vendredi 17 juin 2016

La République de mes rêves



J'ai besoin de rêves. Car depuis quelques jours, c'est le cauchemar. Les opinions politiques qui sont les miennes, sociales-démocrates, européistes, centre gauche, sont la cible des casseurs, des extrémistes et des assassins. Comme si les convictions modérées devenaient insupportables aux violents, aux sectaires. Hier, une jeune députée de gauche, favorable à l'Europe, a été tuée par un fanatique anti-européen, pur produit d'une campagne contre les institutions européennes aussi hystérique que celle que nous avons connue chez nous en 2005.

Un grand syndicat français a dérogé à la légalité et à sa tradition en justifiant, par la voix autorisée de son secrétaire général, les violences envers la police exercées par certains de ses militants, au nom d'une hasardeuse légitime défense. Jusqu'à présent, et depuis longtemps, la CGT nous avons habitués à mener la vie dure aux casseurs et aux gauchistes, surtout pas à se retourner contre la police. Quant à son opposition sans nuance, intransigeante à la loi travail, c'est le signe d'une inquiétante radicalité, qui refuse le dialogue social, le compromis, qui disqualifie les autorités politiques, qui sape leur légitimité.

Un couple de policiers est abattu à son domicile par un terroriste islamiste, alors que la République prêche la paix entre les religions, permettant en chacune, grâce à la laïcité, de vivre, de s'exprimer, sans chercher à dominer ou à écraser les autres confessions. Mais depuis un an et demi, notre pays est entré dans le règne d'une terreur se réclamant indument de la religion. Dans un tout autre registre, même les violences des supporters de football sont le signe d'une société qui va mal, où l'on cherche prétexte à détruire.

A l'approche de l'élection présidentielle, le parti qui arrive en tête des intentions de vote est une organisation xénophobe, nationaliste, antirépublicaine, au passé pétainiste, ligueur et factieux. Le FN, dans un monde normal, ne devrait pas dépasser les 5%. Nous ne sommes plus dans un monde normal, mais de cauchemar. Le débat politique est hystérisé, les violents sont médiatisés, les modérés sont moqués. Oui, j'ai vraiment besoin de rêves. Mais quelle serait la République de mes rêves, la vie politique selon moi désirable et parfaite ?

C'est une République raisonnable et rationnelle, où des citoyens réfléchis et responsables désignent des dirigeants modérés et compétents. L'intelligence prime sur la passion. L'alternance se produit sans drame ni rupture, entre centre gauche et centre droit, entre Emmanuel Macron et Alain Juppé, sans les anxiogènes et les bouffons que sont Sarkozy ou Mélenchon. Les écologistes se débarrassent de leurs sectaires et de leurs opportunistes (les deux vont souvent ensemble, bizarrement), pour rallier la candidature du sage Nicolas Hulot ou du réformiste joyeux Daniel Cohn-Bendit.

Dans la République de mes rêves, les rapports de force et les ambitions exclusivement personnelles ont disparu : seules les idées sont le moteur de l'action, la négociation et le compromis sont systématisés. Les élections se font sur les questions économiques et sociales, pas sur les sujets identitaires ou sécuritaires. La République de mes rêves, c'est une douce et paisible social-démocratie nordique, où il fait bon vivre, où le peuple est confiant et enthousiaste, pas déprimé et hargneux.

Impossible ? Sans doute, puisque c'est un rêve. Mais les pères fondateurs de la République française rêvaient aussi, à une société vertueuse, à l'antique, à la romaine. Un républicain est forcément un idéaliste. La réalité n'est pas républicaine, mais inégalitaire, violente, dominatrice. Le peuple n'est pas spontanément républicain. A l'origine, la République est un rêve d'aristocrates et de philosophes. Rien n'est plus élitiste, dans ses exigences, que ce régime politique pourtant destiné au peuple. La nature n'est pas républicaine, elle est tyrannique ; la nature humaine aussi, par bien des aspects, qui porte la violence en elle. Mais il nous faut continuer à rêver, à espérer et à nous écrier : vive la République !

16 commentaires:

Philippe a dit…

"pur produit d'une campagne contre les institutions européennes aussi hystérique que celle que nous avons connue chez nous en 2005."
L'hystérie était hélas bilatérale en 2005.
Mais cette « hystérie » a eu l'avantage de commencer à faire connaître (pas suffisamment !) l'UE qui n'est ni bonne ni mauvaise à priori, elle est ce qu'en font les organismes permanents que sont les Conseils de chefs d’État et de Ministres. Sur ce domaine précis nous ne sommes toujours pas informés par les médias (propriétés de financiers qui eux font du lobbying à Bruxelles).
La République s'approchant le plus de mes rêves serait la République Suisse où l'on prend son temps pour légiférer car les citoyens peuvent intervenir pour corriger les copies sans pour autant que cela soit considéré comme un acte de guerre civile.

Maxime a dit…

Vous savez M. Mousset, dans les pays nordiques aussi l'extrême-droite progresse et le tableau que vous nous brossez et sans doute loin de la Scandinavie réelle...

Les pères fondateurs de la République, des idéalistes? Ça se discute... Robespierre à la limite oui mais Marat, Danton, Saint-Just?

Les questions identitaires sont aussi importantes que les question économiques. Comment voulez-vous que ça aille alors que le peuple ne sait même plus qui il est?

Erwan Blesbois a dit…

La République est devenu un squelette sans âme et sans chair qui ne génère plus de valeurs, mais provoque les injustice de la reproduction dénoncée par Bourdieu, de façon d'autant plus criante que l'ascenseur social est en panne. Les valeurs de la république ont vocation à être enseignées, au moment où un individu est le plus perméable, c'est-à-dire au moment de l'enfance. Mais qui peut croire aujourd'hui aux valeurs de la République, quand dans la réalité chacun constate que ce sont les valeurs marchandes qui dominent complètement tout l'espace visible ? Y compris dans un endoctrinement au consumérisme dès le plus jeune âge. Le "doux commerce", censé éviter les guerres, vanté par les premiers doctrinaires libéraux majoritairement anglo-saxons, est devenu un conditionnement totalitaire, à moins de couper l'enfant dès son plus jeune âge de la société et des valeurs qu'elle véhicule, par la télé, internet, et autres moyens de communication. A la naissance il y a ce qui est déjà là : la hiérarchie sociale, les meilleures places et les autres. C'est notre désir qui découle d'un vouloir sourd et aveugle selon Schopenhauer et que Freud a rationalisé, qui va déterminer notre place dans la hiérarchie sociale, en France il s'agit d'une hiérarchie républicaine. Or cette hiérarchie manque de plus en plus de légitimité, car elle ne repose plus sur l'école républicaine en voie de disparition selon Finkielkraut. Elle repose sur les combines, sur le piston, sur l'entre soi dans les beaux quartiers qui bénéficient encore d'une école valable, à peu près républicaine, partout ailleurs c'est de la garderie. Quand à la République, on peut parler de morale républicaine, car le bien et le mal sont la condition de possibilité de développement d'une intelligence. Le problème est qu'aujourd'hui cette morale ne profite qu'à une élite " intelligente ", une oligarchie " intelligente ", totalement coupé du " peuple " et même des classes moyennes abruties.
La morale en France contemporaine, va servir souvent à justifier tel comportement républicain et à disqualifier tel comportement anti républicain. La morale vient dans le temps de l'après-coup, après les actes de l'Histoire les plus ignobles, comme par exemple les génocides, et aujourd'hui les attentats " ignobles " des islamistes français, nés en France et éduqués en France, ou l'attaque de l'hôpital Necker à Paris par les " casseurs " nés et éduqués également en France. La morale vient après la pulsion sinon aucun acte ignoble ne serait commis ce qui prouve que nous ne somme pas des êtres moraux, mais des êtres avant tout pulsionnels. On peut s'amuser comme Freud, à essayer de rationaliser le pulsionnel, mais rien n'y fait : la pulsion a toujours un temps d'avance sur la raison. Moins l'éducation aux valeurs républicaines sera forte, plus il y aura des débordements et du pulsionnel. La balle est dans le camp des gouvernants, qui doivent eux se réformer d'urgence, plutôt que de chercher à réformer le monde du travail déjà complètement phagocyté, aliéné et exploité par le capital et les actionnaires. L'abrutissement généralisé qui est une largement diffusé par le consumérisme imposé et totalitaire de l'ultralibéralisme, n'empêche pas les plus victimes d'entre nous, de retourner leur ressentiment contre les valeurs de la République, qu'elles tiennent pour responsables de leurs maux.
Une des solutions serait une séparation de l'ultralibéralisme et de l'Etat, sur le modèle de la séparation de l'église et de l'Etat de 1905. Et que l'Etat républicain reprenne ses droits et légifère sur la trop grand puissance de l'argent, ce que Hollande avait promis, en se déclarant l'adversaire de la finance : promesse non tenue ! D'où la colère actuelle contre la loi El Khomri.

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, évite de faire comme le premier neuneu venu, qui cite malhonnêtement une formule de campagne et ne dit rien du programme de François Hollande, profondément social-démocrate et se donnant surtout pour objectif de lutter contre les déficits budgétaires. Tu as le droit d'être antisocialiste, mais respecte la vérité. Hollande a rigoureusement tenu ses promesses, beaucoup plus que Mitterrand en son temps. Alors, oppose-toi à lui, mais ne fais pas ton curé ou ton donneur de leçons de morale.

Erwan Blesbois a dit…

Tu focalises tellement sur l'aspect purement politique de chaque problème que tu n'as absolument aucune vision globale. Prends du recul, et tu te rendras compte que l'espèce humaine est en danger. Mais j'ai remarqué que les gens qui ont la moindre parcelle de pouvoir, s'accroche à celle ci comme une moule à un rocher, comme si cela constituait l'ensemble de toute la réalité enviable, le principe de réalité absolu, qu'aucun cataclysme ne saurait entamer. C'est comme ça, c'est la politique, qui n'a rien à voir avec la réflexion. Qu'est-ce qu'on en a à foutre des déficits budgétaires, pour s'aligner sur les critères de Bruxelles ? Tout ce qu'on demande aux socialistes, c'est d'étatiser une bonne part de la production française, de plafonner les salaires indécents de grands patrons et actionnaires, de redistribuer la richesse de façon plus égalitaire à tous les salariés français, pourquoi pas de réguler le matraquage publicitaire à la télévision et sur internet, de moraliser la vie publique et le sport, bref une contre révolution anti libérale, et qui s'imposera d'une façon ou d'une autre à tout le reste de l'Europe. Même les Américains vont en revenir du libéralisme, ils sont à bout de nerf, comme tout l'Occident. Enfin Emmanuel soyons raisonnable, la société va totalement se désagréger si nous continuer tête baissée dans cette voie libérale, nous n'allons pas faire avec la gauche, ce que la droite n'a jamais osé faire : une révolution libérale à la Thatcher ou à la Reagan. Soyez raisonnables retirez cette loi absurde et tendez la main aux salariés qui vous ont élu pour faire une politique sociale !

Emmanuel Mousset a dit…

Erwan, tu me demandes d'adhérer au programme de Mélenchon. C'est bien gentil, mais je ne suis pas mélenchoniste ! Est-ce que je te demande, moi, de devenir social-démocrate ? Non ! Alors, vote Mélenchon, assume, si tu le peux, ce choix politique, défends-le comme moi, de mon côté, je défends la social-démocratie et laisse-moi tranquille avec mes idées !

Erwan Blesbois a dit…

Et en quoi alors Mélenchon est-il anti républicain, c'est-à-dire non conforme à la morale républicaine ?

R a dit…

"du réformiste joyeux Daniel Cohn-Bendit" ?
Auriez-vous qualifié ainsi le trublion de 1968 au moment des événements ?
De même auriez-vous attribué le terme "bouffon" à Mélenchon lorsqu'il était ministre ?
Pour qu'on vous suive il faudrait que tout ce que vous avancez mérite d'être suivi...

Maxime a dit…

Mais Mélenchon Erwan, c'est un fasciste comme l'extrême-droite... Donc il n'est pas du tout républicain selon votre terminologie.

Erwan Blesbois a dit…

Je ne suis pas " complotiste " au point de penser comme ça fleurit sur internet que les attentats islamistes ou le meurtre de Jo Cox, sont en réalité le fait de l'oligarchie qui cherche à nous manipuler. Cependant je pense que la colère islamiste, et la colère d'extrême droite (Thomas Mair, Breivik), sont attisés par le contexte social et politique qui prévaut dans les démocraties occidentales, sans parler de leur politique extérieure au Moyen-Orient : nous sommes entrés dans un état de guerre larvée qui déteint sur les comportements humains : tout le monde se méfie de tout le monde, la société est fermé, peuplée de chefaillons pervers et de moutons consentants : ce n'est pas la vision que j'avais de la démocratie. Et oui, j'ai la nostalgie d'un De Gaulle, qui se comportait comme un bon père de famille pour son peuple. Nous ne retrouverons malheureusement pas ça avant longtemps, voire jamais. A vous écouter Maxime, 44% des Français sont désormais des " fascistes " : comment comptez-vous les combattre, par la stigmatisation, l'insulte et le mépris, comme Emmanuel Mousset ? Voire la violence : si le parti de Mélenchon et le FN sont fascistes, il faut une volonté politique pour les interdire. Et les électeurs, il faut les rééduquer aux valeurs de la performance, de la compétitivité et de la violence économique et sociale, puisque selon vous c'est la seule réalité " républicaine ".

antifasciste a dit…

Maxime, donnez-nous votre définition exhaustive du terme fasciste et nous jugerons votre crédibilité et votre pertinence à affubler M Mélenchon de ce qualificatif.

Philippe a dit…

Les "istes" et les "ismes" ne résolvent jamais les problèmes qu'ils soient économiques ou sociétaux.
Leur usage est un marqueur ... de paresse ... permettant d'échapper à l'étude du réel et de produire du n'importe quoi ...

Maxime a dit…

Je tiens à signaler que je n'ai pas dit m'opposer à certaines idées du FN ou du Front de gauche. C'est leur politique populiste sur le plan économique que je n'aime pas. Ma provocation concernant Mélenchon me sert juste à rendre justice à l'extrême-droite: l'extrême-gauche n'est pas meilleure d'un point de vue moral et politique, pour moi c'est la même chose. Nombreux sont ceux qui soulignent se rapprochement d'ailleurs, y compris sur ce blog.

Les électeurs en France ils n'ont qu'en tête leur propre gueule et pas le bien du pays. Alors ça oui je le méprise. Les Français sont les travailleurs qui bossent le moins dans toute l'Europe. Pourtant la tour Eiffel ne s' est pas construite à coups de 35h! Je hais la fainéantise et la jalousie. Donc une bonne partie des électeurs d'extrême-gauche, qui veulent toujours plus d'assistanat et "d'égalité". Cela étant, je ne suis pas un fanatique de la démocratie (pas du tout même) et ne suis pas pour l'interdiction du FN ou du Front de gauche.

Maxime a dit…

Fasciste: se dit d'un homme soutenant une politique arbitraire, violente, et liberticide, dictatoriale.

Voilà. On reconnait bien votre espèce de tribun de la plèbe non?

antifasciste a dit…

Maxime :
d'après votre définition, gouverner par ordonnances (comme le prévoient certains supposés candidats) c'est donc être fasciste.
Il y aurait ainsi beaucoup de fascistes en France qui rêvent de gouverner en ce moment.
Et encore davantage pour se proposer de voter pour eux.

Maxime a dit…

Gouverner par ordonnance est prévu par la Constitution, confisquer leurs actions aux propriétaires de certaines grandes entreprises comme le voudrait Mélenchon est contraire au droit. J'espère que vous comprenez la différence maintenant.