lundi 6 juin 2016
Ali au paradis
J'ai 10 ans, ce 8 mars 1971. Il est 4 heures du matin quand mon père vient me réveiller, pour écouter à la radio le match de boxe entre Cassius Clay et Joe Frazier, retransmis en direct. J'ai vu les photos dans les journaux : deux montagnes de chair et de muscles, des Noirs magnifiques, la beauté et la force absolues. Le combat se déroule de l'autre côté de l'océan, à New-York, qui me fait rêver aussi. Il me faudra attendre encore 17 ans avant de me retrouver devant le lieu de la légende, le Madison Square Garden. Je me suis déjà levé la nuit, deux ans auparavant, pour un autre événement mythique : en juillet 69, le premier homme sur la Lune. Armstrong, Clay, des héros, des géants.
Je suis ému à la disparition de Mohamed Ali. Moi qui déteste le sport, j'ai une admiration sans borne pour cet homme. Sans doute parce que ce n'était pas un sportif, mais un guerrier. Avec Frazier, c'était une histoire d'hommes, à la vie, à la mort. Frazier : "Ali disait toujours que je ne serais rien sans lui. Mais qu'aurait-il été sans moi ?" Ali : "Joe est un combattant et un champion, et je prie pour qu'il se batte, maintenant " (Frazier était hospitalisé pour un cancer du foie qui l'emportera). Ces deux-là, c'est l'irruption de la tragédie dans la société contemporaine, qui est essentiellement dévolue à la comédie et à la pantalonnade.
Qu'on ne s'y trompe pas : la mort de Mohamed Ali, c'est la fin d'un type d'homme qui n'a plus cours, noble, fier, brutal, pieux (il s'est converti à l'islam, a rejeté son nom d'esclave). Presque cinq ans jour pour jour après le "match du siècle", le 5 mars 1976, je ne suis plus un enfant, je suis devenu un adolescent. Ce n'est plus à la radio, mais devant la télévision que je retrouve, fasciné, Mohamed Ali. Dans l'émission Apostrophes, le boxeur écrase tous les autres invités par sa présence animale, par son regard qui frappe alors que ses poings sont au repos. Il pointe d'un doigt vengeur Jean Cau, modèle de l'intellectuel freluquet, couard, traître à Sartre, vendu à la droite : "S'il y a quelqu'un que je n'aime pas, c'est vous". Quelle phrase, à réentendre, à revoir ! Cau n'en menait pas large, je crois bien qu'il faisait dans son froc.
Ali avait le sens de l'adversité et du destin, toute chose dont nos contemporains ont horreur. Il a été atteint par la maladie, comme dans une tragédie grecque. Car ce corps qui n'était que force est devenu peu à peu faiblesse, frappé par Parkinson. Ces poings qui cognaient, sûrs d'eux-mêmes, se sont mis à trembler. Mais le regard est resté, aussi vif, sombre et violent. Le mal n'est pas allé jusque-là. Aujourd'hui, Ali a rejoint Frazier au paradis des boxeurs. Je ne me réveillerai plus la nuit pour les entendre s'affronter. Mais la leçon de vie qu'ils nous ont donnée est en moi à jamais.
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19 commentaires:
"S'il y a quelqu'un que je n'aime pas, c'est vous". Quelle phrase, à réentendre, à revoir ! Cau n'en menait pas large, je crois bien qu'il faisait dans son froc : http://www.ina.fr/video/I14248858
Merci Erwan.
Je change un peu de sujet, pour revenir à mes obsessions : rien dans mes prises de position ne permet de m'inculper d'antisémitisme. C'est à mon sens le défaut d'Emmanuel Mousset de lire chaque critique adressée à une personnalité juive sous cet angle calomniateur. Il s'acharne sur moi, toujours sur le même thème : " Oligarchie anglo-saxonne aujourd'hui, ploutocratie juive autrefois : mêmes slogans antirépublicains, sous couvert de radicalité sociale " ou encore " Aucun chantage à l'antisémitisme, juste une remarque, avec laquelle on est d'accord ou pas. Comme cette remarque-là : tout antisémite a son juif comme caution, alibi, prétexte ". Je sais que le fait d'avoir une fille juive ne fait rien à l'affaire. Cependant Monsieur Emmanuel Mousset, si le fait de se sentir exaspéré par Minc (qui a sorti un livre qui appelle à la suspension de la loi de 1905 pour mieux intégrer les musulmans !), Attali (l'homme qui vit dans les aéroports, dixit Zemmour) et BHL fait de vous un antisémite, il va falloir instruire un procès de Nuremberg géant où 95% de la population française est amenée à comparaitre ! Enfin c'est vrai que je prône une alliance des souverainistes de gauche à droite, contre les partis du " système ", que monsieur Mousset appelle les partis républicains. Sans être dogmatique comme E.Mousset, j'essaie d'être à moi-même un laboratoire d'idées, pour l'instant je n'ai pas de convictions définitives. J'ai écouté Philippot sur i Télé cet après midi, je le trouve malheureusement tellement plus pertinent que toutes les personnalités du PS, qui essaient toujours de trouver des alibis et des excuses à la politique ultralibérale qu'il mènent. Sans parler de LR qui assume sans complexe son option ultralibérale. Non les deux personnalités que je trouve les plus pertinentes sont effectivement Mélenchon et Phillipot, pourquoi n'arrivent ils pas à s'entendre ?
Et pas grand'chose sur sa désobéissance civile, son refus d'aller au Vietnam "Jusqu'alors aucun vietcong ne m'a insulté de sale négro" sous-entendant "combien de blancs américains m'ont traité ainsi !" ?
C'est alors qu'Ali est entré dans l'espace public qui compte, pas par le sport et sa médaille olympique à 18 ans, par sa prise de position politique à environ 22 ans.
Pas parce qu'il s'est autocongratulé : "I'm the greatest !"
Erwan, la politique, contrairement à la science, n'est pas une activité de "laboratoire". A Saint-Quentin, pendant six ans, des savants fous ont expérimenté un croisement génétique entre la gauche et l'extrême gauche. Nous avons vécu l'ère des mutants, des monstres sans avenir. Résultat : aujourd'hui, le PS est loin derrière le FN. Ton alliance Mélenchon-Phillipot produirait les mêmes effets catastrophiques. Il ne faut pas aller contre la nature, y compris politique. La gauche n'est pas compatible avec l'extrême gauche, la gauche radicale est encore moins compatible avec l'extrême droite.
Je ne sais pas comment tu t'en es sorti, cela demeure pour moi une énigme, apparemment tu sembles t'épanouir dans ton milieu sans prendre d’anxiolytiques ni d'antipsychotique comme tout bon prof qui se respecte. Pourtant la réalité c'est le dureté des rapports humains et les pulsions mauvaises qui l'emportent toujours sur la bienveillance.
Ce qui te détruit, c'est ton désir décadent de "bienveillance", le sentiment le plus plat qui soit, avec l'empathie, deux pulsions maladives. Quand comprendras-tu que c'est dans l'adversité qu'on se construit et qu'on s'élève ?
Nous sommes là en cœur du sujet : est-ce ma faute si mon corps finit toujours par réagir par la dépression comme résultat de tout conflit ? Ce n'est pas ma volonté qui est décadente, c'est l'ensemble de mon corps, qui me trahit depuis que je suis adulte. J'ai une explication matérialiste à ça : la construction du psychisme est purement matérielle, on ne contrôle pas les affects et les émotions qui viennent vous détruire ou non, à la suite d'un conflit. Absurdité et hasard président à la construction matérielle d'un caractère, qui ensuite tout au long de votre vie va vous accompagner pour vous aider ou vous détruire. Ce qui me console, c'est que le caractère de Nietzsche, ton mentor, a finit par le détruire lui-même. Bien fait pour ce méchant homme !
Et puis quand je rentre dans le jeu du conflit, j'ai envie de détruire mon adversaire, le détruire au point d'en avoir des " pulsions de meurtre ", une telle intensité des émotions finit toujours par avoir raison de mon corps, et provoquer un genre de dépression plus ou moins intense. C'est là que l'on voit la différence entre un corps décadent et un corps sain : tout dans cette existence terrestre n'est que pure matière, combinaison plus ou moins heureuse d'atomes, en fonction de l'amour ou de la haine que l'on a reçu en partage au moment de la constitution du caractère, sachant que la haine sépare et que l'amour réunit. Visiblement Nietzsche et moi avons un corps décadent, marqué par la haine et le ressentiment, visiblement malgré les apparences, tu as un corps aristocratique, marqué par l'amour et l'adhésion au monde réel, dans le grand "oui " nietzschéen.
Je ne voudrais pas faire preuve de naïveté mais quand même, pour un homme de " gauche " prôner l'adversité, donc l'égoïsme et le compétition, est un drôle de paradoxe que les députés PS frondeurs heureusement, dénoncent : comme l'attitude provocatrice de Macron par exemple, à l'égard des travailleurs. Ce dernier allant au contact des travailleurs, puis s'en plaignant hypocritement, les accusant d'être par leur faute, parce qu'ils n'ont pas assez travaillé, dans l'incapacité de se payer un costard à 1200 euros. Aurélie filipetti ( certainement une "sale conne", tout comme Montebourg est un " roi des cons ", sans autre argumentation, selon la terminologie d'EMousset ), affirme cette phrase de bon sens, qui n'a rien de nietzschéen : " Pour moi, être de gauche, c'est s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains ont beaucoup moins de chances que d'autres d'y arriver ". Si une conscience de gauche comme Pasolini était encore en vie, il dirait de Macron que c'est un porc ! Tout les socialistes de gouvernement, à l'exception des frondeurs qui ont des scrupules à l'égard de leurs valeurs de gauche, sont aujourd'hui comme ces Grecs, que Circé avait transformé... en porcs ! J'ai honte pour la gauche, ce qu'elle est devenue, trahissant les travailleurs, trahissant ses propres valeurs. Une telle attitude cynique malheureusement se répercute dans les rapports humains entre tous les Français, leur sert de modèle, où de plus en plus le cynisme tend à remplacer les valeurs de solidarité. Honte à EMousset, honte à ses modèles. Je sais que dans la vie il ne faut pas être naïf, mais dans le cas d'EMousset, il devrait prendre ses responsabilités et rejoindre un parti prônant l'adversité et la compétition : le droite libérale qui est l'original, plutôt que la gauche libérale faisant la même politique, mais qui est sa copie.
Garde la honte pour toi, il y a suffisamment de quoi faire. Quant à l'équivalence entre adversité et égoïsme, elle est amusante : le paresseux qui ne combat personne, belle image de l'altruisme ! Non, tout cela n'est pas sérieux. Ce sont des éructations de bavard.
Par ailleurs la haine est, je trouve, bien plus nourrissante que l'amour.
Il faut vous faire une raison Erwan, l'homme n'est pas un Bisounours. C'est un être profprofondément amoral et narcissique qui aime jouir de la souffrance d'autrui. Ça c'est la réalité. Je suis désolé si cela ne correspond pas à votre vision matérialiste somme toute idyllique.
Je suis d'accord avec vous Maxime, la haine est plus stimulante que l'amour. Je ne suis pas un inconditionnel de l'amour et de la niaiserie, j'aime la rivalité et le combat. En bon matérialiste, je pense quand même que c'est l'amour qui permet l'union et la combinaison harmonieuse des atomes, alors que la haine dissocie. Avouer " aimer jouir de la souffrance d'autrui " c'est avouer être sadique, je ne partage pas votre sadisme, désolé : j'ai plus de plaisir à venir au secours d'un noyé que de lui enfoncer la tête sous l'eau. Et tout homme n'est pas un pervers narcissique, je ne suis pas d'accord avec vous, l'humanité peut encore être sauvée. Autre chose, si un jour vous avez des enfants je vous souhaite de ne pas " aimer jouir de leur souffrance ", mais je sais que cela est tout à fait possible et humain au sens de l'éthologie. Ce que vous dites, si cela correspond à la réalité de la jeunesse actuelle, est à la fois effrayant et très intéressant, et correspond tout à fait à mes thèses, j'aimerais en savoir plus...
Il ne s'agit jamais de paresse, il s'agit de corps qui supportent plus ou moins bien l'adversité. Il apparaît que si la société était plus bienveillante et si il y avait des pôles de solidarité comme le PCF a longtemps tenu ce rôle - c'est un exemple parmi d'autres -, il est évident que beaucoup plus de corps "paresseux " pourrait s'épanouir. L'attitude d 'EMousset est à bien des égards inhumaine et purement volontariste, sans tenir compte des affects qui peuvent permettre ou non à un corps " paresseux " de s'épanouir. Donc l'attitude d'EMousset n'est pas de gauche, c'est la méthode du " coup de pied au cul ". Aucune compassion, aucune empathie avec les victimes, aucune sensibilité à une société qui se délite dangereusement depuis 68. Emousset n'aime que lui-même en réalité. En plus jamais EMousset ne prend en compte le modèle néfaste que joue le libéralisme, dans l'évolution des mœurs, vers la perversion narcissique généralisée. Dernière chose la dépression n'est pas de la paresse, et je déteste les gens qui utilisent les points faibles de leurs adversaires pour mieux les enfoncer, ce n'est pas une attitude aristocratique, mais plébéienne. Dernière chose : pourquoi diable aurais-je honte de moi-même, quand on a une noblesse de cœur comme moi ? Les gens comme moi sont rares et tu le sais bien, car jamais je ne t'ai fermé ma porte, et jamais je ne te la fermerai.
Pour en savoir plus vous pouvez lire Zizek c'est vraiment très intéressant. L'auteur nous explique dans "Passion du réel, passion de l'irréel" que nous éprouvons une jouissance particulière face à la souffrance. Il donne l'exemple des attentats du 11 septembre: nous adorons regarder les images des tours s' effondrer, toute cette souffrance tend à nous faire jouir. Plus proche de nous: en novembre, après les attentats, nombreux furent ceux qui regardaient en boucle la télé, pour voir les mêmes images de "fin du monde". C'est bien qu'ils en tiraient un plaisir non? En tout cas c'est ce que dit Zizek.
Quasiment personne ne reconnaîtrait que j'ai raison. C'est ce qui est malsain je crois, en plus d'être profondément hypocrite car au fond d'eux, les gens jouissent de la souffrance d'autrui. Les saints cela n'existe pas (Dieu merci).
Ce qui permet la combinaison des atomes Erwan ce n'est pas l'amour ce sont les forces inter-atomiques. La force, toujours la force!
Oui c'est vrai Maxime a raison, nous jouissons devant la catastrophe, je suis d'accord, c'est un sentiment humain, mais cela ne fait pas de nous tous des pervers narcissiques. Tout le rôle de l'éducation et de la morale devrait être de contrarier ces pulsions mauvaises, d'où la nécessité de la morale, en voie de disparition dans nos sociétés libérales en plein déclin. Nous ne vivons plus dans des sociétés morales qui relient (amour), mais dans des sociétés qui " fonctionnent " en roue libre et qui divisent (haine), avec des valeurs purement mercantiles, imposées par l'oligarchie : vous le dites vous même et vous le déplorez, l'école elle-même se transforme en vaste lupanar, au mieux, quand il ne s'agit pas de consommation de drogue, au pire.
On se fait une trop grande idée de la jouissance que nous ressentons devant la catastrophe, c'est juste une pulsion voyeuriste, normale. Il n'y a pas lieu de s'autoflageller outre mesure de l'existence de cette pulsion chez chacun de nous, dont l'intensité d'ailleurs, varie en fonction de chaque individu.
Mais pour ce qui est de l'amour/haine, je me situe dans une tradition métaphysique matérialiste, même si je ne rejette pas l'hypothèse spiritualiste, pour un avant et après la vie (la " vie " ne serait qu'un sale quart d'heure à passer : une épreuve entre deux états de béatitude). Pour le dire simplement l'apparition de la conscience et les facultés intellectuelles chez le petit enfant sont favorisées par un environnement sain et aimant. Un enfant devant grandir sans amour maternel et devant subir éventuellement la violence de son père (sa force), se développera très mal, et statistiquement aura beaucoup plus de chances de développer des pathologies mentales, ou de devenir délinquant, ou de devenir lui-même violent avec ses propres enfants. C'est juste du bon sens de dire ça, et c'est étayé par l'expérience, l'éthologie et les sciences humaines.
Se référer à Zizek, sur ce blog qui se dit de gauche...
Je ne mourrai pas idiot...
J'aurais quasiment pu tout lire et son contraire.
Le blog est de gauche mais les commentaires sont libres.
Mais justement Erwan, l'action de la morale est malsaine au final, car elle contrarie des pulsions naturelles alors qu'elle est anti-naturelle (du moins je le pense). C'est ce qui crée une distorsion en nous et engendre sinon des névroses du moins une espèce de malaise...
A Anonyme: Zizek n'est pas un philosophe de droite. Par ailleurs, si le blog est de gauche moi je suis de droite. D'obédience libérale en économie et conservatrice sur le plan libéral (et sur le plan culturel).
Entre la mercantilisation insensée du monde et artificielle, et l'anti-nature que constituerait selon vous la religion catholique par exemple, je choisis l'anti-nature catholique, en sachant bien que selon moi, ce dogme est bien plus fidèle à la nature profonde de la France, que les valeurs mercantiles qu'on nous impose. Si une économie libérale et un régime politique libéral, étaient possibles sans la mercantilisation des valeurs, jusqu'à la sexualité qui s'en retrouve totalement salie, j'abonderais dans votre sens, mais ce n'est pas le cas. Seule une contre révolution catholique pourrait stopper l'hémorragie mercantile, à mon avis, mais cela n'aura probablement pas lieu, et les valeurs mercantiles ne sont pas régulables. L'homme ira jusqu'au bout de sa folie mercantile, jusqu'à tarifer tout ce qui est tarifable, c'est-à-dire à peu près tout, avec l'" ubérisation " de la société. Il est évident qu'on va vers l'abîme.
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