme, du sectarisme. Frédérique Macarez doute d'une amélioration de l'humanité. Autant elle est optimiste dans l'action, autant elle est pessimiste dans ce qu'elle voit du cours des choses. Je sens la gravité revenir, la part d'ombre aussi, le malheur. A-t-elle peur de la mort ? Non, elle n'y pense pas, mais elle a été frappée très jeune, à 18 ans, par le décès de son père, qui l'a marquée pour toujours, qui explique ce qu'elle est et ce qu'elle fait aujourd'hui, en grande partie. Un cancer l'a emporté en six mois, elle a assisté à ses derniers instants, à son ultime regard avant de disparaître, en pleine conscience. Les quatre enfants étaient autour du lit, avec sa mère, à la maison.
Quel est le livre de chevet de madame le maire ? Le Petit Prince, de Saint-Exupéry, et dans la littérature récente, Khaled Hosseini, l'écrivain afghan, avec Mille soleils splendides et Les Cerfs-volants de Kaboul, des romans où la légèreté et le bonheur n'ont pas leur place. En peinture, ses goûts vont aux impressionnistes, Monet, ses cathédrales de Rouen. Frédérique Macarez essaie de se réserver une journée dans l'année (seulement !) pour une visite à Paris. Son moment magique, c'est Noël, le Grand Palais qui se transforme en patinoire géante sous sa magnifique verrière. Le rêve !
La musique est essentielle à sa vie, à la détente, dès le matin et jusqu'au soir, surtout le rock et la guitare. Le maire me fait entendre Madness, du groupe Muse, sur la playlist de son mobile. Elle évoque la chanteuse Sia, Jean-Louis Aubert, Louis Bertignac, les Stones et les Beatles, mais aussi Carmen et le Lac des Cygnes. Côté cinéma, où elle ne peut guère aller, Heidi est le récent film qui l'a enchantée. Dans un genre complètement opposé, Frédérique Macarez aime le jeu de Leonardo DiCaprio (Les Infiltrés, Blood Diamond), le Parrain de Coppola et Quentin Tarentino, en particulier Django unchained. Pas vraiment du cinéma pour fillettes ! Notre maire avoue ne pas être du tout sportive, mais elle promet de s'y mettre, pour le muscle et la santé.
Allais-je la quitter sans lui parler de Dieu, comme autrefois Jacques Chancel à ses invités ? Lors d'une cérémonie religieuse, un mariage à la basilique, j'avais remarqué chez elle une certaine ferveur, qu'on ne rencontre pas toujours chez les participants. Frédérique Macarez est d'un esprit plutôt rationnel, mais oui, la foi a un sens pour elle, est importante dans sa vie, même si sa pratique n'est pas quotidienne. Elle me rapporte un mot charmant de sa fille, un soir au bord de son lit : "Maman, Dieu te parle à toi ? Moi, il ne me parle pas ... " Qu'il est grand le mystère de la foi ! : c'est la formule liturgique. Bien sûr, madame le maire me précise qu'elle ne mélange pas les genres et que ses convictions religieuses n'interfèrent pas dans sa vie politique. Le laïque que je suis, et lecteur de Pascal, avait compris.
Voilà, c'est terminé, la conversation s'arrête là, au bout de 45 minutes. Un autre visiteur va prendre ma place. Qu'est-ce que j'ai appris de cette rencontre ? L'osso bucco, le groupe Muse, la chanteuse Sia et l'écrivain Khaled Hosseini, qu'à ma grande honte je ne connaissais pas. Et elle, Frédérique Macarez, qui est-elle ? Une enfant ou une Amazone ? Une femme heureuse ou blessée ? Une main de fer ou un gant de velours ? La seule certitude, c'est qu'elle est maire de Saint-Quentin. Nous n'avons pas parlé de politique, mais il y a peut-être de la politique dans ce que nous avons dit.
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2 commentaires:
"Voici" la "pipolisation" qui continue à tout gangrener...
Même ce blog.
Même son initiateur ?
S'il ne se reprend pas, on aura bientôt des billets sur le Prince qu'on ne sort pas (M Macarez) ou sur la vie sentimentale du président de la nouvelle région...
Si les enfants sont de sortie lors de manifestations publiques, c'est qu'on les y emmène avec des idées derrière la tête, que ce soit les enfants des écoles le 11 novembre ou le 14 juillet, les enfants des manifestants contre la loi travail comme aux cérémonies du 1er mai ou les enfants jadis aux processions mariales, aux rogations ou aux fêtes du Christ-Roi et de la Fête-Dieu.
Je récuse le terme de "pipolisation". J'ai essayé de cerner la personnalité du nouveau maire de Saint-Quentin, moins connu du grand public que les deux précédents. Le "portrait" est un genre, qui ne s'assimile pas à ce que vous appelez la "pipolisation". Je ne suis pas dans le registre du journal à scandales. Quant à l'exposition des enfants, vous mélangez des situations qui sont complètement différentes.
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