jeudi 16 février 2012

Présent, pouvoir, ... problème.

Le Courrier Picard dans son édition d'hier revient sur le délire mensonger et diffamatoire d'Antonio Ribeiro lors du dernier Conseil municipal de Saint-Quentin, pour s'intéresser en particulier aux absences de Céline Sené, conseillère municipale d'opposition (PS). La présence d'un élu est une forme de devoir qui fait partie de la fonction. Être détenteur d'un mandat du peuple oblige. On ne peut pas le prendre à la légère, en faire n'importe quoi (en la matière, Ribeiro est le pire exemple qui soit de malhonnêteté politique).

Mais les absences de Céline ? Si un Conseil municipal commence par un appel nominatif et solennel du président de séance, c'est pour marquer l'importance de la présence, même muette. Présent ou pouvoir, ce sont les deux réponses qui se font alors entendre, l'absent ayant la possibilité d'exercer son mandat, en l'occurrence son vote, par l'intermédiaire d'un élu présent. Car certaines absences sont inévitables. Mais une absence prolongée pose problème.

Il ne faut cependant pas incriminer Céline Sené. Comme à mon habitude, j'aimerais faire un peu d'histoire récente et rappeler que ce problème n'est pas nouveau. Lorsque je me suis installé à Saint-Quentin en 1998, une de mes premières préoccupations a été d'assister du balcon aux réunions du Conseil municipal, réaction normale quand on veut en savoir plus sur la vie politique locale (j'étais loin de me douter que quatorze ans plus tard j'en serai au même point, au même endroit, mais ceci est une autre histoire !). A l'époque, de mémoire, il devait y avoir une douzaine de conseillers municipaux d'opposition. Or, deux seuls siégeaient et intervenaient régulièrement, Yves Mennesson et Jean-Pierre Lançon. Tous les autres participaient très épisodiquement et la plupart jamais.

Le même problème s'est posé lors de la mandature suivante (2001-2008), où l'opposition était réduite à cinq élus, dont un a cessé d'être présent au bout d'environ un an, Régis Chevalier (PS), directeur de cabinet à la mairie de Gauchy. Régis avait sûrement en tête que nous allions gagner en 2001, qu'il deviendrait naturellement adjoint. Simple élu d'opposition, ça change tout. Et puis la double casquette passait mal. Mais son absence a créé un problème politique, qu'il est bon de rappeler aujourd'hui, si l'on veut que le passé instruise le présent et prépare l'avenir :

Freddy Grzeziczak (MRC) était dans l'ordre de la liste derrière Régis Chevalier. Si celui-ci avait démissionné (comme il aurait dû normalement faire), celui-là devenait conseiller municipal. Le PS y perdait un siège au profit d'un petit concurrent déjà très médiatisé. La protestation légitime de Freddy a duré plusieurs années, sans effet, et son ralliement à Pierre André s'explique aussi par ce conflit. En politique, il ne faut jamais rien négliger mais tout prévoir : même une absence que personne ne remarque peut avoir de lointaines et fâcheuses conséquences.

Céline Sené n'est donc pas à accabler. C'est une tendance générale et ancienne qui est à déplorer, propre sans doute à toute opposition en situation de faiblesse. Il faut vraiment avoir un moral d'acier pour aller se battre contre Xavier Bertrand sans espoir de vaincre. Il n'y a que des inconvénients à en retirer. L'ingratitude de la tâche porte facilement à la lassitude. Y a-t-il des désaccords politiques ? Je n'en sais rien. N'oublions pas non plus les problèmes personnels que peut rencontrer une personne dans sa vie, ce qui devrait nous abstenir de porter tout jugement sur elle.

Il n'empêche que le problème politique, aussi mineur qu'il paraisse, est là, comme autrefois. Comment peut-il se régler ? Difficilement. La démission dans ce cas est attendue mais insatisfaisante, car on retombe dans le schéma de Freddy dix ans auparavant, en pire. Céline Sené partant, le PS se retrouverait encore plus minoritaire qu'il n'est actuellement au sein de l'opposition municipale. L'équilibre entre gauche et extrême gauche serait rompu, l'extrême gauche deviendrait majoritaire : nous passerions d'un rapport de forces 4/4 ( 3 PS + 1 Vert/1 PCF + 1 NPA + 1 LO + 1 POI) à 3/5.

En effet, la démission de Céline Sené ouvrirait la voie sur la liste municipale à Néné Mendy, étiqueté "Société civile", en position de remplacement. Mais c'est une sympathisant communiste puisqu'elle faisait partie du comité de soutien à Jean-Luc Tournay, candidat du PCF aux élections législatives de 2007. D'ailleurs, en septembre 2008, lorsque Antonio Ribeiro a rejoint la droite municipale, la section du PCF a lancé une pétition pour qu'il démissionne, bien certain qu'elle bénéficierait alors de l'élection d'une proche.

Il n'est même pas certain que Néné Mendy, qui n'est pas une militante politique, accepte d'aller au casse-pipe. Après elle, le suivant est ... Jean-Luc Tournay, un grognard du communisme qui lui n'hésitera pas. Mais la représentation du PS s'en retrouverait considérablement affaiblie. La meilleure solution est comme souvent en politique la pire : geler le siège pour conserver un pouvoir, à la façon de Chevalier contre Grzeziczak.

Cette malheureuse histoire doit nous inspirer quelques enseignements pour les prochaines élections municipales, que je résumerai à quatre :

1- Constituer au premier tour une liste socialiste autonome, maître de son destin, pesant de tout son poids pour exercer un véritable leadership par la suite. C'est ce que j'avais proposé en 2007, dans les conditions et avec le résultat qu'on sait.

2- Inciter tout postulant pour une liste à assister aux débats du Conseil municipal. Je suis toujours surpris de voir des candidats n'ayant aucune idée concrète de ce qui se passe dans une instance où ils aspirent pourtant à siéger. Pas étonnant qu'après il y ait des déconvenues !

3- Spécifier à chaque candidat qu'il a autant de chance d'être élu d'opposition que de la majorité, que la politique est faite autant de gloire que d'ingratitude.

4- Engager chacun à respecter les termes du mandat que lui a confié l'électorat, c'est-à-dire être présent autant que possible en séance du Conseil municipal.


PS : A la suite d'un précédent billet intitulé "Plus jamais ça", un lecteur me fait savoir en commentaire qu'Antonio Ribeiro n'a pas directement suppléé à l'absence de Freddy Grzeziczak sur la liste municipale de 2008. Initialement, c'est son frère José qui avait été désigné à l'unanimité par le MRC départemental (si j'en crois mon correspondant). José Ribeiro étant confronté à des problèmes familiaux, c'est Antonio qui l'a remplacé. Dont acte. Mais cette remarque ne fait que redoubler ma critique : la préférence familiale n'est pas une bonne chose en politique. Le sang n'égale pas les convictions, comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire.

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