lundi 6 février 2012

La République sans Le Pen.

L'hypothèse d'une absence du Front national à l'élection présidentielle a pris sérieusement corps ce week-end. L'extrême droite elle-même joue avec cette perspective en mettant en avant sa difficulté à réunir les parrainages nécessaires pour concourir. Nous sommes évidemment dans un bluff récurrent : à chaque présidentielle le FN a agi ainsi, pour finalement se présenter à la candidature sans aucun problème. Sauf que cette fois, il me semble que nous passons du bluff à la manipulation.

De fait, il n'y a pas de raison que l'extrême droite n'obtienne pas ce qu'elle a auparavant à chaque fois obtenu, en 1988, en 1995, en 2002 et en 2007. D'autant que le FN a gagné en électeurs et en puissance et que l'image de Marine Le Pen l'a hélas très largement dédiabolisé. Je suis surpris de ne voir personne émettre une hypothèse pourtant de bon sens : Marine Le Pen renonce volontairement à chercher ces signatures de maires qu'elle pourrait récolter facilement, tout simplement parce qu'elle n'a pas l'intention de participer à l'élection présidentielle !

Mais pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas grand-chose à y gagner et beaucoup à perdre. Le challenge du FN serait de réitérer l'exploit de 2002 : être sélectionné pour le second tour. Marine Le Pen sait que ses chances sont réduites d'atteindre cet objectif. L'Histoire ne se répète pas. Et même si elle se répétait, qu'est-ce que l'extrême droite y gagnerait ? Le Pen en 2002 a été au second tour écrasé à 20 contre 80. La fille n'a pas envie de remettre les plats. Quant à être exclu au soir du premier tour (hypothèse hautement probable), ce serait la honte pour elle, faisant moins bien que son père malgré ses efforts de modernisation du parti et de l'idéologie.

En ne se présentant pas, Marine Le Pen évite une nouvelle défaite désespérante et réussit surtout un joli coup : passer pour une victime du système, devenir un martyr de la République, créer le scandale, déstabiliser la démocratie, mettre l'opinion de son côté. Son objectif : pas les présidentielles mais les législatives. Car c'est lors de cette dernière élection que le Front national peut espérer obtenir du pouvoir c'est-à-dire des places de députés, faire son entrée au Parlement et le transformer en formidable tribune pour sa propagande. L'intérêt de Marine Le Pen, son véritable avenir ce sont les législatives, pas les présidentielles.

Capitalisant le mécontentement provoqué par son absence délibérée à la présidentielle qu'elle saura présenter comme un injuste rejet, Le Pen pourra escompter sur un mouvement de sympathie en sa faveur qui lui permettra d'arracher plusieurs circonscriptions. Son véritable adversaire c'est l'UMP, qu'elle fera tout pour faire battre (les responsables locaux du FN le disent ouvertement). Une fois Hollande au pouvoir et la droite républicaine en déroute, il s'agira pour le Front national de se présenter en première et seule force d'opposition à la gauche. C'est sa stratégie et son rêve depuis toujours. Pour la gauche et pour tous les démocrates, ce serait un cauchemar.

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