jeudi 23 février 2012

Télé-vérité.

Ce que j'ai retenu de l'intervention télévisée de Nicolas Sarkozy hier soir sur France 2, ce ne sont pas les nouvelles promesses ou les anciennes critiques mais son revirement à propos de sa nuit au Fouquet's. Lui d'une élocution habituellement si claire et si vive, il est devenu à ce moment-là balbutiant, hésitant, emprunté, comme si l'aveu lui coûtait, comme si les mots avaient du mal à sortir de sa gorge. Et je le comprends ! Se sentir forcé à se renier devant des millions de personnes, c'est humiliant. A sa place, je ne l'aurais pas fait, j'aurais assumé. Après tout, il n'a pas commis un crime en fêtant sa victoire dans un hôtel de luxe avec ses amis fortunés, à peine une faute symbolique, tout juste une erreur d'appréciation.

Au contraire, en ce montrant tel qu'il est, avec les connivences sociales qui sont les siennes, il faisait preuve d'une grande sincérité, écartant toute l'hypocrisie attachée à la vieille droite et à la bourgeoisie traditionnelle : le Fouquet's, c'était proclamer haut et fort d'où l'on vient, de qui on se sent proche, par qui on est soutenu. C'était une forte leçon de pédagogie, beaucoup plus efficace que n'importe quel discours de gauche dénonçant la droite et les riches. Là, même plus besoin de dénoncer, simplement ouvrir les yeux, regarder et comprendre. C'était aussi placer tous les électeurs de Nicolas Sarkozy, en particulier ceux issus des milieu populaires, devant la responsabilité de leur vote : le soir même, ils pouvaient en apprécier les conséquences.

Certains amis de gauche me critiquent la télévision, en des termes souvent très durs, l'accusant de mensonge et de manipulation, quand ce n'est pas de collusion avec le pouvoir en place. Moi la télé j'adore et je la crois beaucoup plus libre qu'on ne pense. Surtout, je vois en elle, dans ses émissions, une salutaire épreuve de vérité, comme hier soir les balbutiements du chef de l'Etat lorsqu'il a dû ravaler l'épisode du Fouquet's. Il n'y a que la télévision qui permette ça, qui saisisse le moindre geste, le trait le plus insignifiant, le tout petit lapsus, en gros plan. Sur l'écran, tout se voit, aucun mensonge n'est plus possible. J'ai en mémoire deux autres grands moments de télévision, où quelques secondes suffisent à dévoiler une vérité éternelle, comme hier soir :

A la fin des années 70, quand on demande à Georges Marchais si son allié François Mitterrand est loyal, le leader du PCF met plusieurs secondes avant de répondre, un silence qui n'en finit pas, très éloquent, après quoi plus rien d'autre n'est nécessaire, tout le monde a compris (je ne me souviens d'ailleurs pas de ce qui a suivi). En 1998, à la question de savoir s'il se représente à la présidence de la République, François Mitterrand prononce un oui fluet, faiblard, un simple souffle qui le fragilise mais qui en même temps l'humanise, faisant de celui qu'on surnommait ridiculement Dieu ou Tonton une personne comme une autre. Pour nos hommes politiques, un plateau de télévision est devenu un confessionnal ouvert sur le monde entier, auquel ils peuvent confier leurs espoirs secrets, leurs remords tardifs, leurs sentiments cachés. Amis de gauche, regardez un peu plus souvent la télé !

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