mardi 28 juin 2016

6 mois, une nouvelle politique ?



Vous avez sans doute reçu comme moi, hier matin, dans votre courrier, si vous habitez à Saint-Quentin, la lettre du maire, Frédérique Macarez, accompagnée d'un document de quatre pages, qui dresse le bilan de ses 6 premiers mois à la tête de la Municipalité. L'exercice de style est connu, assez banal et pas facile à commenter politiquement. Le ton est neutre, factuel, consensuel. Nous sommes dans le constat de ce qui a été fait.

Et puis, au bout d'un semestre, est-il possible de faire un bilan ? Pas vraiment. On est plutôt dans la répétition de ce qu'on sait déjà. C'est un envoi qui relève aussi de la communication, nécessaire à toute collectivité territoriale. A partir de là, faut-il y consacrer un billet, y a t-il matière à une analyse politique ? Je pense que oui, parce qu'en grattant bien, on trouve des choses. C'est comme le lapin : on croit avoir tout mangé alors qu'il reste encore de la viande autour des os, et c'est le meilleur.

D'abord, je note que Xavier Bertrand n'est jamais mentionné, ni de nom, ni par une photo. L'ancien maire veillait à citer ou à se montrer avec son prédécesseur, Pierre André. Le souci de filiation, de continuité est fréquent en politique, signifiant, intéressé. Mais Frédérique Macarez est dans un autre cas de figure : elle doit se faire un nom propre, exister par elle-même, imprimer sa marque, construire une image, ne pas paraître sous une dépendance. C'est pourquoi il est seulement question d'elle, et pas des autres. En tout cas, je le comprends comme ça.

Son image, justement : le maire de Saint-Quentin reprend cette formule qui est sienne, qui lui va bien, "prendre soin des Saint-Quentinois", une sorte de fonction maternante (voir le billet de mardi dernier, "Macarez sans la politique"). Pour le dire plus savamment, c'est ce qu'on appelle aujourd'hui le care, initié par Ségolène Royal, repris aussi par Martine Aubry. C'est la politique par les sentiments, au premier chef l'empathie, très dans l'air du temps.

Pour moi, ce sont des courants d'air, qui m'horripilent : je ne tiens pas à ce que les hommes ou les femmes publics prennent soin de moi, je ne veux pas d'une Maman Macarez ! Mais je ne suis pas représentatif de l'opinion, loin s'en faut. Les Français sont devenus des enfants : ils veulent qu'on les écoute et qu'on les protège, ils se présentent sans cesse comme des victimes, ils sont tout le temps fatigués. Pourquoi notre maire échapperait-elle à cette demande et à la prise de soin qui lui correspond ?

Le courrier s'abstient de toute politique partisane. Une seule pique contre le gouvernement, visant "le désengagement financier de l'Etat" en direction des communes, "sans précédent". Ce serait à discuter, à comparer. Il y a aussi les inévitables oxymores : "Je serai réaliste, raisonnable et ambitieuse", qui ne vont pas vraiment ensemble. Quand on est raisonnable, l'ambition est bien difficile, tellement ce désir comporte nécessairement une part de risque et même de folie. Mais je ne voudrais pas donner l'impression de pinailler, d'aller trop gratter la viande entre les os du lapin !

En vérité, tout ce qui précède n'a pas beaucoup d'importance. La charge politique de la lettre du maire tient seulement en quelques lignes, en haut du verso, que je cite dans leur intégralité (c'est moi qui souligne certains mots) :

"Les projets en cours sont actuellement réétudiés, pour ne retenir que les opérations utiles à la Ville. Les subventions doivent être attribuées après avoir mesuré l'intérêt général des actions menées. Les critères de choix doivent être plus ajustés dans tous les domaines".

Si l'on prend au sérieux ce qui est écrit, et il le faut, qu'est-ce que cela signifie ? Que la Ville procède à une forme d'audit de la politique précédente, que certains projets manifestement ne sont pas utiles, ne correspondent pas vraiment à l'intérêt général. Il serait intéressant de connaître quels sont les projets qui vont être abandonnés ou revus à la baisse, quelle nouvelle politique cette révision générale (puisque tous les domaines sont concernés) dessine-t-elle ? Est-ce un tournant, une évolution, une rupture ?

Un exemple est donné par le maire : le sport de haut niveau et ses "sommes colossales", sans les résultats attendus. C'est assez courageux de s'en prendre à ce secteur, où généralement les élus, par démagogie, pour faire plaisir aux électeurs, financent les structures les yeux fermés. Mais Frédérique Macarez a prévenu : elle ne va pas "tout promettre", "dire oui à toutes et à tous".

Assistons-nous à la mise en place d'une nouvelle politique municipale ? Nous verrons bien. Mais à un ami socialiste à qui je relatais mon entretien de la semaine dernière avec madame le maire, il me répondait : "C'est une centriste, elle est presque Macron". Je n'irais peut-être pas jusque-là, mais il y a de ça. Suite au prochain courrier.

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